Quelque part en France,
Vendredi 28 janvier 2021, 16 h 54
Les questions incessantes des policiers et des journalistes résonnaient dans ma tête et embrouillaient mes pensées. Ma mère sanglotait, pendue au bras de mon père qui hurlait. Ses cris étaient couverts par la sirène des voitures de police, dont l'aveuglante lumière tournoyait telle une boule de discothèque. Et moi, j'étais là, debout et figée au milieu de ce capharnaüm.
Autour de moi, les gens étaient en larmes, sous le choc, et me dévisageaient, les yeux écarquillés de terreur et de dégoût. Mais pour la première fois de ma vie, le poids des regards ne me faisait ni chaud ni froid. J'aurais juste voulu qu'ils se taisent tous. Je ne m'entendais plus penser dans ce bruit infernal. Enfin, penser... Je n'y arrivais plus, de toute manière. Mon cerveau semblait s'être réduit à une petite boule de nerfs, si serrée et emmêlée qu'il était impossible d'en sortir un seul fil intact. Des milliers de choses me traversaient la tête, fusaient tels les éclairs que j'aimais tant observer, les nuits de tempêtes, mais aucune n'était censée. Un instant, je songeais à la calvitie de ce policier qui me passait les menottes, puis mon regard se posait sur la mignonne gargouille qui décorait la pierre grise du mur du lycée, et une fraction de seconde après, je me concentrais sur les jolis reflets des gyrophares dans une flaque d'eau. Mes yeux papillonnaient dans tous les sens, aussi vifs que mon corps était immobile.
Je ne sentais plus mon cœur marteler ma poitrine. Peut-être s'était-il arrêté ? Oui... J'aurais aimé que mon cœur se fige, se brise et s'envole comme de la poussière. Tel l'avait fait celui du garçon. Que mon cœur batte ou pas, cela ne changeait rien. Le peu de joie que j'avais accumulée dans cette vie avait entièrement disparu. Pire encore : je venais de sombrer dans le plus profond des enfers, cette obscurité lourde et opaque qui nous enferme pour l'éternité. La haine.
La haine de soi-même.
Un haut-le-corps me saisit alors, et quelque chose de violent, d'énorme, monta soudain dans ma gorge. Puis explosa. Et j'éclatai de rire.
C'était un grand rire nerveux, incontrôlable, le rire d'une folle. Un silence glaça la foule. Pendant quelques secondes, on ne voyait plus que ma bouche tordue dans un sourire dément, on n'entendait plus que mon ricanement enragé, entrecoupé des hurlements de la sirène. J'étais complètement demeurée. Je n'en doutais plus, à présent. Ils avaient tort : ma place n'était pas dans une prison mais dans un asile.
Je ne parvenais pas à m'arrêter. La honte, la culpabilité et la peur me tenaillaient comme jamais, et la seule manière de me libérer était ce rire fou. Des larmes montèrent à mes yeux. Je les ravalai aussitôt. On me frappa brutalement à la tête pour me faire taire. Les spasmes et les tremblements qui me secouaient redoublèrent d'intensité. Et lorsque les forces de l'ordre m'entraînèrent vers leur voiture, je me laissai faire, sans volonté.
La foule nous suivit, me bousculant et me criant des injures. La terreur de leurs regards semblait refléter la mienne. Les parents de l'élève, en larmes, essayaient de m'atteindre de leurs coups, en vain, puisqu'ils étaient retenus par les policiers.
Mais quand je montai dans le fourgon, ce n'était pas eux, ni la foule, ni mes parents que je regardais. C'étaient deux hommes, à l'écart de la masse de gens et de cris, à qui personne ne semblait prêter attention.
Ils me fixaient tous deux, mais au contraire des autres, n'avaient pas ce dégoût et cette peur dans le regard. Ils devaient aussi être fous, puisque l'un me souriait.
Alors que j'étais une meurtrière.
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E.M.O. Unity
ParanormalIl existe, sur Terre, une société fantôme, composée d'agents aux talents mystérieux et dangereux. Cette organisation siège secrètement auprès des plus grands de ce monde, tirant les ficelles de l'histoire dans l'ombre. Aure est une jeune fille qui...