Alice entre dans la chambre de réanimation avec le bruit des machines qui surveillent l'état du commandant : le respirateur pour le ventiler et le moniteur qui rend compte du rythme cardiaque. Elle s'approche de lui, tremblante et les yeux remplis de larmes. Il lui a sauvé la vie aujourd'hui en s'immiscant entre elle et la tireuse qu'il venait arrêter.
Elle se rappelle alors avoir hurlé son nom en tentant de lui apporter les premiers soins malgré la peur et la panique. Un point de compression pour éviter l'hémorragie.
Les secours ayant pris le relais, après l'avoir stabilisé, elle a suivi l'ambulance jusqu'à l'hôpital avec la voiture du commandant, se permettant même de mettre le gyrophare, tout en priant qu'il survive au transport.Après avoir accompagné le brancard devant la porte du bloc opératoire, elle a bien cru le voir pour la dernière fois donc a demandé un instant avant qu'il ne soit emmené.
- Marquand, c'est Alice ... Ça va aller, je suis là, lui a t'elle chuchoté à l'oreille. Ne me laissez pas tomber, d'accord ? Battez-vous. Je vous . . . Je vous attend . . .L'attente a alors été d'une durée interminable, malgré le soutien de son greffier, venu la réconforter.
Le diagnostic du médecin a alors jeté le couperet : risque de paralysie définitive . . .Elle l'imagine alors se laissant dépérir, son corps s'affaiblir, sa santé diminuer jusqu'à faillir.
Elle ne peut accepter cette vision là, d'autant plus qu'elle se sent coupable de son état. C'est elle qui aurait dû recevoir cette balle. D'après la trajectoire, elle l'aurait reçue dans l'abdomen, elle s'en serait peut-être mieux sortie que lui. Mais c'est sans compter l'infaillible protection qu'il a envers elle, au péril de sa propre vie. Elle lui en veut pour ça, elle lui passera un savon quand il se réveillera, elle s'en fait la promesse.En attendant, après avoir consolé et rassuré Juliette venue au chevet de son père, Alice ne quitte plus la chambre de son collègue. Elle se souvient du conseil de la jeune fille : on ne se rend compte qu'on aime quelqu'un que lorsqu'on le perd . . . Alice prie pour que ce ne soit pas le cas, qu'elle puisse exprimer ses sentiments et se donner une chance de vivre les choses.
Sorti de son coma artificiel, il a été extubé puis transféré en réanimation, son état amélioré ne nécessitant plus une surveillance approfondie.
Elle est perdue dans ses pensées, imaginant difficilement son quotidien sans que cet homme en fasse parti quand il commence à émerger de son long sommeil. Installée sur un fauteuil mitoyen à son lit, elle se précipite alors vers lui et s'asseoit à ses côtés .
- Alice . . . peine t'il à prononcer.
- Chut, ne forcez pas, Marquand, lui conseille t'elle. Vous avez été intubé, vous aurez du mal à parler, c'est normal, ne vous inquiétez pas, le rassure t'elle en lui caressant la joue.Tellement émue de voir ses beaux yeux bleus, des larmes de soulagement roulent sur ses joues qu'elle tente de cacher en déposant sa tête sur le torse nu de son collègue, entre les électrodes cardiaques toujours collées sur sa peau. Elle se soulage alors de ce doux contact, sentant les battements réguliers de son coeur, frappant dans sa poitrine, annonçant le reguin de la vie, et résonnant dans la sienne.
Elle s'endort ensuite contre lui, bercée par la cadence de sa respiration.Elle sent une main caresser ses cheveux. Elle émerge d'un court mais revigorant repos. L'instant de quelques secondes, elle se croit dans son lit, en agréable compagnie mais revient hélas à la réalité quand elle aperçoit le visage pâle mais souriant de son collègue. Elle le lui rend timidement, sachant que le plus dur est à venir.
Elle glisse ses doigts dans ses courts cheveux en le fixant.
- Comment allez-vous, Marquand, chuchote t'elle.
Il aquiesce de la tête, toujours peiné à parler.
- J'ai eu tellement peur de vous perdre, Marquand, avoue-t-elle la voix tremblante.
Il tend difficilement la main vers son visage qu'elle accompagne vers sa joue pour y balayer une larme du pouce. Même blessé, il trouve le moyen de prendre soin d'elle, ne serait-ce que par ce simple geste.Elle avait expressément donné l'ordre au médecin de ne pas évoquer son état de santé, préférant le lui annoncer elle-même. Le moment étant venu, elle prend une profonde inspiration.
- Il faut que vous sachiez une chose, Marquand, commence t'elle difficilement. Tout d'abord, je suis là pour vous et je ne vous laisserai pas tomber.
Son regard se plisse et sa gorge se serre. Il prédit une mauvaise nouvelle. Il a eu à en annoncer bien trop souvent dans le cadre de son travail pour en connaître le ton et la tournure. Il ne se doutait pas être un jour à la mauvaise place de celui qui la reçoit.D'un mouvement de tête, il lui fait signe de poursuivre. Elle s'y soumet de mal gré, le coeur noué.
- La balle que vous avez reçue est passée près de la moelle épinière provoquant une paralysie.
Elle laisse l'information se faire avant de continuer.
- Le médecin va devoir faire des examens complémentaires pour savoir si c'est temporaire.
Il détourne le regard pour digérer le diagnostic. Elle saisit son menton pour tourner de nouveau sa tête vers elle. Leurs regards se croisent et leur magique langage muet opère. Ils se remémorent tout deux cette visite lors de leur enquête auprès de personnes en fauteuil, son jugement, sa gêne face au handicap, un coup du sort pense-t-il à ce moment-là.- J'ai besoin de vous, Marquand. Ne vous laissez pas abattre, s'il vous plaît, le prie t'elle. Vous n'êtes pas seul, pensez à Juliette, à Paul, à moi . . .
Les yeux de son ami s'embuent.
- Laissez-moi, Alice, parvient-il à balbutier.
Elle regrette sa demande mais comprend sa réaction.
- Je ne vous abandonne pas, dit-elle en déposant un baiser sur son front avant de quitter la chambre.
Une fois la porte close, il accuse le choc et fond en larmes.Alice lui a laissé le temps de digérer l'information en ne revenant que le lendemain, avec des affaires à lui pour qu'il se sente mieux pendant son hospitalisation.
- Je me suis permise de prendre vos clés pour vous ramener quelques ptits trucs, dit-elle souriante.
Elle pose sur la table de chevet des magazines qu'elle a trouvé dans son salon, range sur le placard des vêtements qu'elle a pris dans son armoire ainsi que ses affaires de toilette ( brosse à dents, parfum, rasoir ... ), son peignoir.
- Vous faites quoi, là, Alice, demande t'il, dubitatif.
- Bê, j'essaie de rendre votre séjour plus agréable, Marquand, explique t'elle.
Il remarque parmi ce désordre un cd musical.
- C'est pas à moi ça, s'étonne t'il.
- Nan, je me suis arrêtée dans une boutique, se satisfait-elle.
Il lui sourit en guise de remerciement.
- Ne vous sentez pas obligée, poursuit-il, gêné.
- Ahh, mais ce n'est pas le cas, rassurez-vous. C'est purement égoïste car même si Max est compétent, vous êtes un meilleur partenaire, avoue t'elle. Je compte donc sur vous pour revenir vite.Lors d'une énième visite de la juge auprès de son collègue, le médecin frappe à la porte avant d'entrer faire son bilan journalier, une semaine après les faits.
- Je vais vous laisser, s'excuse t'elle.
- Non, restez, la prie Fred.
Elle se met tout de même à l'écart, gênée. Elle lit la peur dans son visage et se pince les lèvres de compassion, croisant les doigts pour entendre de bonnes nouvelles.
- J'ai eu les résultats de vos examens et ils sont plutôt encourageants, débute t'il.
Le commandant ferme les yeux et pousse un soupir de soulagement qu'elle imite.
- Votre scanner ne montre pas de lésion pouvant engendrer une paralysie, poursuit-il. La rééducation sera longue et contraignante mais vous devriez retrouver toutes vos facultés pour la marche, conclut-il avant de poser un bras compatissant sur le bras de son patient, ému. Votre petit ami va se remettre, lance t'il à Alice avant de sortir.
- Ce n'est pas ...
- Bonne continuation, Mme Nevers, la coupe t'il en souriant, devin.Fred n'entend même pas le quiproquo tant il est ravi du diagnostic. Elle s'approche de lui, il se redresse dans son lit et l'acceuille dans ses bras, les yeux embués.
Elle reviendra le lendemain, puis le jour d'après, et les suivants, toujours avec un cd à ajouter à sa collection, pour lui tenir compagnie pendant un créneau libre, pour partager un repas, le pousser en fauteuil dans les allées extérieures de l'hôpital ou lui dire bonjour entre deux rendez-vous. Elle partagera ses moments de victoire lorsqu'il se remettra debout, ses doutes quand il aura mal, excusera ses sautes d'humeur, jouant l'entremetteuse avec le personnel médical, dérouté. Elle réussira à le convaincre quand, fatigué, il refusera de poursuivre sa rééducation.
Il ne quittera pas les pensées d'Alice, même pendant ses enquêtes, elle ne quittera pas les siennes lors de ses longues journées, ponctuées d'examens ou de séances kiné, et ce jusqu'à ce qu'ils se retrouvent pour poursuivre leur routine en duo, avec une canne en bois en accessoire, tout deux bien décidé à vivre chaque jour comme si c'était le dernier . . .
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Une Ombre Au Tableau ( Saison 9 Épisode 5 )
FanfictionLe commandant Marquand a reçu une balle lors d'une intervention en protégeant sa juge qui reste à son chevet pour le soutenir dans cette épreuve.