21. Plans d'Avenir

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[Narration : Kensei]

Troublé par cette « discussion » avec Minoru, je franchis la porte du gymnase. Il n'était pas le bras-droit de Takeo pour rien : son coup continuait de me faire un mal de chien.

Le basketball était le seul club de Nintaï où les types continuaient de jouer en faisant abstraction du fait qu'ils allaient bientôt s'en mettre plein les dents sur un terrain vague.

Sur le terrain, Mika tentait de prendre la balle à Reizo. Plus grand et rapide que mon pote, celui-là arrivait à le distancer et surtout à le rendre furibard avec ses feintes. Sans Okito assigné sur le banc de touche, leurs équipiers respectifs ne parvenaient pas à interrompre leur jeu. On aurait dit qu'ils n'étaient que deux à jouer sur le terrain.

Je m'essuyai les dents du revers de la manche pour retirer le reste de sang. Minoru cognait vraiment bien.

C'était curieux quand-même. Pendant la dernière soirée au Black Stone, en revenant vers le comptoir où Lucie était assise, elle avait eu pour moi un regard doux et inquiet. Je l'avais ignorée. Elle était complètement ivre et par le fait, à l'ouest. Il ne manquait plus qu'elle fasse une démonstration d'affection. Elle avait compris le message et était repartie sans un bruit s'asseoir à la table, à côté de Ryôta.

Après-coup, je m'en étais un peu voulu. Ce n'était pas de cette façon que je devais prendre soin de ma petite-amie. Surtout quelqu'un d'aussi honnête que Lucie. Surtout de quelqu'un dont j'étais amoureux... Ça oui, j'étais plus raide qu'avec des tranquillisants. Je voulais constamment être près d'elle. Toucher sa main, sentir sa peau et la voir sourire. Alors pourquoi j'aurais dû avoir honte ?

Soudain, un type de l'équipe de Reizo en eut assez de faire tapisserie et fit un croche-pied à Mika. Ce dernier se serait misérablement étalé par terre, s'il n'était pas tombé en avant sur les bras, un réflexe qui évita à son front de percuter le linoléum.

Le visage du président du club, Satomu, vira au rouge puis au vert. Il bondit du banc duquel il observait le match et se jeta sur le mauvais joueur. Le gars eut juste le temps de se retourner avant de se faire cueillir par une droite du président du club. Satomu le tracta ensuite par le maillot jusque dans le vestiaire à l'abri des regards, où tout le monde l'entendit lui mettre une raclée monumentale. Une nouvelle fois, les joueurs allaient retrouver les bancs du vestiaire recouverts de bave, de sang et de morve. Mika détestait ça, il n'osait même plus y entrer de peur de se faire infecter par des armées de microbes.

Relevé, Mika rassembla son équipe, Reizo désigna un remplaçant et ils poursuivirent le match comme si rien ne s'était passé.

*

[Narration : Lucie]

Il faisait encore nuit. Tous les bruits étaient feutrés. De temps à autre, une clôture de propriété s'ouvrait et se refermait quasi-silencieusement. Des ombres filaient çà et là, parfois précipitamment pour atteindre la plus proche bouche de métro ou l'arrêt de bus. Je les observais en marchant, en proie à un réveil agité qui m'avait tirée du lit.

C'était le même cauchemar, encore est toujours. Le vide de la crevasse sous mes pieds me terrifiait. Peut-être était-ce dû au discours de Miike qui m'avait provoqué des frissons.

Je passai devant le Pretty Diamond.

Tomo était là, accroupi dans l'ombre de la ruelle jouxtant le host club. L'host tomba à genoux et vomit ses tripes. Alors que je pensais qu'il avait terminé, il régurgita encore sa bile à cinq centimètres de ses chaussures parfaitement cirées. Sa peau originellement cuivrée était blanche comme de la craie.

Octopus - Tome 3 : La Pieuvre a le sang bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant