Chapitre [173]

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Junot était bel et bien retourné en Bourgogne. Il y a une semaine de cela exactement, et pourtant pour Napoléon, cela semblait déjà être une éternité.

Les mains derrière le dos, il fixait inlassablement les grands toits de la capitale à travers la fenêtre. Il faisait déjà nuit depuis longtemps, et il n'apercevait les rues qu'à la lumière de leurs lampadaires, et les bâtiments qu'à la lumière de la Lune.

Il se sentirait presque seul, s'il n'en avait pas l'habitude.

- Majesté?

Il entendit frapper à la porte, quelques coups timides. Durant une demi-seconde, il avait espéré que ce soit Junot ; mais ce n'était premièrement pas sa voix, et ensuite, son amant ne le nommait jamais ainsi.

C'est Murat qui ouvrit doucement la porte, ses épaisses boucles noires attachées et, pour une fois, non pas vêtu d'un quelconque uniforme excentrique, mais d'une simple chemise ample, quoiqu'avec un jabot assez conséquent.

En l'observant, Napoléon se rendit compte que lui non plus, il ne l'avait pas vu depuis un moment. Après tout, ses maréchaux, ils les commandait, mais lorsqu'ils n'étaient pas en campagne, ils faisaient leur vie de leur côté. Enfin, pour certains... il y en a d'autres dont il sollicitait davantage la compagnie.

Murat le dévisagea d'un air concerné.

- Excusez-moi de vous déranger, mais... allez-vous bien..? J'allais me coucher, et en passant devant la porte de votre chambre, j'ai vu de la lumière. Il est tard, vous devriez aller dormir.

L'empereur avait presque envie de se jeter dans ses bras. Et d'y rester un bon moment. Son cœur se réchauffa à la seule idée que quelqu'un s'inquiète pour lui. Et encore plus si cela venait de l'un de ses beaux maréchaux préférés.

- Je vais bien, oui, mentit-il avec un visage sérieux.

Toujours cacher, comme il savait si bien faire.

- Que faisiez-vous? Vous travailliez? Vous ne devriez point veiller si tard. Vous allez être fatigué.

- Je ne travaillais pas, mais peu importe.

- Je vous connais, vous allez encore vous épuiser... et je tiens à votre santé. Si vous avez besoin de compagnie, ou d'une quelconque aide, je suis là pour vous.

Il avait posé sa main sur son épaule. Napoléon était entièrement attendri, maintenant.

- Je... pourquoi pas, oui. Mais je n'ai aucunement sommeil. Parlons un peu, peut-être viendra-t-il en conversant.

- Vous n'êtes même pas en tenue de nuit, constata-t-il.

- Toi non plus.

- Car je reviens d'un souper chez un ami, qui s'est terminé tard. C'est aussi pour cela que je suis venu dormir aux Tuileries, c'était plus près, et surtout je voulais voir si vous alliez bien. Nous ne nous sommes pas vu depuis plus d'un mois déjà.

- C'est... aimable de ta part. Et je me changerai après. Je n'ai pas l'esprit à cela.

Murat l'observa plus finement. Il ne le connaissait que trop bien pour ne rien voir.

- Vous m'avez l'air maussade... S'est-il... passé quelque chose?

Napoléon s'écarta, et soupira. Il n'avait pas envie d'évoquer le sujet, mais au fond il avait besoin d'en parler. Autant se confier, Murat était bien le dernier à pouvoir le trahir - après Junot.

- Seulement une dispute avec Junot... une énième dispute.

- Oh... c'était pour cela qu'il pleurait.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant