31. L'Assaut

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L'énorme Kô apparut de l'autre côté du terrain, affublé de son inimitable crête violette. Aussitôt, Minoru et Ryôta frappèrent dans leurs mains et entonnèrent « C'est qui ? Qui qui a mangé tous les gâteaux ? ».

La forteresse de gelée trembla dans toutes les directions en lançant à leur encontre un torrent d'injures. Mika renchérit : « Vous croyez que son Q.G. lui manque ? ». Les veines des bras et du front de Kô se gonflèrent mais selon Minoru, elles contenaient plus de graisse que de sang. Le camp de Takeo ricana, se coudoya et certains se bidonnèrent carrément.

Il fallait dire que Kô avait un corps gros et mou, comme soufflé, semblant constitué de plus de chair que d'os. Au contraire, ceux de Minoru et de Ryôta étaient secs et musclés, dangereux : une personne mince a de plus grandes chances d'être rapide et d'autant plus foudroyante qu'un poids lourd de cent dix kilos. Mais allez dire ça à un videur de boîte de nuit !

Minoru s'avança et apostropha Kô : « T'as un corps de dieu, tu sais... Dommage que ce soit celui de Bouddha ! ». L'intéressé se tint près à foncer sur l'opossum mais Izuru le renvoya à l'arrière. Le deuxième année se plaça au-devant de son camp et cria en porte-voix à celui des troisièmes années : « Alors, elles étaient bonnes les chips ? ».

Mika serra les dents. Kensei empoigna son épaule avec force pour le retenir de se lancer seul dans un combat qui serait bien assez tôt mené.

Les derniers arrivants confluèrent vers chacun des camps, soulevant des petits nuages de poussière sous leurs pas. Ils étaient désormais au complet et il était évident que celui de Takeo était en nombre très inférieur par rapport à celui de Juro, Ichiro, Izuru, Kô, Chikuma et du lycée Kawasaki.

Je respirai la haine qui suintait de leurs corps nerveux et réalisai que les troisièmes années ne s'en sortiraient pas, aussi forts qu'ils étaient. En fin de compte, Hidetaka avait décidé de faire participer sa classe à la bagarre. Il avait retiré les bandages qui le faisaient avant ressembler à une momie ; sa coupe punk n'en était pas ressortie indemne. Il semblait également manquer des piercings sur son visage.

Malgré le renoncement ou la fuite de quelques premières années et bien que seule une trentaine d'individus du lycée Kawasaki ait répondu à l'appel, les troisièmes années et leurs alliés allaient se faire massacrer : un tiers des premières et deuxièmes années manquaient du côté de Takeo. Cela représentait donc environ cent-vingt gaillards contre près de deux cent en face. Le camp adverse ne se sentait plus de joie : Napoléon allait enfin mordre la poussière.

Lorsque je le compris, j'eus envie de partir en courant pour ne pas assister au carnage. Mais Kensei et Minoru ne me suivraient pas. De plus, en agissant de la sorte, je ne me comporterai pas à hauteur de leurs attentes.

Un nouveau frisson d'angoisse parcourut mon dos. La peur se logea au creux de mon ventre.

Les camps s'échauffèrent pour de bon. Les caïds se mirent à clabauder, sans s'écouter les uns les autres.

« Hé, gros sourcils ! Comment va ton pif ? lança Izuru à Tennoji dans un rire atroce, générateur de plaques d'eczéma.

— Change de registre et viens me voir espèce de pétochard ! Vu ta tronche de rat d'égouts, un coup de pied dans ta gueule ou dans ton cul c'est pareil ! » rétorqua Tennoji de son rictus de sale gosse.

Pourvu que la police intervienne rapidement.

Nino, d'une immobilité de cariatide, demeura sur le qui-vive. Ses yeux imperturbables attendaient le signal.

Le regard également fixé sur les étudiants du lycée Kawasaki, Reiji se craqua les doigts.

Yuito retira ses lunettes et les fourra dans une poche. Il dû se sentir nu sans ses lunettes chaussées sur le nez. Pour la toute première fois, je vis de loin à quoi ressemblaient ses yeux. Ils étaient petits et d'expression pesante.

Octopus - Tome 3 : La Pieuvre a le sang bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant