Chapitre 66 : Gentillesse et Gifle

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Lundi 20 octobre 18h 32
LUKAS - chanteur de Sweet Poison

— À demain la marmaille ! Vous avez été amazing !

AC ponctue sa déclaration en m'ébouriffant gentiment les cheveux.

— À demain ! lui répond Kwan.

Elle nous salue de la main et pousse la porte arrière du hall pour accéder au parking réservé aux entreprises du bâtiment. J'imaginais AC au volant d'une super voiture ou au contraire d'une poubelle bardée de stickers, mais elle s'installe dans une petite Volkswagen grise ordinaire. Ce qui est encore plus cool en un sens.

— Faut prendre le même trajet qu'à l'aller, non ? demande Kwan, plus terre à terre que moi.

Arthur, les yeux sur son téléphone, opine.

— C'est ce qu'indique l'appli, il ne semble pas y avoir plus rapide.

— Tant pis. On y va ?

— Oui.

— Tu veux qu'on aille où de toute façon ? soupire Bec'.

— Question rhétorique, ma grosse.

Il n'y a que nous au rez-de-chaussée, mais, dans les premiers étages, quelques bureaux sont encore allumés. Ils doivent appartenir aux entreprises dont les boîtes aux lettres s'alignent contre le mur. J'en compte cinq avec Waves, mais la dernière, celle qui correspond au mystérieux quatrième étage, n'a aucun nom. L'immeuble n'est pas très grand au final, et son architecture ancienne lui donne un côté chaleureux. Les fantaisies d'AC et les relations détendues au sein de Waves aident aussi.

— Lukas ? m'appelle Arthur.

— Pardon ! Je réfléchissais. Je me disais que j'étais content d'être ici.

Bec' hausse un sourcil.

— Dans ce bâtiment poussiéreux ? Employé à faire la vaisselle ?

— Non, il voulait dire avec toi, Requinouchette, réplique Kwan.

Bec' lui adresse un doigt d'honneur et nous sortons tous les quatre à la recherche de la station de métro la plus proche.

Comme on peut l'espérer du métro parisien à six heures et demi est bondé. Je crois que le pire est l'odeur. Un mélange de sueur, de déodorant bon marché, de parfum capiteux et d'autres odeurs corporelles qui forment un pot-pourri irrespirable. Les arrêts défilent lentement et je regarde les autres passagers pour m'occuper. Dans l'ensemble, c'est laid, cette masse d'humains désœuvrées et enfermés dans leur routine.

J'accroche le regard vide d'une femme debout contre la paroi de la rame. Étonnée, elle me détaille, intriguée. Je tente d'imaginer ce qu'elle voit. Une visage lisse et une tignasse blonde, un blouson à cuir, un slim et un sourire innocent, juste de connivence dans de ce petit bout de ce quotidien morne. Un garçon qui n'a ni le profil du harceleur ni celui du frotteur du métro. Juste un gamin dont l'âge n'a pas encore dévoré les rêves. Je continue de lui sourire avec gentillesse, et soudain, je vois ses commissures se relever et elle me rend mon sourire. Comme on le rend à un enfant ou à certaines personnes âgées. Un instant de tendresse anonyme dans la froideur du train-train. Et quelque part, au fond des prunelles chocolat de cette femme que je ne reverrais, se glisse un merci.

— On descend au prochain arrêt, indique Arthur qui est tellement proche de la rampe verticale qu'il pourrait de lancer dans le pole-dance sans que ça ne choque.

Son intervention me ramène à la matérialité de notre trajet.

— Oui Maman, raille Bec' par automatisme.

Skin vs Sweet Poison - let's rock !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant