Somniloquie - Partie 1

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Pour autant que je me souvienne, j’ai toujours parlé dans mon sommeil. Quiconque ayant dormi sous le même toit que moi vous le dira. Mes parents, mes frères et sœurs, mes amis, et surtout mes ex. Ils sont aux premières loges. On en riait le matin, puisque la majeure partie de ce que je disais était incohérente, ou dénuée de sens. Je peux vous citer quelques perles : « Il y a trop d’hélicoptères dans la piscine ! » ou « mon ballon est sur le mauvais pied ! ». Ça n’a jamais dérangé personne autour de moi, mes amis et ma famille s’en amusent plus qu’autre chose.


Un jour au boulot, on s’est mis à parler du sommeil. Mes collègues ont raconté quelques-uns de leurs rêves les plus bizarres, et j’ai suivi avec mes anecdotes de somniloquie. Je leur ai déballé les trucs les plus dingues que j’ai pu dire en pionçant, et ça les a tous faits rire. Un de mes collègues, Bill, a vraiment eu un fou rire. Après s’être calmé, il m’a dit que je devrais m’enregistrer en dormant pour qu’ils puissent tous en profiter chaque matin. Franchement, l’idée m’a plu. 

Le soir même, j’ai téléchargé une application de dictaphone sur mon portable, et je l’ai posé sur ma table de nuit avant de me coucher. Étant célibataire, et vivant seul, je n’avais plus aucun moyen de savoir ce que je disais en dormant, c’est pourquoi j’ai volontiers suivi le conseil de Bill. J’étais impatient d’entendre ce que ça allait donner. Et ça serait une manière amusante de commencer mes matinées, d’ordinaire plutôt ennuyeuses. 

Pendant deux mois, j’ai enregistré pas mal de pépites. Par exemple, une nuit je ne m’arrêtais pas de crier comme si je cherchais à échapper à quelque chose, mais après quelques minutes j’ai dit « Mauvais frigo ! ». Je ne sais pas pourquoi, celle-là m’a fait beaucoup rire. Et elle a eu autant d’effets sur mes collègues.

Cependant, la semaine dernière, le dictaphone a enregistré quelque chose d’étrange. Alors que j’écoutais l’enregistrement à la recherche d’un truc drôle, j’ai entendu un bruit retentissant. Ça ressemblait à une porte violemment claquée. J'ai senti mon cœur manquer un battement en entendant ça. Je me demandais si quelqu’un était entré chez moi.

Ma maison est un petit chalet en périphérie de la ville. Je l’ai eue pour un bon prix en raison de son emplacement et de son âge. Du coup, certaines pièces sont vétustes. Seules deux portes étaient suffisamment solides pour être à l’origine de ce que j’avais entendu : celle du grenier et celle de la cave.

Les caves et les greniers m’ont toujours foutu les jetons. Déjà enfant je n’aimais pas m’en approcher, et c’est toujours le cas en tant qu’adulte. Ils me terrifient. Et ceux de ma maison plus que les autres. Le fait qu’ils soient vieux les rendait plus sinistres. 

Mais malgré ma peur, je devais m’assurer que personne n’était dans la maison. Je suis sorti de mon lit, et suis allé directement à la cave, puisqu’elle était plus proche de ma chambre. J’en ai ouvert la porte à contrecœur et je suis descendu dans les profondeurs de ma maison. J’étais nerveux, mais il fallait que je me rassure. 

La cave était vide.

Je me suis dépêché de remonter, et je me suis dirigé vers le grenier. Une fois devant la porte, je me suis figé. Autant, les caves ça me fout les chocottes, mais les greniers c’est encore pire. Peut-être parce qu’ils ont toujours été un mystère pour moi. Pour être complètement honnête, je n’ai été dans un grenier qu’une seule fois dans ma vie, et c’était pour aider mon père à descendre les décorations de Noël. Même à l’époque j’étais effrayé.

À cause de ma peur des greniers, j’y ai installé un pêne dormant en emménageant. Ça a l’air con, mais bon, ça m’aide à dormir. En examinant la porte, j’ai remarqué qu’il était toujours verrouillé. Un intrus aurait pu y aller et le refermer en ressortant, mais au moins je savais qu’il n’y avait personne à l’intérieur. Ça m’a servi d’excuse pour ne pas y aller. Je suis retourné en bas, et j’ai essayé de ne plus penser au bruit.

J’ai continué d’enregistrer mes nuits dans l’espoir de trouver de nouvelles pépites. Et j’en ai eu, mais pas celles que j’attendais. La nuit suivant celle où j’ai enregistré le bruit, je n’ai dit qu’une seule chose : « Où es-tu ? ». Je n’y ai pas prêté attention, ce n’était pas la première fois que je disais ce genre de truc. 

Je n’ai commencé à m’inquiéter qu’en écoutant l’enregistrement de la nuit suivante. Je m’entendais répéter inlassablement : « Où es-tu ? », mais cette fois c’était accompagné d’un étrange bruit parasite. Ainsi j’avais répété la même chose deux nuits d’affilées, et chopé un son bizarre ? Cet enregistrement m’a quand même un peu déstabilisé, mais je l’ai attribué à une coïncidence et à un bug de mon téléphone. 

J’ai rapidement découvert qu’aucune de ces explications n’était valable. 

Les nuits suivantes n’ont pas été différentes. À chaque fois, je m’entendais demander « Où es-tu ? », et puis j’avais cet espèce de bruit parasite. Je ne parvenais pas à l’expliquer, et ça me fatiguait. Je l’ai montré à mes collègues, mais ils ne m’ont pas été d’une grande aide. J’ai pensé à arrêter d’enregistrer, mais je sentais que ça serait pire de demeurer dans l’ignorance. Il fallait que je découvre le fin mot de l’histoire.

Et c’est là que les choses ont changé, la nuit dernière pour être exact. Alors que j’écoutais l’enregistrement, j’ai entendu deux choses bien distinctes. En tendant l’oreille, je pouvais discerner des bruits de pas, comme si quelqu’un marchait sur la pointe des pieds. C’était vraiment feutré, mais aucun doute possible. La seconde chose était moi-même, posant toujours la même question : « Où es-tu ? », sauf que cette fois j’ai eu une réponse. C’était un chuchotement, très bas, mais j'ai pu le comprendre.

« Je suis en haut ».

Creepypasta et histoire horrifiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant