My Precious CAMELIA

La douleur des souvenirs

Entrer au lycée, c'était comme découvrir un nouveau souffle, une autre vie. Je m'étais enfin libérée de ces années d'oppression, et même si les cicatrices restaient, elles n'avaient plus autant d'emprise sur moi. Dans ce nouvel univers, j'avais trouvé des gens qui partageaient ma passion pour les mangas. On passait des heures à discuter des dernières sorties, à débattre sur les intrigues et les personnages. Mais ces échanges restaient en surface. Ces personnes n'étaient pas mes amis, juste des figures familières qui gravitaient dans mon orbite. Il n'y avait ni complicité, ni confidences.

Mais, au fond de moi, une lueur d'espoir persistait. Depuis la maternelle, je rêvais de revoir Camille, celle qui avait illuminé mes premières années. Je l'imaginais souvent, et dans mes prières secrètes, je souhaitais que le destin la ramène à moi.

Un jour, ce vœu s'est exaucé.

Elle était là, au détour d'un couloir, entourée d'un groupe de filles. Ses cheveux blonds, ses yeux marron... rien n'avait changé. Et pourtant, tout était différent. Ce sourire qu'elle affichait, éclatant et sincère, ce n'était plus un sourire qui m'était réservé. Elle semblait si heureuse, si épanouie avec ces filles à l'allure simple, charmante. Une douleur sourde m'a saisi le cœur, mélange d'une joie intense et d'une jalousie qui me rongeait.

Les souvenirs me revenaient en vagues, et avec eux, les larmes. Je trouvais refuge dans les toilettes, essuyant mes pleurs avant de réapparaître dans les couloirs, l'air de rien. Mais je ne pouvais pas l'affronter. Chaque fois que je croisais son chemin, je me cachais, m'éloignais. Je vivais un jeu absurde du chat et de la souris, incapable de soutenir son regard.

Ma paranoïa grandissait. Je surveillais mes gestes, mes trajets. Un jour, dans la cohue de la file pour la cantine, j'ai fait tomber ma carte de repas. En me relevant, mon cœur s'est arrêté. Camille était là, face à moi.

Son visage s'est illuminé d'un sourire qui m'était familier, mais qui, dans ce moment précis, semblait plus éclatant que jamais.

« Mila ? C'est bien toi ? » Sa voix, douce et enjouée, m'a frappée de plein fouet.

« Cami... » J'étais incapable de terminer ma phrase, la gorge nouée par l'émotion.

Avant que je puisse dire quoi que ce soit de plus, elle m'a enveloppée dans ses bras. Cette étreinte, si inattendue, a brisé mes défenses. Les larmes que je retenais ont coulé librement, mais cette fois, elles étaient empreintes de bonheur.

Elle m'a présenté à son groupe, des filles chaleureuses et curieuses, qui m'ont bombardée de questions. Camille parlait de moi avec une tendresse et une admiration que je ne pensais pas mériter. Je m'étais presque convaincue qu'elle m'avait oubliée. Mais alors qu'on discutait, une des filles a mentionné mon passé.

« Il paraît que tu as cassé le nez d'une fille dans ton ancien collège ? » demanda-t-elle, mi-intriguée, mi-provocante.

Le silence s'est abattu autour de la table, mais Camille a éclaté de rire.

« Mila ? Casser le nez de quelqu'un ? Elle ne ferait pas de mal à une mouche ! »

« C'est vrai ! Elle l'a fait. Je te jure, elle a agressé cette fille... c'était violent, » insista l'autre.

Le rire de Camille s'est éteint. Son regard s'est assombri, et elle a pris ma défense sans hésitation.

« Si Mila a fait ça, c'est qu'elle avait ses raisons. Vous ne connaissez pas l'histoire complète. »

Une autre fille est intervenue : « La victime n'était pas si innocente que ça... Franchement, si vous saviez ce qu'elle avait fait, vous comprendriez. »

Camille, visiblement agacée, a renchéri : « Voilà ! Il faut toujours connaître les deux côtés avant de juger. »

Dans ce moment étrange, Camille a attrapé mon bras et m'a entraînée à l'intérieur de la cantine. Ses amies nous suivaient, sauf celle qui avait lancé l'accusation et qui, visiblement vexée, traînait à l'arrière.

Assise à leurs côtés, je me sentais à la fois exposée et protégée, comme si un nouveau chapitre s'ouvrait. Celui où Camille était de retour dans ma vie.