Lundi, Apollo se réveilla avec un mal de tête. Tout était encore un peu dans le brouillard et il avait passé la majorité de la nuit à répondre aux messages de félicitation qui envahissaient son téléphone. Il pouvait enfin dire qu'il avait réussi. Il avait fait ce qu'il avait à faire. Léonie était belle et gentille. Elle était tout ce qu'il voulait. Il s'en persuada.
Il s'habilla doucement et se frotta les yeux de fatigue. Il pensa à sa réputation qui allait monter d'un cran. Surement, tout le collège serait au courant des aujourd'hui. Les nouvelles vont vite. Il avait intérêt à ne plus faire d'erreurs à partir de maintenant. Apollo trouvait que cette situation était un peu inconfortable. Mais il s'y ferait.
Ses pensées dérivèrent vers Francis. Ils étaient tellement heureux hier. Un des meilleurs moments de la soirée. Il trouvait que sa chemise lui allait très bien cette nuit-là. Il ne lui avait pas dit bien sur. Mais il l'avait pensé, très fort. Apollo se surprit à sourire tout seul dans sa chambre. C'était vraiment un bon moment. Puis, quelque chose avait changé. Quand ils étaient seuls, dans le vent frais du jardin, quelque chose avait changé dans ses yeux. Apollo avait ressenti sa détresse. Quelque chose devait surement s'être passé durant son absence. En plus, Francis lui avait fait savoir qu'il avait une confession. Mais, Apollo, égoïste comme il était avait préféré faire part de son bonheur au lieu d'aider son meilleur ami. Après, Francis lui avait assuré que ce n'était rien, que ce n'était pas grave. Mais s'il avait cette allure triste, cela devait être très important, peut être même grave. Apollo se sentait si bête. Quelqu'un l'avait peut être insulté. Il y avait peut être un problème dans sa famille. Et lui, il n'avait pas bougé un doigt. Il se donna comme mission du jour qu'il allait découvrir qui avait rendu cet air déprimé à Francis. Apres tout, c'était son meilleur ami...
Apollo avait raison, tout le collège le regardait quand il passait dans les couloirs. Il avait beau se sentir observé, il serra les mains et se contenta d'avancer à un rythme régulier. Il retrouva la paillote où Vector et Francis étaient assis, discutant joyeusement. Ils ne l'avaient pas encore vu. Mais soudain, Vector leva les yeux vers lui, un grand sourire aux lèvres et se mit debout. Francis resta assis, le regard vide. Le grand blond se hâta vers lui, les bras ouverts. Il agrippa les mains d'Apollo et le serra en lui donnant quelques tapes occasionnelles dans le dos.
« Je suis fier de toi mon bro ! »
Par dessus l'épaule de Vector, Apollo observait Francis qui semblait l'éviter du regard. Il ricana nerveusement, pratiquement à bout de souffle.
« Merci mec... mais ce n'est pas grand chose. »
Vector le lâcha en haussant les épaules.
« Bien sur que c'est quelque chose, tu déconnes... Allez, viens. »
Apollo suivit Vector jusqu'au banc, il avait comme le trac d'arriver au niveau de Francis. Il semblait avoir mal à l'estomac. Apollo se mordit la lèvre.
« Salut Fran. »
Francis ne quitta pas ses yeux de son téléphone. Il ne leva même pas la main pour la claquer dans la sienne.
« Salut. »
Il jouait à un mini jeu inutile. Un jeu d'arcade miniature. Francis détestait ces jeux là normalement. Il y avait clairement un problème. Apollo soupira.
« Ça va ? »
« Ouais... Bravo pour Léonie et tout ça au fait. »
Il répondait d'un ton monotone, ne laissant rien paraître.
« Merci. »
Apollo aurait voulu disparaître. Il se sentait terriblement trahi, mais c'était de sa faute après tout. Si Francis était comme ça, c'était de sa faute. Alors il se tût, un gout salé dans la bouche. Vector secoua la tête.
« Laisse tomber, il fait la gueule depuis ce matin, je ne sais pas trop pourquoi. »
L'intéressé ne répondit pas.
« Ah. »
Vector souri à Apollo en haussant les sourcils et lui fit signe de se retourner. Apollo ne comprit pas tout de suite puis se retourna maladroitement pour tomber face à face avec Léonie. Il n'avait pas très envie de la voir à ce moment là. Il lui souria nerveusement. Puis, sans le prévenir, avec aucune discrétion, Léonie prit son visage entre ses mains et l'embrassa longuement. Il ferma les yeux et son ventre se retourna avec une sensation très désagréable. Il pensa à sa déception ce qui n'améliora pas les choses. Il avait l'impression que ça durait beaucoup trop longtemps. Il se sentait comme... gêné ?
Enfin, elle détacha ses lèvres des siennes avec un sourire triomphal. Derrière lui Vector applaudissait puis siffla entre ses dents. Il était toujours très lourd. Le premier reflexe d'Apollo fut de se retourner pour voir la réaction de Francis. Il avait détourné les yeux, Apollo ne voyait plus que son dos et il ne se sentait pas très bien. Il se retourna vivement vers Léonie.
« Pourquoi t'as fait ça ? »
Chuchota t'il. Léonie parut surprise puis un peu déçue.
« Bah, Je pensais que ça te ferait plaisir... »
Apollo se frappa mentalement, il ne voulait vraiment pas la décevoir comme ça. Il n'avait pas pris un bon choix de mots.
« Euh oui désolé. C'était très bien. Juste un peu...imprévisible. »
Il passa sa main dans les cheveux châtains de Léonie d'un geste qui se voulait rassurant. Léonie lui sourit.
« D'accord. Je ferais gaffe. »
Apollo passa la journée avec elle. Il se sentait beaucoup mieux, il était content de l'avoir comme distraction à ses problèmes. Il ne voulait pas revoir les autres, pas maintenant. Ils passaient du bon temps ensemble mais l'esprit d'Apollo dérivait sans cesse vers Francis. Il ne pouvait pas l'oublier ne serait ce qu'une seconde. Alors, il embrassait Léonie, il la serrait contre lui mais ça ne marchait pas toujours. Il n'arrivait pas toujours à l'oublier.
Ils étaient là tout les deux sur les gradins quand Apollo comprit enfin. Allongée sur son épaule, Léonie contemplait le coucher de soleil. Apollo venait de terminer son entrainement que Léonie avait insisté pour regarder. Les reflets oranges donnait une autre couleur à son t-shirt blanc de l'équipe du rugby. Ses chaussures étaient pleines de terre. Et ils étaient là seuls. L'équipe était partie, leur entraineur aussi, il n'était qu'eux deux sur les gradins en pierre. Elle ne disait rien, lui non plus. Mais ils étaient bien. Il était bien jusqu'à ce que Léonie approche sa bouche de son oreille. Elle se mit à lui chuchoter des choses...des choses que n'importe lequel de ses amis serait heureux d'entendre. Des choses que lui ne s'attendait pas à entendre. Si cette situation devait le mettre bien comme n'importe quel autre adolescent normal, pourquoi se sentait il aussi inconfortable ?
Léonie se mit à déposer des petits baisers au creux de son cou. Et Apollo attendait, les yeux ouverts il avait l'impression de ne rien ressentir. Ses yeux attrapèrent ceux de Francis qui était sorti des vestiaires un peu en retard. Ils se regardèrent longuement. Apollo était à court de souffle. Puis Francis enfonça ses écouteurs dans les oreilles et s'en alla rapidement. Léonie déposa un baiser sur sa joue, inquiète par son manque de réaction. Apollo se tourna vers elle, les yeux tristes.
« Je...je dois rentrer. »
Il se leva soudainement et laissa Léonie seule. Seule là où elle était sans aucune explication. Il ne pouvait pas lui laisser voir les larmes qui avaient commencé à couler sur sa joue.
Ce n'était pas une distraction sont il avait besoin, il avait besoin de Francis.
Et Francis ne l'aimerait jamais.