Chapitre 18 (5)

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Dans le train de ville qui la ramenait chez elle, Athénaïs relisait les messages que Thibault lui avait envoyés. Il voulait la revoir. Reprendre une amitié. Ce matin, à l'église, Soary l'avait sévèrement mise en garde contre lui. Elle lui avait limite passé un savon : d'après son amie, il aurait été préférable de l'ignorer de bout en bout. Heureusement, néanmoins, qu'elle avait eu la présence d'esprit de lui dire non !

Son téléphone vibra dans son sac. Marguerite. Athénaïs soupira. Deux sermons avaient été suffisants pour la journée. « Pauline, pourquoi es-tu si honnête ? » se plaignit-elle silencieusement. Le vibreur cessa... pour reprendre de plus belle quelques secondes plus tard. Connaissant Marguerite, elle allait la harceler toute la soirée. Athénaïs exhala une nouvelle fois avant de prendre l'appel.

« Say', ne me dis pas que tu l'as fait avec Thibault, attaqua de front la voix rauque si particulière de Marguerite.

— Salut.

— Say'.

— Non, je l'ai recalé. »

Une seconde s'écoula avant que Marguerite ne poussât un bruyant soupir de soulagement.

« Hallelujah, Seigneur, Marie, Jésus ! s'exclama-t-elle, à la grande perplexité de son amie.

— Euh... Margue, ça va ?

— J'avais tellement peur que tu recouches avec lui ! »

Alors ça, ça ne risquait pas.

« Pauline m'a dit que t'étais rentrée seule et en Uber, hier. J'ai cru que j'allais te taper si t'étais partie chez lui.

— C'est très rassurant, tout ça.

— Mais c'est parce que je tiens à toi que je te dis ça !

— Je sais bien, allez.

— En tout cas, je suis fière de toi. »

L'air de rien, ce petit compliment fit plaisir à Athénaïs qui avait bien besoin de soutien.

« Il veut me revoir. Ca reste vraiment compliqué de dire non.

— Dis-lui que t'es occupée.

— Tu ne le connais pas. C'est le genre à se ramener quand je lui dis que je n'ai pas de pause, sauf entre 14h34 et 14h35.

— Bah tu lui dis rien.

— Il veut juste être ami.

— Je veux bien croire que tu es naïve, mais pas à ce point-là. »

Athénaïs soupira.

« Oui, tu as raison..., concéda-t-elle.

— Ecoute, si tu veux, je reviens demain et on fait la fête comme jamais. Comme ça, tu ne mens pas car tu seras réellement occupée, et en même temps, tu le zappes ! »

Athénaïs sourit derrière son téléphone.

« Alors, insista la voix enjouée de Marguerite, partante ?

— Est-ce que j'ai le choix ?

— Eh bien, soit tu te morfonds, tu rappelles ton ex, tu revis ton cauchemar fait de pleurs et de regrets...

— T'y vas un peu fort là !

— ... soit tu t'amuses avec ta meilleure copine, qui est accessoirement la meilleure copine du monde entier, tu te fais payer des verres et tu sors de ce cercle vicieux qui t'emprisonne et t'empoisonne la vie !

— Hum... « t'emprisonne et t'empoisonne la vie ». Margue, à quand ton album ?

— Après ton deuxième !

— Oh non, c'est dans trop longtemps ! J'ai une thèse sur le Tako-Tsubo à gérer avant !

— Ah, en parlant de ça : ça va, avec Ken ?

— Ouais, je viens de le croiser à la bibliothèque du 11ème, d'ailleurs. »

Athénaïs entendit son amie ricaner au bout du fil.

« Vous êtes vraiment bizarres, tous les deux. Les gens normaux, le dimanche, se calent dans leur couette devant Netflix et vous, vous vous levez pour aller à la bibliothèque.

— Bah, le dimanche je me lève toujours tôt...

— Oui bon toi, t'es pas bizarre, t'es... j'sais pas. D'une autre dimension. Mais bon, on t'aime comme ça.

— Bon sinon, Berlin, c'est comment ?

— Oh, je te dis pas ! On est allé au Berghain juste pour voir... C'est un délire, laisse tomber ! »

Marguerite avait fait des siennes, comme attendu. La froideur réputée des Allemands ne s'appliquait pas à elle. Son tempérament fougueux avait très souvent raison de toutes les barrières que pouvait ériger un homme contre elle. Si elle le voulait, elle l'avait.

« Ils ont leur charme, ces Allemands.

— Tu m'en présentes un ?

— T'inquète pas, dès demain, je te trouve quelqu'un. Je te dirai « Thibault », tu diras « Qui ? » »

Athénaïs rit de bon coeur. Elle avait eu raison de prendre le téléphone, finalement.

« Ca me fait du bien de te parler, Margue.

— A quoi je sers sinon ? Les amies, c'est fait pour ça.

— Qu'est-ce que je ferai sans toi ?

— Rien du tout ! Tu vois, dès que je m'éloigne, y'a tout qui part en live : t'as ton ex qui revient, t'as Pau' et Deen qui remettent ça...

— Quoi ?!

— Eh oui, y'avait pas que toi qui était à jeter à cette soirée ! Il vous est arrivé quoi, là ? Je pars, c'est le bordel ! s'emporta la jeune femme au bout du fil. On ne peut pas compter sur vous ! »

Il fallait absolument qu'elle appelât Pauline ! songea Athénaïs, alarmée. Elle devait au fond du trou, une nouvelle fois. « Deen !! » râla-t-elle entre ses dents.

« Comme tu dis, renchérit Marguerite. Bref, je vais raccrocher. Eloigne-toi de Thibault, il ne te mérite pas. »

Sur ces entrefaites, elle coupa la communication. Athénaïs, encore abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre, resta un moment suspendue à son téléphone, avant de réagir. Elle devait aller voir Pauline. Elle sortit à l'arrêt suivant pour regagner Paris et aller réconforter son amie.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant