Chapitre 10 : Elle serait mon futur.

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Clarke :

Mon dos était plaqué contre le mur froid de ma chambre. Je pouvais sentir les plis du haut noir que je portais s'incruster dans ma peau. Pour la première fois depuis que je vivais ici, mes cheveux étaient libres. Ils reposaient sur mes épaules et le haut de mon dos et ne bougeaient que lorsque la main de Lexa passait doucement dedans. Mon cœur, quant à lui, essayait vainement de sortir de ma poitrine pour aller rejoindre le deuxième muscle qui battait de l'autre côté. Ils pulsaient le sang ensemble, si vite que je ne pensais pas survivre à ces quelques minutes qui semblaient durer des heures.
À ce moment, je réalisais que toutes ces sensations me hanteraient jusqu'à ma mort. Le timide frottement de nos nez, la douceur de ses lèvres, la symbiose de nos baisers, nos corps pressés l'un contre l'autre attendant la fin du monde pour se détacher, sa main sur ma joue, sa main dans mes cheveux détachés. Je ne m'en lasserais jamais. Le pire était ses yeux, remplis de tendresse, de protection et d'...amour ?

Elle finit par ralentir notre baiser. Ses lèvres se firent moins pressantes, ses mains plus sûres, plus apaisées. Ses doigts couraient sur ma peau et dans mes cheveux qu'elle caressait doucement. Nos cœurs se calmaient à l'unisson, ils ralentissaient pour adopter un rythme plus viable. Mes mains sur sa taille la serraient pour ne pas qu'elle s'éloigne de moi, j'avais si peur de rêver, si peur d'un brusque rejet. Ses lèvres finirent par se détacher des miennes pourtant encore avides. Mes bras se verouillèrent autour d'elle l'emprisonnant dans notre étreinte presque nécessaire à notre survie. Son nez se colla gentiment au mien lorsqu'elle plongea son regard au fond du mien. Notre échange visuel se fit si intense que Lexa rougit. Elle rougit ! Mais avant que je ne puisse exquisser le moindre sourire, elle enfouit son visage dans mon cou, se cachant de gêne. Je ris soudainement en la serrant encore plus fort contre moi.

- Je ne vois pas ce qui te fait rire..., grommela-t-elle d'un ton bougon.

Mon rire presque silencieux doubla d'intensité. Je rigolais de si bon cœur que nos deux corps emboîtés tremblaient ensemble. Mes mains commencèrent des massages circulaires le long de son dos. Elle frissonnait et je sentais la chaleur qui se dégageait de son corps et qui se mêlait à la mienne. Sa joue se posa sur le côté de mon cou, caché par mes cheveux. Son comportement était celle d'une petite fille timide devant un inconnu. Elle était si mignonne. Je ne l'avais jamais vu comme ça... Ses cheveux chatouillaient ma clavicule mais je serais restée dans cette position pour l'éternité. On devait être comme ça depuis assez longtemps puisque le garde annonçant le déjeuner frappa à la porte. Nous nous détachâmes doucement en souriant, chacune savourant les derniers instants avec l'autre. Nous nous dirigeâmes vers la salle à manger.

Une fois installées, nos commençâmes à manger lorsqu'un garde royal arriva et chuchota à l'oreille du roi. Celui-ci partit dans un rire tonitruant qui n'annonçait rien de bon.
- Amenez-la moi ! dit-il les yeux brillants d'une folie violente.
Trois gardes ouvrirent en grand la porte ornée de fleurs en or. Ils portaient un corps inerte. J'eus soudain très peur. Qui était-ce ? Je sentis à mes côtés Lexa qui se tendit.
- Ah tu vois Lexa, j'ai trouvé une façon pour toi de prouver ton éducation et ton accomplissement devant tous les généraux militaires...
Ses sourcils se levèrent de surprise devant l'attitude de son père. Nous avions à présent fini le dessert lorsque je faillis vomir en entendant ses paroles.
- Mes gardes ont trouvé ton ancienne camarade scolaire en train de... Hum de...on va dire d'embrasser une femme. Et pour éviter que sa maladie se répande je veux que tu la fasse disparaître. La survie du royaume est entre tes mains ! Fais en sorte que je sois fier de celle qui va me succéder. Montre-nous qui tu es vraiment...ma fille.
Un haut-le-cœur me prit. En essayant de le réprimer, je vis le visage de Lexa se fermer. Seul un éclair de compréhension passa dans son regard.
- Niylah...murmura-t-Elle.
- Qu'as tu dit ? tonna le monarque.
- Cela sera fait mon roi.
Sa voix calme et posée en glaça plus d'un autour de la table.
Les gardes posèrent le corps sur le sol au devant de la table, comme un candidat devant un jury. La tête de la jeune femme se releva avec lenteur tandis que les spectateurs jugeaient de son état malheureux, de son beau visage tuméfié, de ses cheveux bruns et emmêlés sur lesquels les gardes avaient probablement tirés, de ses yeux d'une noirceur presque hypnotique, de son poignet brisé sur lequel elle ne put s'appuyer pour s'aider à se mettre debout, de ses vêtements déchirés laissant apercevoir sa peau blanche bien plus que l'étique ne le permet, de ses pieds nus racontant à eux seuls son esclavage face à une liberté bien trop restreinte, de son tatouage d'une devise sur son épaule dénudée montrant qu'il n'y avait plus que son corps qui lui appartenait. Je retins mon souffle devant sa souffrance à se tenir debout.
- Présente toi et raconte nous ce qui t'amène.
Une voix froide et un ton maitrisé, des yeux fixes et un visage indéchiffrable. Lexa était dans un élément travaillé depuis sa naissance. La manipulation, le bluff et le masque de poker.
La jeune femme leva les yeux et les planta dans les siens, la défiant de faire un geste, de s'approcher.
- Je m'appelle Niylah, je tiens un commerce de technologies et je vis dans le quartier des commerçants. J'aime...une femme et je l'ai embrassée. Un acte qui m'a valu d'être arrêtée et tabassée par vos hommes Commandante. Vous ne servez à rien, vous ne faites rien alors que votre peuple crève de faim mais quand deux personnes s'embrassent cela devient un scandale qu'il faut traiter à la minute. Vous me dégoûtez, cracha-t-elle.
Lexa qui s'était rapprochée d'elle pendant son discours la frappa. Sa gifle résonna dans l'air comme une sentence. Le corps de Niylah partit en arrière, n'ayant plus de force pour résister à une tempête de plus. On aurait dit que son corps était en tissu et qu'elle n'était qu'une marionnette dans ce jeu de brute que le roi apportait sur un plateau. Le silence remplit l'air jusqu'à ce que le corps de Niylah reste à terre. Lorsque les personnes autour de la table s'en rendirent compte, un tonnerre d'applaudissements résonna, amplifié par la grande superficie de la salle dans laquelle se déroulait un jugement public, inégal, offensant et injuste.
- Lieutenant Murphy, veuillez la porter et suivez moi. Il est temps de la faire disparaître, il est temps de sauver le royaume !
Plusieurs généraux allèrent la remercier tandis que je restais prostrée sur ma chaise, ne sachant pas quelle attitude adopter. Je décidais de rejoindre directement la chambre de Lexa, lui faisant un signe au passage.

J'étais seule dans la chambre de Lexa, attendant impatiemment des nouvelles, des gens ou simplement un message. Environ dix minutes après, John arriva, portant Niylah dans ses bras telle une princesse. Il la posa délicatement sur le lit, lui caressant les cheveux d'une main douce au passage. J'étais surprise. Moi qui ne l'avais vu que railleur et téméraire, je le découvrais protecteur et attentionné. Il me jeta un regard paniqué.
- Clarke, s'il te plaît, je ne sais pas si ce que tu pratique est de la magie ou de la sorcellerie cependant je sais que ça fonctionne. Aide-la...je t'en supplie...
Dans un claquement bruyant, Lexa entra dans la chambre. Le regard en feu et la chevelure au vent, elle brisa l'atmosphère de panique qui s'installait doucement dans la pièce.
- Comment as-tu pu ? Tu sais très bien ce qu'il t'en coûtait si tu te faisais prendre ! Espèce d'idiote ! Comment as-tu pu être si égoïste, si irréfléchie, si bête ? Je te faisais confiance, on avait un contrat ! Pas d'esclandre et tu étais sauve. Mais comme d'ordinaire tu n'as pas pu t'empêcher de décevoir tout le monde, hein ? Et tu sais le pire ? C'est que...je suis désolée de t'avoir frappée Niylah. Vraiment désolée... Mais je suis en colère, tu pensais à quoi sérieusement ? Tu as pensé aux répercussions, tu as pensé aux autres pour une fois ? Tu crois sincèrement que j'arriverais à te sauver cette fois encore ? Mon pouvoir est limité et tu le sais. Je ne pourrais pas te sauver indéfiniment... Qu'est-ce que tu deviendras si je ne peux rien faire la prochaine fois, s'il me met devant le fait accompli et que je sois obligée de te tuer ? Tu n'est pas immortelle, bon sang !
Sa colère et sa détresse avaient envahi la salle. On la fixait tous du regard, n'osant pas faire un mouvement de peur d'amplifier son explosion d'émotions déjà très virulente. Elle s'était avancée au pied du lit où se tenait à demi-assise Niylah qui regardait le sol, penaude. Murphy esquissa un mouvement de défense en se plaçant entre la blessée et la Commandante, protégeant la survivante de son imposante stature. Alexandria baissa les yeux vers lui, supérieure. Et elle rit. Un rire jaune, désespéré et pourtant moqueur.
- John, John, John,... Crois-tu sincèrement que je vais lui faire du mal ?
- Tu lui en as déjà fait je te rappelle, ma Commandante.
Elle s'avança vers lui, menaçante, collant presque son corps contre le sien.
- Alors c'est ainsi, je sauve ta sœur une nouvelle fois et voilà comment tu me remercies. Où est passée ta confiance de soldat légendaire ? Ton sens de l'honneur ?
Je ne comprenais plus rien. Qui était la sœur de qui ? J'étais perdue tel un spectateur arrivant à la moitié d'un spectacle de théâtre et qui n'a pas lu la pièce. Je vis la mâchoire de Murphy se contracter. Son regard devint flou comme s'il cherchait dans ses souvenirs une quelconque aide pour se dépêtrer de cette situation. Il fronça les sourcils et se tourna de trois quarts pour voir sa sœur du coin de l'œil mais pour quand même rester face à Lexa.
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire, Niylah ? Et puis depuis quand tu embrasse des filles toi ? Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer comment vous vous connaissez et comment mon supérieur sait que tu es ma sœur ?
Il tournait la tête de gauche à droite, cherchant désespérément des réponses à ses questions. Je n'en savais pas plus que lui.
- Hum...John, j'ai eu le même précepteur qu'Alexandria et nous étions...amies ? Jusqu'au jour où j'ai essayé de l'embrasser et qu'elle ne me repousse. J'ai toujours eu une attirance pour les filles et Alexandria, eh bien, c'est Alexandria et je suis tombée amoureuse d'elle quand nous étions adolescentes. Nous ne nous sommes pas reparlées depuis cet incident pas par colère, haine ou dégoût mais parce qu'Alexandria a cherché à me protéger. Même lorsque j'ai eu une histoire avec sa cousine et qu'elle nous a découvertes à cause d'un garde qui criait à l'épidémie, elle m'a protégée en tuant le garde et en falsifiant sa mort. Cependant, elle m'a fait promettre de ne plus jamais faire parler de moi à ce sujet sauf lorsque j'aurai trouvé le grand amour... A ce moment là, elle m'a promis de nous faire évader de ce pays de malheur tant que la situation était telle qu'elle est à présent. Jamais je ne la remercierais assez pour toutes les fois où elle m'a sauvé la vie, la vie de ma famille et de celle que j'aime.
- As-tu rompu ta promesse ?
La voix de la Commandante résonna dans la pièce. Sa question sonnait comme une sentence. Froide et mortelle. Le regard de Niylah se baissa sur ses mains qu'elle tordait de nervosité, ses joues rosirent et son regard se posa sur son épaule où l'encre noire d'un tatouage ornait sa peau. De sa main intacte, elle épousseta la terre qui couvrait le tatouage et le rendait illisible.
Lorsque je pus le déchiffrer au même moment que les autres personnes dans la salle, je vis un immense sourire se dessiner sur le visage de Lexa. Un sourire sincère, heureux et transcendant. Elle regarda alors la jeune femme blessée fièrement, un air de conquérant vainqueur sur le visage. Une profonde fierté se reflétait sur les traits faciaux de Lexa. On aurait dit que ce qu'elle lisait était l'accomplissement de toute une vie. De toute sa vie.

Le tatouage parlait de lui-même :

" She will be my future"

You're my evidence of love's existence (FanFiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant