Promenons-nous dans les bois ~Jarmin~

~7~ Seuls au monde

Floch regarde désespérément ses amis s'engouffrer dans cette sordide forêt, le laissant seul et sans lumière, sans arme pour se défendre et attachée contre un arbre minable. La sensation affreuse d'abandon qui le brûle en dedans est atroce, affreusement douloureuse. Comment son propre meilleur ami a pu être consentant à un châtiment pareil? Il est comme un frère, son pilier. Lui, il aurait défendu Eren coute que coute si la situation avait été inversée. Sans la moindre hésitation, il l'aurait libéré de ses liens et l'aurait aidé à fuir. Même si toutes les preuves l'avaient accusé, il l'aurait défendu. C'est ça, l'amitié.

L'amitié, c'est défendre l'autre et être à ses côtés même dans les pires situations. C'est savoir remonter l'autre quand tout est sombre et l'accompagner dans toutes les épreuves tête baissée. Comment Eren a ainsi pu l'abandonner? Il lui a promis d'être toujours là, mais en ce moment, Floch se sent plus seul que jamais... seul dans cette obscurité qu'il a toujours détestée comme la peste. Ça aussi, son meilleur ami est censé le savoir. Est-ce que lui laisser une torche aurait été trop compliqué?

Savoir que les autres le pensent capable de tuer sordidement une pauvre fille le détruit. Il est peut-être un peu bizarre par moment, mais il déteste tout ce qui est violent. Le roux a toujours prôné l'idéologie Peace And Love, adorant écouter en boucle les chansons de John Lennon. Il faut croire que les gens le connaissent mal... il a peut-être abusé un peu de la marijuana, mais rien de plus! Tout ce sang sur son corps lui donne d'affreux haut-le-cœur. Il a juste voulu aider Annie quand il l'a vue sur ce sol froid... c'est ce que tout le monde avec un cœur aurait fait?

Chaque bruit entre les arbres le fait frémir de peur. Floch craint que le véritable meurtrier le déniche et le tue. La mort aussi est quelque chose qui le terrifie. Qu'est-ce qu'il y a ensuite? Le paradis, l'enfer ou encore le néant? Y'a-t-il réellement un Dieu? Toute sa vie, bien qu'elle n'ait pas été celle d'un Saint, le garçon a été croyant. Venant d'une famille très pratiquante, le doute le gagne peu souvent, mais au moment où la mort rôde, il se permet de se questionner un peu.

Le cœur de Floch se sert quand il entend des bruits de pas. Sa respiration se saccade et il regarde vers l'endroit d'où proviennent les craquements.

-Vous êtes déjà de retour, les gars? S'inquiète-t-il.

Aucune réponse, que le silence. Le cœur battant la chamade, le roux essaie de défaire ses liens. Ses poignets se frottent contre l'écorce rugueuse de l'arbre, mais rien à faire face aux nœuds experts de Marco. Du bois lui tranche douloureusement la peau, mais en cet instant, tout ce qui compte c'est fuir. Si au moins il pouvait aller dans la tente et récupérer son pistolet.

Ne sachant pas quoi faire lorsqu'une silhouette masculine se découpe dans la nuit, Floch ferme les yeux pour réciter à voix basse un chapelet. Peut-être que sa religion l'aidera? Tremblant, il espère que s'il ne voit pas ce qui se passe devant lui, la surprise lui sera moins douloureuse.

Bientôt, le garçon ressent une présence à sa droite. Tous les bruits dans l'air semblent s'arrêter alors que seule une respiration inconnue brise le silence oppressant.

-Alors, tu crois vraiment que Dieu peut te sauver? S'enquiert l'étranger.

-Il peut me sauver moi, mais pas vous.

Un faible ricanement raisonne, faisant frissonner Floch. Il le connait...

-Alors, dis-lui bonjour de ma part.

Avant que Floch puisse répliquer, une horrible douleur parcourt son cou, celle d'un coup de hache manqué. Jamais il n'a souffert à ce point. Si sa tête presque arrachée lui avait permis, le cri qui en serait sorti aurait glacé le sang. Ce n'est qu'au troisième coup que le roux trouve enfin la mort, sa tête roulant sur le sol crasseux, son corps toujours attaché à cet arbre tâché de sang.

C'est ainsi que mourut le drogué.

***

Je me sens impatient de retrouver les autres élèves. Non pas parce que je les aime, mais parce que je vais me sentir en sécurité avec eux, avec l'enseignant. J'espère que les secours vont rapidement arriver et nous sortir de ce pétrin. L'image affreuse du corps mort de Annie remonte dans ma tête, mais je m'empresse de la faire disparaitre. Jamais je ne vais oublier cette horreur.

Nous sortons de la forêt à côté du même lac où nous avions fait notre premier feu. Heureusement que Marco a un sens de l'orientation très développé et a pensé à laisser des traces, sinon, je pense que je me serais perdu. Me repérer dans les lieux inconnus, c'est loin d'être mon talent.

Le silence de mort qui plane dans l'air me glace le sang. Pourquoi est-ce si calme dehors? J'imagine que le couvre-feu est passé depuis longtemps et que tout le monde dort déjà.

-On devrait entendre quand même parler, fait remarquer Armin, au moins dans les tentes.

Personne n'ose l'approuver, mais je sais pertinemment qu'il a raison. Qui est entièrement silencieux après le couvre-feu?

Nous avançons lentement vers le camp, mais plus nous approchons, plus j'ai un affreux pressentiment. Quelque chose cloche, mais je ne saurais dire quoi, et à voir la tête de mes amis, je ne suis pas le seul à avoir cette impression. Nous arrivons enfin dans le coin des tentes et je suis pris d'un horrible haut-le-cœur. J'apporte la main devant ma bouche alors que Marco est le premier à courir pour vérifier s'il y a des survivants.

Plusieurs corps sont sur le sol, tous perforé par des balles. Comment est-ce possible que nous n'ayons pas entendu le moindre coup de feu? Comment ce type a pu se débarrasser de tous le monde si facilement? J'ai le vertige... parmi eux, certains étaient de bons camarades de classe à qui je parlais fréquemment.

Marco revient, le visage sévère.

-Ceux dans les tentes ont eu la gorge tranchée, avoue-t-il froidement, il a dû s'y prendre pendant leur sommeil et descendre les autres avec une arme à feu. J'imagine qu'il avait un silencieux puisque nous n'avons rien entendu... Je les connaissais presque tous.

Il baisse les yeux en serrant les poings. Jamais je n'ai vu mon meilleur ami si détruit et en colère. Eren s'en approche pour le prendre dans ses bras et ce dernier le laisse faire, les larmes aux yeux sous la rage. Je me sens impuissant dans cette situation.

-On ne sait pas si l'assassin est seul ou accompagné ni si c'est quelqu'un du groupe ou pas, déclare Armin, si ça se trouve, c'est un parfait étranger qui a pris notre classe comme cible dans le but de s'amuser. Il faudrait partir au plus vite avant de le ou les croiser.

-On pourrait prendre l'autobus? Propose Eren qui tient toujours Marco contre lui, les clés y étaient restées quand nous sommes allés chercher la tente. Je pense que je pourrais la conduire. Ça doit être comme une voiture? On ira chercher Floch avant.

-Tu veux qu'on amène le meurtrier avec nous? S'offusque Mikasa.

-Cesse de penser que c'est lui! Il a toujours été avec nous et n'aurait pas eu le temps de venir faire ça pendant une pause pipi. Tu ne le connais pas, donc tu te la fermes.

Mikasa semble choquée que Eren lui parle de la sorte, mais il a raison. C'est impossible que l'assassin soit Floch et nous l'avons tous accusé à tort. Le pauvre doit mourir de peur là où il est, seul entre les arbres. Je me sens soudainement coupable de l'avoir abandonné.