Nouvelles à faire ouvrir un parapluie sur un lit

La lettre

Maurice harper regarda l'âtre qui brûlait dans la cheminée de pierres. Il trouvait la flamme d'une grâce particulière. Il caressa sa moustache noire avant d'annoncer :

_ Vous avez bien réussi Colbert. Votre appartement est magnifique !

_ C'est grâce au verres vénitiens. Ils m'ont coûtés une petite fortune mais ils sont d'une finesse que l'on ne peut trouver en Angleterre. Ils sont très prisés par les nouveaux riches amateurs de bibelots pompeux, expliqua le jeune homme.

_ Décidément, vous m'impressionnez. Dit Maurice en titillant sa moustache. Vous avez un sens des affaires peu commun pour un jeune homme de votre âge.

Colbert se redressa sur son fauteuil de velours rouge, pris sur l'élégante table basse en bois la bouteille de vin, saisit un verre et le remplit du liquide rouge sang.

_ Un peu de vin Maurice ?

_ Avec plaisir, dit-il d'un sourire qui redressa les bouts de sa moustache, tandis que le jeune homme remplissait un second verre.

_ Tout de même, sale affaire... marmonna Colbert en regardant la lettre de papier rose que son ami tripotait entre ses mains.

_ J'ai encore du mal à y croire. Elle qui était si gentille... Qui aurait pu désirer sa mort ? La pauvre dame a quand même été étranglée... renchérit Maurice, des trémolos dans la voix.

_ Qui est suspecté d'avoir fait le coup ?

_ Charles O'Flaherty, Son amant, un riche écossais. Apparemment, elle l'aurait trompé et lui l'aurait étranglé, fou de rage, le soir de leur rupture. C'était pourtant lui aussi un homme bon.

_ En chacun de nous se cache un assassin, Maurice. En chacun de nous.

_ Je me plaint, mais ce doit être vous le plus accablé dans l'histoire. Merry Melton était une ami de longue date, non ?

_ C'est malheureux, mais ce n'est pas le désespoir qui fait tourner un commerce. Rien que pour organiser cette entrevue... Ce fut difficile.

_ Votre force de caractère vous honore, Colbert. Moi, qui ne suis plus aussi fringuant, la mort me terrifie.

_ Je comprends.

_Non vous ne comprenez pas, articula Maurice entre deux frissons comme si on venait de l'insulter. Cette faux qui tourne autour de ma tête, qui caresse ma maigre nuque trop faible pour porter le poids d'une famille ou d'une société, je la sens se rapprocher. Je sens déjà les eaux du Styx me glacer les chevilles, trop faible pour porter ma vieille carcasse. La force est un impôt sur la vie.

Devant cette tirade, Colbert garda le visage neutre. Il ne savait pas à quel point la perspective d'un décès terrifiait son ami. Voulant changer de sujet il demanda :

_ Alors cette lettre, elle est de Merry?

_Oui, répondit Maurice en se reprenant. Je vous attendais pour l'ouvrir.

_ Pourquoi ?

_ Vous avez toujours été très proche de Merry. Et j'ai l'intime conviction que cette lettre nous apportera une réponse.

_ Comment ça ?

_Plus personne n'avait de nouvelles d'elle depuis quelques jours avant son meurtre. Cette lettre est peut-être le seul contact qu'elle ait eu avec l'éxterieur durant cette période. Si quelque chose est arrivé pendant ce trou dans sa vie, il doit être dans cette lettre.

_ Bon dieu, chuchota Colbert.

Le jeune homme inspira puis expira lentement. Maurice comprit que Colbert s'inquiètait du contenu du papier, il avait enfin saisit à quel point trouver le meurtrier de Merry était important pour lui.

Le jeune homme prit un air décidé et annonça :

_ Trinquons aux phrases qui vont suivre.

Colbert leva son verre, Maurice fit de même.

Le vieil homme bu, tandis que son ami attendit un peu, contemplant le rouge sang du vin.

Soudain, Maurice déglutit, sentant quelque chose lui brûler la gorge. Colbert posa son verre, sans avoir bu une goutte de vin, et regarda le vieil homme calmement. Celui-ci fut pris de nausée, puis sentit que son dos ne pouvait plus le soutenir. Il s'affala sur sa chaise, les yeux écarquillés, la visage délavé, la bouche ouverte. Un dernier spasme souleva l'estomac du corps, et Maurice ne fit plus un mouvement, calmement posé sur son fauteuil, les pupilles dilatées.

Colbert se leva tranquillement et pris la lettre des mains du corps pâle de son ami. Le jeune homme regarda l'âtre qui brûlait dans la cheminée de pierres, et y jeta le papier rose qui le trahissait.

"En chacun de nous se cache un assassin. "

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J'éspère que cette première nouvelle vous a plu ! J'ai hâte de voir vos réactions !