Les oiseaux chantaient encore à cette heure là de la journée. Décrochant un instant de son livre, elle se surpris à jeter un œil par la fenêtre à côté de laquelle elle était assise, et plongea son regard perdu par cette simple ouverture. La lumière tamisée du crépuscule éclairait encore chaudement toute la vallée, conférant à ce lieu une atmosphère chaleureuse et réconfortante. On pouvait y admirer la douce danse des feuilles vertes des grands arbres, parfois emportés par la légère brise, si calme qu'elle paraissait être une caresse du vent. Tout un petit monde, rempli de nombreuses petites bêtes qui courent, volent, chantent et dansent suivant les lois de leur instinct. Sortant de son fourré tel une flèche, un lapin se mit a parcourir le petit cercle d'herbe dégagée autour de la petite maison, sûrement pour rejoindre son terrier de l'autre côté. Puis, peut-être par curiosité, il s'arrêta et s'approcha lentement de la fenêtre par laquelle la jeune fille le regardait. Ici, aucun prédateur, aucun danger pour la fragile créature, elle n'avait aucune raison d'avoir peur. Le lapin s'avança ainsi, la regardant avec une insistance surprenante pour un si petit animal. Attendant, presque au bord de la fenêtre, il semblait vouloir quelque chose d'elle, lui réclamant une faveur, ou peut-être juste de l'attention. Ce n'était pas la première fois qu'un animal s'approchait d'elle, mais elle ne put s'empêcher d'espérer que cette fois ci serait la bonne. Hésitante, elle s'autorisa un geste simple. Tendre le bras, toucher cette adorable chose. Peut-être la caresser, lui donner à manger, le voir revenir. Il pourrait lui apporter un peu de compagnie, une sorte d'amusement quotidien. Mais à l'instant où sa peau effleura la fourrure du lapin, il émit un petit cri aigu et tendit chacun de ses muscles, avant de bondir le plus loin possible de la jeune fille et de disparaître à nouveau, de retour dans la végétation orangée. Lui aussi, comme tous avant lui, était parti et ne reviendrait plus jamais. Elle avait été bête d'y avoir cru juste un instant. Les choses ne changent pas si facilement...
Elle resta là, immobile, ne sachant comment réagir à la fuite de la petite bête. Inévitablement, ses émotions noires commencèrent à monter, se faisant plus grondantes à chaque instant. Elle commençait à voir noir , penser noir, entendre noir. Mais sa nostalgie déjà naissante de ce bref instant dont l'émotion agréable était déjà à jamais perdue fut vite balayée, par la même chose qui venait la consoler chaque soir, après chaque jour et chacune de ses défaites. Lorsqu'elle le sentit, elle leva les yeux au ciel, et constata avec un léger sourire que le soleil était sur le point de se coucher. Tout le noir disparu, et une excitation familière la traversa. Elle se leva, posa rapidement son livre sur la table et se rua dehors, laissant la porte grande ouverte derrière elle, avant de se mettre à courir dans l'herbe, qui semblait s'incliner devant son passage. Les arbres aussi, du chêne centenaire au jeune boulot, se courbaient en une grande révérence dès qu'elle s'approchait. Ici elle était reine, chaque être, chaque chose, la respectait, s'inclinait devant elle. Un dieu de son petit monde, craint de tous, car pouvant peut-être bouleverser tout le fragile équilibre de ce petit havre en un claquement de doigts. Elle le savait. Elle en avait peur. Peut-être même était-elle la plus effrayée de tous.
Mais une seule chose ne se courbait pas devant elle. Une seule chose était plus grande, plus belle, plus resplendissante qu'elle. La seule, l'unique qui se refusait à cette autorité ancrée dans son être dont elle ne voulait pas. Ce qui la surpassait en tout point, ce qui chaque nuit lui redonnait des couleurs malgré sa lumière blanche. Son astre.
Se laissant tomber sur le dos, elle ouvrit grand les yeux vers le ciel déjà presque nocturne, ne prenant pas beaucoup de temps pour trouver ce qu'elle cherchait dans ce tableau sombre. La lune. Elle était immense vue d'ici, occupant une grande partie de la fresque qui se dessinant dans les cieux, et éclairant les lieux d'une lumière d'autant plus forte. Pas une lumière agressive, brûlante, et puissante du soleil, des rayons oppressants et étouffants qui la poussait à ne pas sortir de chez elle le jour. Non, une lumière simple, blanche et pâle, froide mais pourtant chaleureuse, semblant envelopper tout ce qui existe et le bercer au son de la nuit tombante. Cette lumière, dans ses yeux, faisait naître une infinité d'étoiles, éclipsant totalement tous les autres astres qui occupaient le ciel. Ici, il n'y avait d'espace que pour la lune, et un petit coin pour elle, lui permettant d'admirer encore et encore ce spectacle simple, neutre, et qui pourtant signifiait tout pour elle.
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Rêve de lune
Short StoryPerdue dans un rêve dans lequel rien n'a vraiment de sens mais où tout s'écoule parfaitement, une jeune fille va découvrir que tout est éphémère et que la réalité peut parfois être bien plus proche que l'on ne le pense.