Poivre noir, sel de mer

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Un court, noir. Brun au soleil. Rigide même lorsque le vent souffle contre lui. Plein d'autres, comme lui, droits, au garde-à-vous.

Certains, en plusieurs nuances de gris, s'immiscent dans ce spectacle rendu sublime par les rayons de début de soirée, juste avant que le jour ne meurt. Tous raides, ensemble.

Et le regard se déplace soudain. Plus bas. L'armée incolore, à présent plus longue, paraît en bataille. Pourtant, à une distance raisonnable, une harmonie est visible, séduisante. De si près, là, c'est un combat un peu piquant.

Poivre noir, sel de mer, parfum envoûtant...

Ça sent le cyprès, le citron. C'est frais, je me souviens du jardin où il me plaisait tant de me perdre, petite, les cheveux tressés. Les sens, exacerbés, prêts à exploser. Et un souffle.

Une respiration, elle appelle, haletante. Un son presque inaudible l'accompagne. Les yeux sont trop bas, remontent, trahissent une lueur nouvelle. Du jamais vu. L'interdit grisant de l'instant et des amants.

Des milliers, plus encore, noirs, grisonnants. Quelques roux, comme si c'était une présence obligée pour chaque barbe. La bouche, bien entourée, tentatrice – elle est offerte. Le silence persiste.

L'alliance du menton et de ces milliers de poils, c'est pour former cet arrondi. Ce demi-cercle parfaitement maîtrisé qui semble porter ce visage. Cette face vénérée, vulnérable, à moi.

Contact – explosion ? Cinq doigts, des extrémités ultrasensibles. Je touche, je te touche finalement. Poivre noir, sel de mer, rencontre intime...

Explorer, caresser une ancienne blessure qui forme une fossette, imberbe. La peau est chaude, son pigment a vécu longtemps, plus longtemps que moi. Un rayon dehors, un dernier avant de sombrer. Ta barbe, tantôt longue et souple, ou courte et âpre. Immobile, et ce souffle encore, impatient mais timide. Incapable de faire le premier pas. Mais la frontière morale et sa ligne rouge, oui tout a été piétiné depuis qu'aucune autre pensée sinon toi m'habite, me façonne. Réciproque et enivrant.

Un battement de cils, je ne te regarde pas. Le feu prend en intensité alors que le ciel se fait bombarder par le soir. Pourtant, je vois mieux que jamais.

« Tu es folle... »

Le premier baiser, presque, le proscrit, toujours. Poivre noir, sel de mer, regards exaltés... Enfin, enfin je te vois. Toi. Dans ton entièreté.

・•●•・

Et je me réveille avec ces images, avec ton visage et ce souvenir fané. Je reste perdue un instant, les draps de lit transpirants, sans me souvenir que je suis toujours à Montréal. Je m'endormirai cette nuit avec cette même vision, toujours pas évaporée.

PartoutWhere stories live. Discover now