- Mes instructions sont malheureusement très nombreuses. Croyez-vous pouvoir vous souvenir de tout ?
- Oui.
- Très bien, alors, première chose. Ne soyez pas tendre envers mes sœurs. Pas tyrannique non plus. Si je disparais, il faudra vous attendre à ce qu'Earine reprenne mon rôle d'ainée. Elle saura le faire, mais n'est malheureusement pas très sage. Seconde chose : comme je vous l'ai dit, j'aurais besoin que vous les guidiez jusqu'à notre royaume. Mais avant, il faudra repasser à l'auberge de la Lune. Dans ma chambre, sous mon lit, une latte du plancher se déboîte. Brûlez le carnet noir, donnez ceux qui restent à mes sœurs. Ne les lisez sous aucun prétexte, mes sœurs vous les partageront si elles estiment cela prudent. Oh et, une dernière chose, c'est la plus difficile. Dites leur à quel point je les aime plus que tout au monde, plus que moi même. Elles le liront dans mes papiers, mais il faudra le leur rappeler.
Le prince resta ensuite silencieux. Je regardais ailleurs, effrayée à l'idée de croiser son regard. Si je le faisais, je pourrais me mettre à pleurer, ou je ne sais quoi d'autres. On lisait trop facilement dans mes yeux. Je le savais.
- Savez-vous vous battre ? Demanda-t-il avec la voix la plus douce que je l'avais jamais entendu utiliser.
Tout d'abord, je ne répondis pas. Que dire ? Nous ne nous battions pas dans la même catégorie. Et il était hors de question que je lui explique en quoi. Il en savait déjà trop.
- J'ai mes propres techniques, répétai-je une seconde fois.
- Vous n'avez jamais appris. Ce que vous faites là, c'est du suicide.
Un incontrôlable sourire s'étira sur mon visage. Je le fis aussitôt disparaître, craignant qu'il ne me prenne pour une folle.
- Et donc ?
- Je ne peux pas vous laisser faire ça.
- Je n'ai jamais dit que vous aviez le choix. Dites-moi, prince Legolas, que savez-vous de moi ? Rien, quasiment rien. Ne soyez donc pas prompt à me juger inoffensive.
- J'ai raison, n'est-ce pas ?
- Malheureusement. Mais mes poursuivants ne le savent pas.
*
Je préparais mes affaires lorsque ma sœur débarqua en trombe dans ma chambre.
- Il paraît que tu vas partir sans nous !
Je posai mon ouvrage sur ma table de chevet et m'assis calmement sur mon lit. Earine me regardait avec l'air de ne pas y croire.
- Ce n'est pas sérieux, Laurelin ?
- Je vais m'en aller pour quelques temps, déclara-je avec un calme trompeur.
- Oh, tu vas t'en aller, répéta-t-elle, haussant le ton. Et où vas-tu aller ?!
- Je ne peux pas te le dire.
- Tu te moques de moi ! Cria-t-elle.
Elle se plaça devant moi, poings sur les hanches, le regard furieux.
- Tu pars sans nous, sans nous dire où tu vas et tu veux que je te laisse faire sans rien dire ?! Tu es folle !
- Je n'ai pas de compte à te rendre, m'énervai-je à mon tour. Ce que je fais ne regarde que moi et certainement pas une gamine qui se croit tout permis !
La fureur brûla dans les yeux de ma sœur. Je craignis qu'elle ne me frappe.
- Espèce de pauvre cruche ! Hurla-t-elle. Tu n'es qu'une sale égoïste ! Tu comptes nous quitter, moi et Nessimelle, toutes seules ?!
- Oh je t'en prie, ne fais pas l'hypocrite ! M'écriai-je en me dressant d'un bond. Je ne te laisse pas en si mauvaise compagnie, à ce que j'ai pu voir ! Si tu tenais vraiment à moi, tu n'aurais pas gardé ce secret pour toi toute seule et tu serais venue me voir plutôt que de fricoter avec ton amant !
Earine m'aurait tuée sur place si elle l'avait pu. Oui, je savais où appuyer pour faire mal, mais Earine était bien plus douée que moi dans ce domaine, ce qu'elle ne tarda pas de me rappeler quelques minutes plus tard. J'étais terrifiée.
- Vas te faire voir, Laurelin ! Hurla-t-elle. Tu n'as jamais levé le petit doigt pour nous depuis le début !
- Jamais le... M'étouffai-je. Je ne te permet pas ! J'ai tout sacrifié pour vous, tout ! Je vous ai élevée et je vous ai protégées toutes ces années ! Je n'ai même pas eu d'amis !
- Il y a peut-être une raison à ça ! Rit hystériquement ma soeur. Tout comme tu n'as jamais eu de premier baiser !
- Earine... La prévins-je.
- Comme Maura et Uriel nous préféraient à toi ! Martela-t-elle. Comme les clients de la taverne se moquaient de toi ! Comme personne ne t'a jamais aimée !
La gifle partit avant que j'ai pu la retenir. Earine encaissa le coup en se taisant brusquement, sa tête vacillant sous le choc. Elle se tint la joue, me regardant avec haine. Mon cœur battait à tout romper, j'étais déchirée de l'intérieur. Comme elle s'apprêtait à recommencer, je lui en rajoutai une seconde. Qu'elle se taise ! Cette fois-ci, elle me poussa violemment et s'enfuit en courant.
Je restai les bras ballants, le souffle court. Dans l'encadrement de la porte, les immenses yeux de Nessimelle me brûlaient.
- Tu es cruelle, Laurelin.
- Ah, tu crois ça ? Ricanai-je.
Elle suivit notre sœur sans rien ajouter, sans même me regarder. Ne resta plus que le pauvre Aggur qui n'avait rien demandé. Son regard était triste. Il avait compris.
- Aimez la. Veillez sur elles, chuchotai-je.
Il hocha gravement la tête et partit à son tour.
Les larmes me montèrent aux yeux. À cet instant entra une autre personne alors je me détournai pour faire mine de ranger des affaires tout en clignant des paupières pour chasser mes larmes.
C'était l'elfe rousse, tenant un paquet de tissus dans ses bras. À son air embarrassé, je compris qu'elle avait tout entendu. Je lui adressai un faux sourire, la vision brouillé.
- J'ai appris que vous partiez vous battre. Cette tenue sera sans doute plus adéquate.
Je tendis les mains et la déchargeait de son paquet.
- Merci.
- Et j'ai cela aussi.
Elle tira de sa ceinture une dague qu'elle me donne.
- Je vous remercie infiniment...
- Tauriel, mon nom est Tauriel.
Elle m'adressa un sourire, auquel je répondis. Je posai les affaires sur mon lit, faisant mine de m'affairer, alors qu'elle se dirigeait vers la porte.
- Je suis désolée, ma Dame. Pour vos sœurs.
Elle semblait sincèrement peinée, alors j'expliquai avec un sourire baigné de larmes :
- C'était le seul moyen pour qu'elles ne me suivent pas.
Elle comprit. Comprit que j'avais préféré partir avec la haine de mes sœurs plutôt que de les voir me suivre dans la mort. Pour les protéger.
Lorsque Tauriel referma la porte, je jetai mon ouvrage de couture contre le mur d'en face et m'écroulai, en larmes.
Publié le 1 septembre 2019
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Trois paires d'yeux... Bleues
Фанфик"Je marche dans la nuit. J'ai froid et j'ai faim. Dans mes bras dort ma petite sœur, si petite et si fragile que j'ai peur de la briser. Elle est plongée dans le sommeil, tout comme mon autre sœur, sanglée dans mon dos. Elle aussi s'est endormie, ap...