Trésors Perdus (2) - Renwyck

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À l'intérieur du mur d'enceinte, la ville était encore plus fabuleuse que ne l'avait imaginée Renwyck. De petites rues pavées, étroites pour la plupart, circulaient entre de jolis bâtiments de bois sombre, de torchis blanc et lisse et d'écrans de papier. Les maisons n'étaient pas très hautes, comportant un unique étage. Nombre d'entre elles jouissaient de petites cours où l'on apercevait, à travers de larges porches aux toits profonds, des cerisiers ou des azalées en fleurs. Les échoppes ne manquaient pas. On y attirait le chaland de la même façon qu'en Ael, à grand renfort d'apostrophes tonitruantes énoncées dans un ishan bruyant.

Arashi raconta à Renwyck que dans un passé très lointain, Prustina avait été la première capitale du Royaume d'Acha, une nation fondée par des hommes arrivés de par-delà le Grand Océan Occidental. Prustina avait ensuite été détrônée par Tiphareth, mais les Archives Royales y étaient demeurées. La cité était devenue un centre culturel et universitaire. Les premiers collèges magians y avaient été fondés avant de déménager à La Griffe sous l'influence de la première Thaumaturge-Reine, Eoril la Grande. Des royaumes étaient morts, d'autres avaient émergé des cendres. Prustina était restée inchangée, immuable.

Renwyck n'osa pas avouer à Arashi qu'il savait déjà tout cela. Il s'était grandement renseigné sur Prustina et ses archives avant de quitter la Maladrerie. Son irritabilité du matin s'était peu à peu dissipée, remplacée par une excitation fébrile, et il avait à cœur d'apaiser les relations entre le jeune prêtre et lui.

Les Archives Royales se trouvaient au cœur de Prustina, véritable cité dans la cité. Elles avaient été bâties au point culminant de la ville. On y accédait par un immense escalier, suffisamment large pour laisser monter vingt personnes de front. L'escalier débouchait sur un large porche percé dans la muraille qui encerclait les archives à la façon d'une forteresse. Après le long voyage dans la montagne, les jambes de Renwyck étaient lasses et l'ascension des marches fut un calvaire.

Une fois en haut, Renwyck se rendit compte des dimensions du lieu. De ce point de vue, il dominait toute la ville et la plaine alentour. Seul le donjon, un peu plus loin, s'élevait plus haut encore. Des centaines d'étendards flottaient aux remparts. Ils représentaient une ville sur une colline d'où s'échappaient de nombreux rayons lumineux. La symbolique, un brin arrogante, ne laissait aucun doute : Prustina éclairait le monde de son savoir. Devant Renwyck et Arashi, les portes étaient taillées pour accueillir des géants. Elles étaient grandes ouvertes, mais de nombreux gardes se trouvaient là en faction. Ils leur firent signer un registre en précisant leurs noms et villes d'origine. Enfin, ils furent autorisés à entrer.

Renwyck n'avait jamais eu l'occasion de visiter une véritable bibliothèque, mais il eut le sentiment que l'endroit ressemblait plutôt à un palais d'apparat. Il découvrit une enfilade de cours et de jardins délicats au milieu desquels se dressaient de nombreux pavillons dans le style ishan. Des gens déambulaient en silence sur les chemins pavés, portant de temps à autre des rouleaux ou des livres. Renwyck et Arashi croisèrent de nombreux prêtres du culte de Llinwonyo, mais aussi de simples visiteurs comme eux. Plus surprenant encore, ils virent plusieurs groupes de Magians vêtus de la qinya bordeaux des élémentalistes. Une lumière dorée traversait les feuillages et faisait scintiller l'eau des bassins et des fontaines. Il régnait une quiétude profonde que seuls venaient rompre le chant des mésanges et le tintement lointain de cloches invisibles. L'endroit semblait hors du temps.

Renwyck comprit qu'il leur serait impossible de trouver leur chemin sans aide à travers le dédale des bâtiments. Arashi s'adressa donc à un clerc qui parut interloqué lorsqu'il demanda à rencontrer Hesod l'Archiviste, Grand Clerc des Archives Royales de Prustina. Par souci pour Renwyck, Arashi s'était exprimé non en langue ishane, mais en achéan. Cet ancien idiome du royaume disparu d'Acha faisait office de langue commune pour les érudits et les voyageurs sur tout le Nord du continent. Renwyck l'avait apprise auprès de sa mère ; ce savoir leur était indispensable pour commercer avec les Magians qui venaient de très loin pour se procurer les préparations particulières d'Aiwe.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant