debut et fin

119 13 10
                                    


La porte devant moi était close, j'hésitais, incertain, à entrer. La peur que les sentiments se déversent soudainement en moi avec la puissance d'une rivière auquel on aurait fait barrage trop longtemps, un barrage à base de temps, car seul le temps peut combler certains vides... Et encore, cette plaie-là était bien trop profonde pour cicatriser complètement.

Je baissais les yeux sur mon corps, ce corps que j'avais longtemps rêvé mieux fait, avant d'accepter le cruel manque de tablettes de chocolat et mes bras aux muscles mal dessinés.

J'étais un homme brisé qui faisais comme si tout était derrière lui.

Mais accepter d'entrer dans cet appartement était comme laisser au monstre de tristesse qui guettais derrière la carapace de beaux sourires la place de reprendre ses droits...

J'inspirais un grand coup et tournais la clef dans la serrure avant d'abaisser la poignée, l'entrée lumineuse apparut devant moi.

Je me retrouvais seul dans cet appartement si vide, vide des quelques meubles qui s'y étaient trouvé. Mais aussi, et surtout, vide de l'amour fou et inconditionnel qui avait habité ce lieu et les deux hommes qui y avait vécu, qui avait comblé chaque centimètre cube de ce grand deux-pièces parisien.

Après avoir repris une grande inspiration je me dirigeais vers le salon... encore une fois le vide sonnait faux dans cette pièce qui avait été si plaine...

Sur le mur on pouvait voir les griffures qu'avait laissé le canapé, le sol gardais les marques de la table basse et le parquet conservais imprimées les traces de cafés renversés...

Toutes ces marques et taches comme des fantômes du passé, du temps où il était là.

Dans un coin, la cuisine au plan de travail poussiéreux sur lequel je m'étais si souvent assis pour siroter mon café, et les placards vides donnent une impression de faux-neuf.

Je me souvenais de l'emplacement de chaque meuble, je pouvais même situer les piles de livres que mon amant avait pour habitude d'entasser dans toutes les pièces, les multiples étagères qui recouvraient les murs ne lui avaient jamais suffis... un éclat de rire m'échappa puis, revenant à la réalité, des larmes perlèrent à mes cils, penser à lui au passé était atroce, tout dans cet appartement me faisais penser à lui. La brulure lancinante qui me déchirait le cœur était aussi douloureuse que tristement rassurante, elle était la preuve que je n'étais pas complètement vidé. Mais cette dépression profonde, encore et toujours, qui me happait et m'agrippait comme un épais goudron...

Décidé à finir ma visite je me dirigeais vers la chambre, contrairement au reste du logis, qui avait été vidé et repeint en blanc, on avait laissé le grand lit qui trônait collé au centre du mur, on en avait enlevé les draps mais le matelas et l'armature étaient intactes, comme nous les avions laissés...

Tant de choses s'étaient passé dans ce lit, notre premier « je t'aime », premier baiser, notre première fois ensemble...

C'est aussi dans cette pièce que je l'avais vu pour la dernière fois, partir avec le sourire aux lèvres après m'avoir embrassé. Quinze minutes plus tard je reçevais un appel, l'hôpital : « votre colocataire s'est fait agresser par cinq hommes cagoulés. Je suis désolé nous n'avons rien pu faire, deux de ses côtes cassées ont transpercés ses poumons... ».

Quinze minutes.

Il aura suffi de quinze minutes pour que tout mon monde s'écroule.

Seulement quinze minutes pour que toute forme de bonheur s'échappe de mon corps.

Quinze minutes et cinq gars.

Je m'écroule sur le matelas, laissant mes larmes couler comme une cascade d'eau salé, ma gorge est serrée... trop... j'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer... ai-je envie de respirer ? je ne sais plus...

Je regarde autour de moi, et mon regard se pose sur la fenêtre... oui... un peu d'air...

Je me lève et m'avance sanglotant vers la grande fenêtre, les battants grincent un peu en s'ouvrant... le froid s'engouffres dans la pièce et assèches mes yeux.

Je respire.

Pourquoi ai-je ouvert la fenêtre ? ah oui, respirer... ce mot sonne comme une douce plaisanterie...

Ai-je envie de respirer ? je ne crois pas...

Je baisse les yeux et ils tombent sur le trottoir désert, il est dix-huit heure, si mes souvenirs sont bons personne ne passera dans cette rue avant vingt-et-une heure...

Le sol est si attrayant, plus de souffrances, plus rien...

Et puis la perspective de peut être revoir mon amant... d'être plus proche de lui...

Je me penche un peu plus par la fenêtre, évaluant mes chances de m'en s'en sortir...

Je suis au 8eme étage : elles sont proches de zéro.

Alors je me laisse aller.

Pour le rejoindre.

Puisque l'amour inspire la haine.

Parce qu'un monde où l'amour provoque la mort ne vaut pas la peine d'y souffrir.

puisque l'amour provoque la haineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant