Chapitre 59 : Symboles et Carrés

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Dimanche 19 Octobre 16h 38
KWAN - bassiste de Sweet Poison

Dans les romans, les quais de gare sont un lieu de déchirants adieux ou de retrouvailles passionnées. C'est là où celui qui reste agite son mouchoir pour être visible quelques instants de plus, c'est de là que le héros démarre l'exploration d'une ville, d'une région, d'un pays. La gare, c'est le lieu d'une émotion forte. Pourtant, quand je nous observe descendre du car et entrer dans celle de Rennes, je ne vois pas quel sentiment nous pourrions représenter. Nous sommes juste du bazar ambulant. Pour changer.

« Tu nous mettras un sms quand tu es dans le TGV et tu appelles quand tu es arrivé à l'hôtel, m'a recommandé ma mère avant que je ne monte dans le bus.

— Maman, ça va bien se passer, relaxe, ai-je répondu en l'embrassant.

Mon père a froncé les sourcils.

— Kwan Jin, écoute ta mère. Ne lui cause pas de soucis pour rien en oubliant de prévenir. »

Ce qui est bien avec mes parents, c'est que je pourrais me faire enlever en plein Paris, si les ravisseurs pensent à téléphoner à l'heure, tout ira bien. Les terroristes sont prévenus, pas la peine d'espérer une rançon avec moi.

— Quai numéro 3, en gare, annonce Hadrien après un coup d'œil au tableau d'affichage. On descend.

Bec', qui adore qu'on lui donne des ordres, grogne.

— Oui, ô guide suprême.

— Tu peux rester ici si tu veux, réplique-t-il. Je m'adressais aux membres de SKIN.

On n'a pas encore quitté la Bretagne et ils se mettent déjà sur la figure, ça promet.

Par coup de bol, Bec' ne renchérit pas et notre groupe aussi bruyante qu'une colonie de vacances de quarante gamins grâce à Lukas descend sur la plate-forme. Dans l'escalator, je croise le regard suspicieux des autres passagers. Objectivement, sans notre gothique aux traits parfaits et Skinny, nous serions bons pour passer pour un gang. Surtout avec l'immense sourire de Lukas qui paraît beaucoup trop heureux pour être clean. Heureusement, personne ne nous arrête et on rejoint notre train, armés de nos valises pour deux semaines.

Un jour, il serait bon que les concepteurs de TGV comprenne qu'on ne peut pas physiquement se hisser dans le train avec nos bagages par les portes qu'ils ont conçues. Mais en attendant, on finit quand même par tous rentrer en file indienne dans l'étroit wagon et, après avoir entassés nos sacs, on se met en quête des quarante centimètres de nos places respectives.

Hadrien, qui s'est chargé de réserver les places, nous désigne les carrés dans lequel une femme de l'âge de ma mère est assise.

— On dispose de celui de droite au complet et de la moitié de celui de gauche. Nos deux autres places sont un peu plus devant. Je vous laisse choisir.

— Eh, on se fait une belote ? propose Lukas qui s'extirpe de l'interrangée pour s'asseoir dans le premier carré, tout excité.

Je capte le regard inquiet de la passagère de l'âge déjà présente. Jusqu'à présent, elle avait les yeux dans le vague, sans doute déprimée à l'idée de rentrer sur Paris pour le boulot. Cependant, notre arrivée en fanfare lui fait prendre conscience que son dimanche soir pourrait franchement empirer.

— Moi je suis chaud pour les cartes, répond Gwen, surtout si ça me permet d'échapper à Hadrien.

Bec' ricane.

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