Je me dirigeai alors vers la librairie, route que je connaissais par cœur.
Le soleil chutait une nouvelle fois dans un ciel d'ambre, éclairant faiblement mon chemin.
Le carillon émit son accueil distinctif lorsque je franchis le seuil de la librairie.
Odeur de renfermé.
Divine.
Je m'engouffrai dans les rayons comme si je rejoignais de vieux amis.
Les retrouvailles sont émouvantes et je me plais dans un élan sentimentaliste à caresser les dorures de certains ouvrages.
Ils me parlaient. Me murmuraient des souvenirs intimes. Communs.
J'errais longtemps ainsi, à parlementer silencieusement entre les étagères.
Je m'arrêtais de temps à autre pour observer parfois des nouveautés, parfois d'anciennes connaissances que j'aurais aimé être miennes.
Ces dernières correspondaient exactement à la moitié de la bibliothèque.
Des désirs maîtrisés. Interrompus.
Mon regard s'amarra à l'un d'entre eux.
Abîmé sur les jointures, d'une taille modérée, il brillait de sa reliure ocre.
En police verticale y était inscrit :
"Les fleurs du mal. Charles Baudelaire."
Prémice d'un souvenir. Fugace. Chevrotant dans les années précédentes.
Je déposai mon doigt sur le haut du livre, là où reposait une légère couche de poussière.
La sensation n'était pas désagréable, et appelait à étaler les particules entre mes doigts.
Je m'apprêtais à faire venir le livre à moi quand une poigne un peu trop ferme se posa sur mon épaule.
-Si ce n'est pas cette tafiole.
Insulte puérile.
Haleine pestilentielle de sucre.
Propos plus que douteux.
Je me fis le pari silencieux que cette frustrante interruption fut l'inquisition de l'un de mes camarades de classe.
Mais il ne me laissa pas le temps de me donner raison et murmura quelques mots doux à l'oreille, tout en me tenant fermement par le bras de sorte que je ne puisse pas le voir.
-Moi et mes potes on aimerait bien te causer. Si tu vois ce que je veux dire.
Invitation à une orgie quelconques ?
Très peu pour moi.-Je vois que malgré tes propos dérangeants tel que "tafiole", tu ne refoules pas tes véritables pulsions sexuelles. C'est bien.
-C'est ça, tu ne feras plus trop le malin quand je t'aurai cassé la gueule.
Charmant.
Les jeunes de nos jours étaient ils tous si... expressifs ?
Et moi qui me faisais une joie de rencontrer ces fleurs maléfiques.
On dirait que je vais devoir remettre à plus tard cette entrevue.
-Qu'on en finisse. Fis je simplement.
Il me lâcha et je puis enfin observer son visage grotesque, son sourire narquois, ridicule, son double menton et diantre... y avait il au moins une symétrie dans sa morphologie ?
Ce portrait burlesque me disait bien quelque chose, c'était surement l'une des brutes qui s'en prenait verbalement à moi au collège mais je n'étais pas certain que l'on soit dans la même classe.
Je ne m'embêtais pas à retenir, ni leurs remarques, ni leurs visages, cela aurait été une insulte à ma mémoire immédiate.
Il ouvrit la porte, maltraitant le carillon.
-Après toi. Fit il.
Trop aimable.
La nuit depuis longtemps déjà tombée, n'était pas la seule à m'accueillir dans cette rue trop étroite.
-Regardez ce que je nous ai dégoté les gars !
-Tiens, si ce n'est pas ce petit con méprisant.
Si ce n'est pas un petit salsifis.
C'était plus fort que moi.
Le légume m'était apparu immédiatement quand j'aperçus l'un de mes interlocuteurs.Grand, le teint blanchâtre presque maladif. Ses cheveux remontaient en épine comme une insulte à la gravité.
Il n'était pas dans ma classe. Je n'étais pas sûr pour les autres mais il était clair que je me serais souvenu d'un tel personnage.
Il aurait pu avoir des allures beau garçon si son visage affichait autre chose qu'une grimace méprisante.
-Et vous êtes ?
-Tu te fous de nous ? Fit l'obèse à mes côté. On est dans la même classe depuis six mois et t'a toujours pas ne serait ce que retenu mon prénom ?
A vrai dire, je ne reconnaissais même pas son visages.
Mais je n'allais pas faire part de cette information ayant peur d'aggraver d'avantage ma situation.
J'optais donc pour une réponse plus optue :
-Pardon, vous cherchez tellement à vous faire remarquer que vous en devenez invisibles.
-Qu'est ce qu'il a dit là ?
-Je pense qu'il vient de nous insulter.
-Téméraire. Fit l'un.
-Stupide. Fit l'autre.
-Je vais me le faire. Fit le plus abruti.
Ils étaient cinq en tout : le salsifis, le toxico de glucose, un blond maigrichon, un grand aux allure de mafieux et le plus petit qui avait l'air au bord de la constipation.
Je me fit violence pour que ma lèvre supérieur ne trahisse pas un rire devant cette joyeuse bande de déjanté.
Personne n'allais interrompre notre entrevue, pas à cette heure.
Ne pas me montrer un minimum courtois risquait de me mettre en une situation des plus importune.
Pour ne pas dire que j'allai prendre une grande raclé.
-Allons, allons. Fis le salsifis. Les gars, ne nous emportons pas. Il vient de nous faire part qu'il n'avait pas retenu nos prénoms. Il faut rattraper cette bévue.
Je retenais ma rétine de s'adresser au ciel.
Une vrai bande de hyènes, salsifis qui semblait le plus malin du moins assez pour prononcer le mot "bévue" sans tourner de l'œil s'avança vers moi tout en me tendant la main.
- Makoto.
-Shinsou. Fis je sans toutefois prendre la main tendue.
Je tenais à conserver mon hygiène.
Et aborder ce qui supposait être un déchet n'y aiderait certainement pas.
-Shinsou. Fit il. Tu sais ce que j'aimerais devenir plus tard ?
Retenir son sarcasme.
-Dis moi tout.
Tentative échouée.
-J'aimerai être un héro.
-Passionnant.
-Et tu sais ce que font les héros ?
-Je ne sais pas. Ils incitent les gens à les suivre dans une rue sombre et sordide pour ensuite les importuner avec des questions rhétoriques ?
-Il casse la gueule aux vilains.
-Ah.
-Et toi Shinsou, à ce qu'on m'as dis, tu as tout ce qui se rapporte au vilain.
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Les Fleurs Du Mal
Fiksi PenggemarUne existence insipide. Où tout n'est qu'ennui. Du moins, c'était ainsi que Shinsou Hitoshi résumait ses années de collège. Jusqu'à l'arrivée d'un certain télépathe dans son entourage. [Fais partie du même univers alternatif qu'Un mal nécessaire]