The ranch of secrets

1.

Hayley

Le retour aux sources est difficile, une plongée dans un hier à jamais disparu qui réveille le meilleur comme le pire... Je fixe le panorama, sans réussir à savoir ce qui l'emporte dans mes sentiments.

L'appréhension ?

Les regrets ?

La colère ?

Je soupire de lassitude, assommée par un maelstrom d'émotions qui me laisse groggy. Et vaguement désarçonnée...

Devant moi, un vent brûlant balaie la plaine, dessinant des spirales ocres au-dessus des anciens enclos de dressage. Les barrières tiennent encore debout, mais le manque d'entretien est flagrant. Les stalles, derrière, qui faisaient autrefois la fierté de mon père sont toutes closes, confortant l'impression d'abandon qui règne sur les lieux.

Le long bâtiment en tôle qui servait de grange a moins bien résisté aux aléas du temps. Des trouées sont visibles sur la surface gondolée des murs, et les portes ne subsistent plus que grâce à un barda métallique disgracieux.

Quelqu'un s'est chargé de parer au plus express, et j'ai ma petite idée sur son identité... Cela dit, ça ne change rien à la vérité abrupte : le ranch familial tombe en ruines, abandonné aux affres du temps.

Et c'est moi qui suis seule responsable de cette absurdité.

Une absurdité ?

Mon cœur me hurle que je n'avais pas le choix, mais la voix de ma conscience est moins charitable. Devant le spectacle affligeant, je ne suis pas loin de lui donner raison.

Si seulement c'était aussi simple...

Je bats des paupières pour chasser l'émotion inopportune qui menace de me submerger. En réalité, bêtise de ma part ou aveuglement plus ou moins assumé, je ne suis pas attendue à ce sentiment de culpabilité en revenant sur les lieux de mon enfance.

Sottement, j'ai cru que la colère rejaillirait, aussi violente qu'il y a sept ans.

Mais il n'en est rien. Tout du moins pas de façon aussi absolue qu'hier...

Même si une rage pure continue de vibrer au creux de mon âme, le temps a partiellement fait son œuvre. Le ranch est de nouveau ce lieu béni où j'ai grandi, entourée de l'amour des siens.

Ce qui rend la décrépitude des lieux encore plus amère.

Tom, mon père, a travaillé d'arrache-pied toute sa vie pour élever son ranch à la hauteur des plus grands centres de dressage. Il y est parvenu, sans perdre l'âme des lieux ou succomber aux chants des sirènes aux poches pleines. Son intégrité et son professionnalisme symbolisaient le mieux ce qu'il était.

Une boule dans la gorge m'empêche de déglutir aussi facilement que je le voudrais.

Dans la région, et au-delà même, mon père s'est bâti une solide réputation de dresseur de chevaux, faisant prospérer notre petite entreprise familiale. Voir le ranch tel qu'il est devenu aurait été un choc sans nom pour lui...

À cette idée, je me renfrogne davantage.

En fuyant sept ans plus tôt, j'ai permis cette lente dégradation des lieux, mais à l'époque, continuer de vivre à Fallows était au-dessus de mes forces. Je suis partie sans un regard en arrière, bouillonnant d'une colère qui n'a pas complètement disparu.