Juste une nuit

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Huit heures pile ! L'alarme de mon téléphone vint de casser sauvagement la pleine tranquillité que je vis depuis deux heures environ juste pour me rappeler que je bosse afin de payer mon loyer, m'aider à gérer le coût de l'existence et même me vêtir élégamment pour trouver de la beauté dans ce que reflète mon miroir quand je me plante devant cherchant quelque chose à aimer encore. Une bouteille de vin rouge pour compagnon, dodinant sur ma galerie les yeux fermés, je m'étais laissée bercer durant un moment par quelques morceaux du groupe Tropicana d'Haïti que jouait mon voisin, près de son petit commerce de clairin, autour duquel une vingtaine d'hommes, jeunes, vieux et moins vieux, se réunissent, ce soir-là, comme tous les autres soirs d'ailleurs, tuant le temps tantôt aux jeux de cartes comme le bésigue, le domino... C'est à croire que le haut-parleur à côté d'eux fut en pleine compétition avec leurs voix graves qui atteignent environ deux cents mètres du quartier quand, de temps en temps, certains se mettent à crier pour célébrer une quelconque victoire au jeu.

Ils sont là tous les soirs, et pour certains, dès le lever du soleil jusqu'à l'apparition des étoiles dans le ciel. Ils ne s'en lassent pas. C'est incontestablement leur vice chéri, leur péché mignon ou même... leur façon de fuir toute cette frustration qu'apporte la vie, dix ans, quinze ans, et même vingt ans plus tard quand on baigne dans le chômage depuis le premier jour que l'on devait intégrer le marché du travail. Peut-être que c'est leur stratégie pour se dire que dans cette vie, quelque chose les tient occupé, relaxé... Qui sait ? Après tout, quand on n'est pas encore mort, on est vivant. Il vaut mieux bien le feindre sinon ils pourraient finir par croire que leur cadavre retrouvé un beau matin au bord d'une route pour avoir succombé à quelques vices bien tentants des jours noirs du désespoir qui les courtisaient avec tellement de promesses, serait plus bénéfique pour la société que s'ils vivent ainsi comme s'ils n'avaient rien à foutre de ce que la vie les aime ou ne les aime pas.

La société ? Ah oui ? Celle qui nous prêche d'être un oiseau alors que les opportunités qu'elle offre nous demandent de ramper et bouffer au passage toutes les salopries qui planent au sol ? Celle qui impose des règles pleines de vices et qui ne tend plus ses mains quand on trébuche ?
Souvent, notre seule échappatoire c'est de nous remplir la tête d'alcool, nous boucher le nez et boire à l'eau qui pue. Mais heureusement, quand on tient le verre trop longtemps, l'odorat s'y habitue au bout d'un moment et le cerveau finit par assimiler l'odeur qui ne nous sera plus nauséabonde. Ainsi on s'adapte ! On résiste ! Puis, on se tue... à petits feux !

Mon portable se remit à sonner, et pour un appel, cette fois. Le nom de Régine s'afficha à l'écran et je décrochai tout en quittant ma dodine, le cœur fermé.

- Allo, Redge ! Ça va ?

- Oui, ma chère ! J'ai une nouvelle pour toi.

Mon unique amie fut toute excitée à l'autre bout du fil, je pouvais même deviner son large sourire, en ce moment. Je l'entendis fermer une porte derrière elle et le silence, à l'autre bout du fil, me fit croire qu'elle s'est enfermée dans sa chambre. J'aurais peut-être mieux fait de ne pas décrocher son appel puisqu'avec elle au téléphone, on aura au moins pour un demi-siècle alors qu'en ce moment, j'eus seulement envie de prendre soin de mes envies alors que je dois me préparer pour me rendre au boulot de la soirée.

- J'ai parlé aujourd'hui à un ami. (Continua-t-elle). Il est d'accord pour te trouver un vrai travail.

- Parce que d'après toi, je n'en ai pas un ?

- Je veux juste te voir abandonner cette pratique, Nathalie. Je ne te juge pas, mais, ceci n'est pas un boulot s'il ne laisse rien à ta dignité.

- Le problème c'est que tu es persuadée de savoir mieux que quiconque ce qui est bon pour lui.

- Hey, tu es mon amie, la preuve irréfutable que j'ai le droit de...

Mon agonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant