Octopus - Tome 3 : La Pieuvre a le sang bleu

34. La Dispersion

[Narration : Lucie]

Plus qu'une dizaine de caïds tenaient sur leurs jambes. À l'approche des sirènes, les cinquièmes années avaient disparu. Ils avaient accompli leur part du travail et s'étaient enfui avant l'arrivée de la police.

Takeo, lui, retrouva Juro. Enfin face à face, ils se tournèrent autour en adaptant leurs gardes et leur terrain. Chacun voulait en finir avec son ennemi juré. Les deux étaient dangereux et intelligents mais ils manquaient de patience. Le moindre coup était crucial : il pouvait décider de l'issue de l'affrontement, voire de la bagarre toute entière.

Il y eut soudain une ronde d'attaques, dont le rythme exigea d'eux une forte endurance. Après quelques échanges, Takeo et Juro cuisirent sous l'effort. Le premier déboutonna sa chemise hawaïenne et le second retira sa veste en cuir.

Non loin, Kensei acheva de faire briller sa réputation. Il combattit en foudre de guerre le dernier des quatrièmes années : Ichiro. Leur lutte se résuma à la vision de caïds aux cheveux décolorés, l'un miel, l'autre platine, qui s'échangèrent des coups sans se formaliser d'en recevoir. Pour autant, la puissance de leurs uppercuts demeura constante.

Entre-temps, Hidetaka se releva en massant sa joue douloureuse. Au vu du choc que Tennoji lui avait porté, le pierçingué aurait dû rester sur le carreau. Il tituba et lança un objet à Juro avant de se faire emporter par un dernier malaise. Le Vélociraptor le saisit au vol. L'incompréhension se lut sur le visage de Takeo. Il n'avait pas prévu ce retournement de situation.

Juro soupesa le canif dans ses mains. Il hésita mais Takeo avança. Dans la précipitation, le quatrième année dégaina la lame et se jeta sur lui.

Takeo sortit de l'axe en bloquant le bras de son adversaire et une fois dans son dos, le frappa. Juro encaissa, fit volte-face et fendit l'air avec la lame. Napoléon recula prestement mais ne put éviter l'attaque dans son entier. Il hurla sous la douleur en tournant sur lui-même. Lorsqu'il releva la tête, tassé de souffrance, je vis que tout son côté droit saignait, du coin de l'œil jusqu'au bas du menton. L'entaille paraissait profonde.

Juro profita de la déconcentration de Takeo pour le saisir à la nuque. Immédiatement, Napoléon réagit par un coup de coude dans l'estomac. Juro fléchit sous l'impact et les deux, essoufflés, élevèrent les bras pour s'arracher le canif.

Takeo était petit mais ses biceps plus épais. Il déjoua la situation en lançant sa jambe contre le genou de Juro pour amoindrir sa mobilité. La rotule péta et le Vélociraptor chuta. Dans l'élan, la lame cisailla le front du quatrième année. Au moment où il le réalisa, Takeo rentra la lame du canif et le fourra dans sa poche.

La rafale aurait pu continuer.

Mais Takeo était fatigué. Il souffrait et en avait assez.

Les sirènes d'alarme étaient toutes proches et ils avaient intérêt à décamper en vitesse avant de tous se faire embarquer.

Napoléon se résolut à faire usage de sa botte secrète pour abréger le combat : tandis que Juro se remettait avec peine, il s'élança et par un ahurissant coup de pied retourné, fit sauter sa mâchoire. Juro poussa un gémissement et s'étala de tout son long.

Napoléon avait gagné.

Au même moment, Ichiro se plaça de profil, les yeux bleutés de coquards et les poings fermés devant son visage abimé en une posture de boxe. Kensei, un genou à terre pour reprendre son souffle, se redressa hâtivement. Il esquiva et plaqua Ichiro au sol. Celui-ci le fit glisser sur le côté. Ils se relevèrent en chancelant. Pris d'un soudain vertige, Kensei retomba dans le sable.