Mitige - Partie 1

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Shiganshina, 15 Août 851

« Marion », appelait Livaï dans l'encadrement de la porte de leur dortoir. « On doit y aller. » L'intéressée hocha la tête, et posa son livre de biologie qu'elle lisait sur son bureau. Elle passa devant Annie, le cœur serré, et lui jeta un coup d'œil. L'autre ne la regarda pas.

Elle ne pouvait pas en vouloir à son supérieur. Dormir avec un autre soldat ou une autre soldate était formellement interdit dans les règles de l'armée. Si seulement j'avais fait attention... Elle se mordit la lèvre.

Elle avait mis de la distance entre elles deux. La blonde n'y avait pas participé : elle avait même essayé de renouer contact, en tentant de lui parler seule à seule, en lui jetant de longs regards ou en lui donnant plus de conseils après les entraînements, mais elle s'était systématiquement fermée. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à Leah.

Et depuis qu'Antoine l'avait embrassée, c'était encore pire. Elle n'avait pas fait le deuil de sa présence, mais ce n'était pas le souci. Non, c'était l'acte de son meilleur ami qui l'avait déstabilisée, et pour une raison obscure, elle pouvait encore moins regarder Annie en face. C'était peut-être pour le mieux, pensait-elle. Elle avait eu assez de mauvaises expériences comme ça.

Le plus embêtant était le léger malaise qui s'était installé entre elle et le petit homme. Pas étonnant, se dit-elle en regardant la nuque rasée de celui-ci. Ça veut dire qu'il m'aimait avant qu'on ne modifie sa mémoire. Ça doit lui faire tout drôle, lui qui ne connaît probablement pas ce que c'est. Déjà que ça me fait bizarre... Elle soupira. L'autre l'entendit, et se retourna.

Et merde.

« Déjà ennuyée par la réunion ?

— Oh, non, se précipita-t-elle. Non. »

Il plissa les yeux, et s'arrêta. Il y eut un silence, durant lequel il parut réfléchir. « Si tu n'entretiens pas de bonnes relations avec moi ni Annie, on est dans la merde », finit-il par articuler. « Et comme tu fais partie des espoirs de l'humanité, c'est fâcheux, donc tu ferais mieux d'être franche avec moi. Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Ça a le mérite d'être direct. Elle détourna rapidement le regard. Quelques secondes après, elle se jeta à l'eau.

« C'est Antoine qui m'a perturbée, débita-t-elle rapidement. Enfin, quoi, vous êtes la même personne, et il m'a embrassée ! Ça veut dire que vous m'avez embrassée, vous voyez ? Et c'est bizarre, car c'est pas un truc qui risque d'arriver. En fait, la différence entre vous deux fait bizarre, mais je m'étais faite à l'idée que vous étiez la même personne, et maintenant... Je sais pas, vous êtes mon supérieur, merde !

— Je suis ton collègue. Tu as le grade de scientifique du Bataillon, tu as un poste à responsabilité.

— Je suis la collègue de Hansi, et Hansi a un grade moins élevé que le vôtre, alors vous êtes mon supérieur, et...

— Oui, d'accord, je te félicite pour ta logique implacable. »

Elle avala sa salive, et reprit :

« Mais avouez que c'est perturbant.

— Oui.

— Et que ça met un malaise.

— Peut-être.

— Ce genre de truc est inimaginable entre vous et moi.

— Certes.

— C'est pour ça que j'ai soupiré. »

Il la scruta. « Ah. » La scientifique se frotta le front. Ils se turent quelques instants. L'autre ouvrit la bouche pour rajouter quelque chose, parut se raviser, puis ferma les yeux un instant. « Et Annie ? »

ʟ'ᴀᴜ-ᴅᴇʟᴀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ²⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant