Forces et faiblesses

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Appartement de Fukuzawa Yukichi, 00h10.

C'était une nuit comme celle-là que Fukuzawa qualifierait de "belle".

Un léger souffle de vent faisait s'agiter doucement le gracieux tableau que formaient les feuilles dans les grands arbres devant ses fenêtres. Les pâles lumières de la rue un peu plus loin semblaient danser dans un mouvement distant et organisé, beauté inaccessible. Vue l'heure tardive de la nuit, le trafic était beaucoup plus faible et le silence qui régnait alors dans le quartier conférait un calme serein au tableau, comme si les habitants étaient à l'abri d'un cocon rassurant et protecteur. Oui, c'était vraiment une belle nuit pour le patron de l'Agence des détectives armés, que la présence de Mori allongé contre lui ne rendait que plus belle encore.

Avec un soupir de contentement, l'argenté s'enfonça précautionneusement dans son matelas, en prenant garde de bouger le moins possible pour ne pas réveiller son amant, paisiblement endormi à ces côté. Après avoir trouvé une position confortable, il contempla longuement le brun, attendri.

Son visage d'habitude tordu dans un rictus moqueur semblait serein une fois endormi, presque innocent. Une paix sereine qu'il ne semblait trouver qu'en dormant, au grand désespoir du plus grand.
Ses yeux maintenant clos entourés de longs cils noirs étaient soulignés par des cernes grises et marquées que Fukuzawa contemplait avec une certaine tristesse. Il savait que les troubles de sommeils de sa moitié ne dataient pas d'hier, mais il savait aussi qu'il souffrait quand même de la fatigue, même si il n'en parlait pas. Troubles qu'il parvenait parfois à apaiser, au prix de longs efforts. Il ne savait même plus combien de nuits il avait passé près de lui, à essayer de l'endormir à force de caresses et de murmures apaisants pendant de longues heures parfois, à le rassurer quand ses démons le poursuivaient jusque dans ses cauchemars en lui parlant longuement d'une voix rassurante et en passant délicatement la main dans ses mèches noires. Quand il sentait enfin le corps de son amant se détendre et sa respiration ralentir, il ressentait un profond soulagement, en se disant qu'il pourrait récupérer au-moins un peu cette nuit là sans user de médicaments.
Il laissa son regard descendre encore un peu plus dans sa contemplation, admirant tour à tour ses lèvres légèrement entrouvertes, ses mains repliées posées négligemment sur son torse en savourant la sensation de chaleur que le corps du brun étendu contre lui lui procurait et la douceur de la peau de son torse nu contre le sien.

S'arrachant à ce panorama, il regarda l'heure d'un coup d'œil sur son réveil : 00h15. Ils auraient un peu plus de temps pour dormir, se dit-il. Ça leur ferait du bien à tous les deux. D'autant plus que cette nuit là, il avait voulu plus que jamais être présent pour lui.

*************

Quand Mori était rentré dans leur appartement à une heure avancée, sale et décoiffé, l'air totalement éméché, Fukuzawa s'était inquiété. Il savait très bien que son amant ne faisait pas un travail facile, pas plus que lui d'ailleurs, et il se demandait toujours quand une mauvaise nouvelle finirait par tomber.
En arrivant, il partit tout de suite prendre un bain. L'autre attendit qu'il ait fini et quand il revint vêtu d'un Yukata dans les tons de noir et de blanc qu'il lui avait offert (il avait trouvé que la couleur mettait ses yeux en valeur), réchauffé et propre mais toujours l'air hagard, le gris essaya de le questionner discrètement devant une tasse de thé chaud. Voyant que celui-ci n'avait pas l'air de vouloir en parler, évitant habilement le sujet avec une plaisanterie, il n'avait pas insisté, en parfaite connaissance de son langage. Sa ressemblance avec Dazai était parfois troublante. Si il y avait bien un principe d'or dans leur couple, c'était de ne jamais poser de questions trop intrusives sur le travail de l'autre. Ils en souffriraient inutilement. Ils avaient discuté pendant un moment de choses sans intérêt, puis ils étaient tous les deux partis se coucher.
Alors que Fukuzawa, installé dans leur lit, regardait sa moitié faire glisser son habit le long de son dos pour l'enlever, il remarqua plusieurs bleus qui n'étaient pas là avant. Mais, encore une fois, alors qu'il posai habilement la question, inquiet, le brun se contenta d'éviter le sujet avec une réponse évasive, le dissuadant d'insister plus que ça.
Il se glissa à son tour sous la couette, et, lui qui était habituellement le premier à jouer les aguicheurs, se contenta de se blottir contre sa moitié, calant sa tête au creux de son épaule. L'argenté, n'ayant pas l'habitude de ce genre de gestes innocents de la part de son compagnon, resta interdit un moment, puis passa une main timide dans ses cheveux, qui pris rapidement plus d'assurance, effectuant un mouvement doux dans ses mèches brunes. Le mafieux émit un soupir d'aise et se mit à jouer avec la boucle de cheveux argenté du loup d'argent, qui pendait sur son torse. Ils restèrent ainsi un court moment, puis, ne pouvant ignorer le regard triste de son ancien client, l'ancien garde du corps saisit doucement son menton pour le forcer à le regarder et planta ses iris grises teintées de bleu dans ses yeux d'un violet abyssal puis lui dit :

"To The Stray Dogs" Recueil D'OSWhere stories live. Discover now