Day 1 : Peace

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La paix était un concept philosophique. D'après les nombreuses définitions données pour chaque contextes différents, la paix pouvait être définit comme un état de concorde avec une absence de conflits au sein d'une communauté. Elle pouvait aussi désigner un environnement sans troubles et sans bruits. Enfin, on pouvait parler de paix intérieure quand aucune inquiétude ne venait troubler l'âme. Tout le monde pouvait l'atteindre car tout le monde avait sa propre définition de la paix intérieure, bien qu'elle soit parfois difficile d'accès.

Osamu Dazai, lui, avait sa propre définition de la paix intérieure.

Il savait que seule la mort pouvait lui apporter cette chose si chère à ses yeux. Car qui dit paix, dit repos. Et Dazai avait besoin de repos.

Il avait besoin de reposer son esprit, son corps, son âme. Il était fatigué de toute cette agitation, toutes ces violences, toutes ces douleurs, physiques comme morales, qu'il subissait à longueur de journée.

C'était pourquoi Dazai était suicidaire : parce qu'il recherchait la paix. C'était pourquoi il essayait chaque jour une nouvelle manière de mourir. Parce qu'il la voulait si ardemment qu'il ne pouvait pas attendre patiemment le jour de sa mort naturelle.

C'était pourquoi, ce soir, comme tous les autres jours, il allait essayer de se suicider. Il se baladait sur les quais de Yokohama, la lune à son zénith, bien que cachée derrière des nuages aussi noir que l'encre de Chine. Il envisagea de se faire écraser par un conteneur, mais rejeta bien vite cette idée : il aurait fallu avec lui une deuxième personne pour soulever le caisson en métal de plusieurs tonnes.

Il regarda les remous que provoquait la mer. Un avis de tempête avait été lancé le matin-même, mettant Yokohama en alerte rouge. Le vent fit claquer l'imperméable beige de Dazai. Il continua cependant d'observer l'Océan Pacifique depuis la baie, analysant la puissance des vagues se fracassant sur le quai en béton.

S'il sautait, il se noierait probablement avec la force du courant. Ensuite, son corps serait probablement écrasé par la puissance destructrice de la houle se fracassant contre le mur. Enfin, son cadavre sans âme serait emmené dans la haute mer, puis serait de nouveau écrasé par la pression marine au fur et à mesure qu'il serait envoyé dans le Pacifique.

Il regarda autour de lui. Pas d'Atsushi, pas de Kunikida, ni aucun autre membre de l'Agence. Pas d'Akutagawa, de Gin ou de membre de la mafia non plus. Il eut un pincement au cœur quand il constata également l'absence d'un nain de jardin roux. Étrangement, Chuuya adorait les orages et n'hésitait pas à l'accompagner (grommelant comme d'habitude) lorsqu'un avis de tempête se présentait.

Dazai avait pour théorie que Contamination, étant une capacité destructrice mais bridée, se contentait allègrement de la violence des orages pour compenser son manque de violence. Le brun avait remarqué les tatouages rouge sang qui apparaissaient brièvement lorsque le tonnerre roulait dans le ciel, faisant vibrer leurs corps de concert. Il n'avait pas manqué le regard fou, presque sanguinaire du petit homme lorsqu'un éclair déchirait le ciel dans toute sa splendeur brute. Avant qu'il ne redevint le chien obéissant de la Mafia dès que la tempête était passée.

Inspirant une dernière fois l'air chargé de sel et de pétrichor, l'odeur associée à l'ozone O3 et à l'odeur de la pluie après une sécheresse, il se retourna dos à la mer. Mettant les bras en croix, il se laissa tomber en arrière, expirant pendant la chute.

Le choc qu'il reçut quand il fut frappé par une vague lui coupa le souffle. Rapidement, il se fit emporter par les courants déchaînés de la mer et le noir borda sa vision. Ses poumons se gorgèrent d'eau. Il se noyait.

Il avait enfin son repos. Sa paix intérieure.

Mais cette paix fut brutalement interrompue. Son âme, légère, réintégra son lourd corps, et il sentit toutes ses cicatrices, fermées comme ouvertes, anciennes comme nouvelles, corporelles comme mentales. La douleur était sourde : ses poumons peinaient à trouver de l'air et chaque inspirations qu'il prenait lui faisait un mal de chien. Il finit par ouvrir les paupières, se reprenant à plusieurs fois, l'eau salée lui piquant les yeux.

Quand il vit la personne au-dessus de lui, les cheveux roux dégoulinant d'eau, le regard colérique, il sut qu'il ne trouverai pas cette paix tant que Chuuya Nakahara n'avait pas trouvé la sienne.

Il n'était pourtant pas là quand il avait sauté.

Mais il connaissait ses habitudes, il aurait dû savoir qu'il se trouverait sur les docks avec ce temps.

Pourtant il était allé là. Et avait été sauvé. Encore une fois.

Soupirant, Dazai se redressa, crachant les restants d'eau de mer à côté de lui. Il observa son ancien partenaire toujours silencieux.

L'existence de Chuuya était un paradoxe aux yeux de Dazai.

Il le détestait tellement qu'il ne pourrait trouver sa paix intérieure qu'à sa mort. Pourtant, à chaque fois que Dazai faisait une tentative de suicide, il était toujours là pour le récupérer. Il coupait sans hésiter les cordes, remplaçait ses cartouches de pistolet par des balles blanches, cachait les médicaments ou l'alcool, lui faisait recracher les drogues et autres poisons qu'il ingérait, sautait dans l'eau pour le sauver de la noyade.

Chuuya Nakahara n'obtiendrait sa paix qu'à la mort de Dazai Osamu. Cependant, il ne pouvait pas se résigner à le voir mourir. Parce que, contrairement au brun, le rouquin avait comprit que sa paix ne pouvait être complète, et que la mort de son partenaire, fêtée au début, ne lui engendrerait qu'un vide qu'il ne pourrait jamais combler plus tard.

Alors, pour son plaisir égoïste, Chuuya refusait la paix que voulait Dazai et qu'il voulait aussi. Au moins, ils souffraient tous les deux, ensemble.

Soukoku Week 2k19Où les histoires vivent. Découvrez maintenant