Défi 1 : Apocalypse

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Elle était seule. Affreusement seule. Elle ne savait pourquoi elle se trouvait là, ni combien de temps elle y resterait. La piece,  si s'en était une, était immense et sombre. Elle ne distinguait pas le contour des murs. Elle aurait pu essayer d'aller voir, mais elle était attaché, pieds et mains, sur une chaise blanche, seule chose qu'elle voyait.

Elle essayait de se rappeler comment elle était arrivée ici, mais son seul souvenir était l'aube de la troisième grande guerre.

Elle se souvenait d'une radio mal réglé, et de trois mots :

-La guerre... Scritch... déclarée!

Puis de l'émeute qui avait suivi. Plus de gens qu'elle n'en avait jamais vu de sa courte vie, juste réunie là, sous ses pieds, entre deux immeubles.

Ils étaient tous effrayés. On avait trop bien éduqué les gens : désormais,  ils savaient ce que le mot "guerre" entraînait.

Combien de temps avait il pu s'écouler depuis? Trois jours? Trois mois? Trois ans? Elle était aussi perdue dans l'espace que dans sa tête.

Soudainement, elle entendit une musique. Elle ne comprenait pas les paroles, la musique semblait si lointaine. Elle cherchait du regard si il n'y avait pas quelqu'un, sans succès. Personne aux alentours, juste une musique, dont le volume augmentait au fur et à mesure des minutes. Bientôt, elle put entendre :

"Petit papa, voici la mi carême,
Car te voici déguisé en soldat
Petit papa, dit moi si c'est pour rire,
Ou pour faire peur aux tout petits enfants
Ou pour faire peur aux tout petits enfants."

Elle la reconnaissait. C'était La Strasbourgeoise, une musique si vieille que même son arrière arrière arrière arrière arrière grand père ne chantait pas.

Mais son père était passionné par l'histoire. Surtout sur les guerres. Il était donc calé sur le sujet, un savoir qu'il avait transmis à sa fille.

Elle avait adoré apprendre.

Ce qui l'avait le plus étonné était que l'endroit où elle habitait s'appelait autrefois "France" et était au moins quatre fois plus petite.

Emporté dans un tourbillon de souvenir, ne laissant entrevoir que son enfance, elle n'entendit pas les bruits de pas qui s'approchaient. Elle ne vit que deux pieds chaussés de blanc. Quand elle releva la tête, elle croisa le regard d'un homme moustachu aux yeux, et aux cheveux noirs comme l'ébène.

Elle voulut poser ses questions, mais aucun son ne parvenait à franchir ses lèvres. Toutes ses interrogations mouraient dans sa gorge. Elle ne pouvait qu'écarquiller ses yeux, le regard plein de terreur.

Pourtant, l'autre souriait, et lui parlait gentiment :

"Ne t'en fais pas, nous allons pas te faire de mal, tu es bien trop précieuse "

Ces quelques mots, censés peut être la rassurer, ne firent que la faire paniquer encore plus. Elle se débattait, essayait de se débarrasser de ses liens, mais l'homme fronça ses sourcils broussailleux, d'un air effrayant qui trancha avec sa bonté d'avant. Elle n'osait donc plus bouger, restant juste figée, les yeux remplis d'une peur nouvelle.

Un autre homme approcha, il sortait de nulle part, et prit le premier à part.

Elle saisissait certaines de leurs paroles, mais elle ne pouvait les comprendre. Ils parlaient dans une langue étrange.

Puis, le premier revint vers elle :

"On va essayer de t'expliquer. "

Elle avait mille questions, et ne pouvait pas en prononcer une seule. Elle essayait de crier, de se débattre, de se libérer, de faire comprendre au monde, ou au moins, aux deux hommes, qu'elle avait peur.

Mais tout ce qu'elle réussit à faire, c'est amener la pitié dans les regards des gens qui l'observaient. Soudainement, un des deux gars, le second, lui plaqua un mouchoir sur le nez. Elle savait que c'était un piège, elle tenta de lutter, mais finit par respirer.

Elle sombra.

Lorsqu'elle émergea, le décor avait changé. Ce n'était plus la pièce sombre, effrayante, mais une pièce entièrement blanche, et trop éclairée. Un blanc trop pur, un blanc uniforme et qui te brûle la rétine à force de l'avoir à portée de vue.

Une chose ne changeait pas : la chaise sur laquelle elle était toujours ligotée. Lorsqu'elle releva la tête pour de bon, une émission se lança sur un écran qui se trouvait devant elle.

C'était un vieux documentaire, comme en témoignait la qualité de l'image, portant sur la première guerre mondiale.

Ils y décrivaient l'horreur des tranchées, la misère des villes, le courage des poilus, et, surtout, la défaite de l'Allemagne.

Puis, un deuxième documentaire prit la place du premier. Il était cette fois porté sur la seconde grande guerre.

Toujours la misère, la peur, les bombes, et puis, cette fois, la Shoah. Même si elle connaissait déjà cette partie de l'histoire, elle ne put s'empêcher de pleurer à chaudes larmes.

Comment l'humanité a-t-elle pu être aussi cruelle?

Le second laissa place au troisième. Une autre guerre. Celle dont elle ne savait rien. Et elle ne voulait pas savoir. Elle ferma les yeux, mais le son était toujours là.

Il était trop présent, on ne pouvait ignorer cette voix monotone qui décrivait l'apocalypse qu'avait causé cette troisième guerre destructrice.

Les armes nucléaires, l'extermination des hommes, peu importe leur couleur, leur religion ou leur nationalité. Une guerre où, pour une fois, les Hommes avaient été unis. Dommage que ce soit dans la mort.

Puis, l'appel. L'homme dit :

-Si vous entendez ces quelques mots, rejoignez le vieux hangar. Nous ne savons combien de survivants il y a. Pour l'instant, nous avons cherché dans toute la nouvelle Europe, et nous sommes seulement onze. Dix hommes et une seule femme, qui est encore dans le coma. Si il n'y a personne d'autre, elle est le seul espoir pour l'humanité.

Puis la télé s'éteignit.

Alors elle comprit.

Ses larmes coulaient. Certains souvenirs revenaient.

Elle se revoyait suivre dix gars plus âgés qu'elle, comme pour un jeu. Elle n'avait que quinze ans...

Puis tout s'était enchaîné. Elle était restée avec eux, dans leur abri, prenant la place d'un autre, qui n'avait pas survécu aux préparatifs. Ils avaient suivi tous les grandes lignes de la guerre, jusqu'au jour où les informations ne parvinrent plus dans leur abris.

Ils avaient juste attendu. Un jour, elle était tombée, et puis après, plus rien.

Malgré toutes ces informations, elle ne parvenait pas à retrouver son prénom. De toute façon,  trop d'information tournait dans son esprit. Et sa tête se mit à tourner à son tour. Une voix lui parvenait, dans le brouillard de ses pensées :

-Ça va? Tu n'as pas l'air bien?

Dire qu'elle n'allait pas bien était un euphémisme compte tenu de l'état dans lequel elle se trouvait. Elle sentit ses liens se délier, et lorsqu'elle se releva, elle defaillit.

-Isidora? ISIDORA?

Bip... Bip.... Bip.... Biiiippppp..........

On verra bien !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant