Le sang des Innocents [Ereri]

Épilogue

Le temps avait passé. Lentement, comme si les grains du sablier leurs autorisaient une échéance supplémentaire. Ainsi, l'avenir se montra bien plus clément à l'égard d'Eren et de Levi.

Erwin s'était admirablement occupé des médias et de toutes les accusations qui pouvaient encore planer au-dessus des deux hommes. Aucune mesure ne fut prise à l'égard de la victime et de ses accès d'extrêmes violences. Le lieutenant se montrait parfaitement apte à le contrôler en cas de crises et cela avait suffi à persuader les derniers sceptiques.

Levi et Eren vivaient sous le même toit et l'harmonie semblait avoir été trouvée. Les caractères des êtres s'emboitaient et se complétaient d'une manière presque irréaliste. Fidèle à lui-même, le trentenaire n'avait accusé aucun changement à l'exception de son attitude qui accusait un adoucissement. Il se montrait moins glacial et le plus jeune apprit à apprécier chacune de qualités de son amant.

Il n'existait aucun regret ni pour l'un, ni pour l'autre. Le cadet ne sentait à sa place et aucun nuage ne s'invitait dans ce merveilleux tableau. Son compagnon travaillait toujours énormément mais investissait le reste de son temps à Eren. Ce dernier allait se tourner vers des études et cherchait encore un avenir véritable afin de ne plus dépendre du poste de Levi. Ensemble, ils se construisaient une part de bonheur, un bonheur immense qui ne cessait de grandir.

En quelques semaines, les travaux d'Hanji avancèrent considérablement et bien au-delà de ses espérances. Le résultat d'un acharnement qui la caractérisait largement. Elle passa des heures et des heures enfermée dans une pièce à étudier les composantes du poison administré au garçon. Parfois, ce dernier l'assistait dans le simple but de comprendre les raisons de ses crises. Le sujet passionnant le médecin, elle lui exposait alors tout ce qu'elle savait dans les moindres détails.

Finalement, et au terme de plus de trois mois, elle trouva enfin la combinaison capable d'annuler les effets du poison. Un véritable miracle aux yeux du corps médical et une petite fierté pour la scientifique qui préférait garder son exploit secret.

Eren tenait, lui aussi, à demeurer le plus discret possible et à se fondre, une bonne fois pour toutes, dans une masse anonyme. Il souhaitait n'être plus qu'un homme comme un autre. Un homme amoureux, certes, et définitivement heureux mais plus qu'un homme.

Un jour de printemps, il se rendit à l'hôpital accompagné de Levi. L'angoisse nouait son ventre et il craignait que les choses se déroulent mal. Pire que tout, il avait peur d'une ultime déception, celle qui anéantirait à jamais toutes ses espérances. La main discrète de son ainé dans la sienne lui rappelait pourtant de tenir le coup, de ne pas laisser la terreur avoir raison de lui.

—Prêt ? demanda le policier alors que se dessinait face à eux la façade du centre de soin.

—Plus que jamais ! s'exclama Eren, sincère bien que peu convaincant.

Bientôt, Hanji se posta à ses côtés alors qu'il se trouvait assis sur un siège basculé en arrière. Son bras immobilisé par une sangle, l'angoisse montait par vagues successives.

—Je peux y aller ? s'enquit le médecin, en écho aux paroles de son vieil ami.

Le brun eut un instant d'hésitation purement égoïste. La peur égalait presque le courage. L'aiguille s'approchait sans cesse de la veine saillante et déjà abimée, menaçante.

—Vas-y.

Avant qu'Hanji n'injecte le produit, Levi approcha son visage de celui d'Eren avant de chuchoter à l'oreille de ce dernier :

—Je t'aime, gamin.

Le plus jeune ne sentit même pas la douleur, obnubilé par les mots de son amant. L'antidote se rependit dans ses veines et éveilla une vive douleur dans l'organisme du jeune adulte. Un long cri s'éleva et il serra la main du policier dans la sienne avec force. Des spasmes agitaient son corps ainsi que des soubresauts incontrôlables.

Le médecin étudia chacune des expressions de son patient, sachant qu'il faudrait de longues minutes avant que la souffrance ne prenne fin. Le temps s'étira jusqu'à ce que les prévisions de la scientifique s'avèrent justes. Les muscles crispés d'Eren se relâchèrent et il se détendit peu à peu. A bout de force, il réalisa que tout cela était terminé et ne put contenir une larme silencieuse. Sans un mot, Levi l'enlaça longuement, se pressant contre lui avec une émotion indicible.

Hanji s'éloigna, leur accordant ce moment précieux d'intimité. Un sourire sur les lèvres, elle referma la porte sur eux. Un baiser les unit, tendre et profond. Puis, le garçon se blottit à nouveau contre le torse de son ainé, les vestiges de sa souffrance battants à ses oreilles comme un souvenir vibrant. Il n'existait plus aucune entrave à leur bonheur, à leur avenir commun. L'authenticité des sentiments qui les liaient suffisaient largement à cette douce euphorie.

Eren murmura encore et encore à la manière d'une litanie, la bouche contre la gorge du lieutenant :

—Je t'aime, je t'aime, je t'aime ...

Et l'autre répondit à cette déclaration libératrice par ce qu'il acceptait désormais comme une réalité. Tout allait pour le mieux et ils pouvaient enfin se laisser vivre, se laisser porter sur ce fleuve tranquille aux reflets d'or. Existait-il plus belle chose ?

Sur la table, la seringue était abandonnée. L'antidote avait porté ses fruits et Eren ne portait plus aucune trace de poison dans ses veines. Il était libre. Libre d'exister comme il l'entendait et d'aimer de toute son âme l'homme que cette malheureuse aventure avait mis sur son chemin dans un sourire.

Sur l'aiguille brillait une unique goutte de sang, vermeille et vestige d'une trop grande souffrance. La dernière aussi et c'était ce qu'il fallait à tout prix retenir. Plus jamais Eren n'aurait à payer sans se révéler coupable et méritait le répit offert. A son image et pour toute promesse, plus jamais le sang des Innocents n'aurait à être versé !

Un court épilogue et voici les derniers mots du Sang des Innocents. Je laisse mes discours larmoyants pour la prochaine partie !