Jeudi 12 octobre – Itaewon – Chez Rabi – 20h18
Le restaurant du vieux Rabi était le repère des fêtards de la première heure. On venait y manger sur le pouce avant de gagner les bars voisins.
Il fallait dire que ses kebabs étaient très appréciés.
Et puis il y avait sa serveuse, Hak Sol-Bi, grande et sexy, qui donnait un coup demain jusqu'au petit matin. Elle n'était pas très bavarde mais elle avait un look éloquent. Les cheveux décolorés et rasés sur le côté droit, la poitrine lourde, le nombril et la langue percés : elle ne passait pas inaperçue. La jeune femme jonglait consciencieusement entre les cuisines et le service pendant que le vieux Rabi était absorbé par l'écran accroché au-dessus du comptoir.
On était persuadé que sa petite affaire n'aurait pas tenu un mois sans elle.
« K-O-S sont nos invités ce soir ! »
L'écran hurlait avec l'audience de l'émission de divertissement. Sol-Bi, qui frottait avec énergie une des petites tables adossées au mur décrépi, se redressa agacée et chercha des yeux la télécommande.
Sur le comptoir.
Et le vieux Rabi était aux toilettes : l'occasion rêvée de baisser le son une bonne fois pour toute.
La jeune femme délaissa son chiffon et slaloma sous les regards intrusifs des clients.
Elle aurait même zappé si ça n'avait pas été une émission de grande écoute.
Sur le plateau télé, les quatre idoles flirtaient avec la présentatrice qui se laissait bousculer, un sourire figé sur les lèvres.
La vie de célébrité ne devait pas être facile...
« Sol-Bi, j'ai deux menus hamburger pour la table 3 ! »
Elle s'interrompit, prise sur le fait. Rabi, petit et trapu, surgit du couloir exigu qui menait aux toilettes pour se hisser péniblement sur son tabouret préféré. Il tendit la main et lui désigna du menton la table en question. Sol-Bi lui rendit la télécommande avec un soupir exaspéré et contourna le comptoir pour rejoindre les cuisines.
« Ce soir K-O-S, nous jouera en exclusivité leur toute dernière chanson : Only love can pay ! »
Standing ovation de l'audience, le premier couplet fut vite étouffé par le bruit de la friture. Sol-Bi aligna rageusement les rondelles de tomates.
Le restaurant était toujours bondé en fin de semaine. A peine le temps de prendre une pause pipi qu'il fallait déjà se remettre au travail. Rabi n'était pas un tyran mais Sol-Bi avait un sens aigu du travail accompli.
Elle tenait ça de sa grand-mère.
Ellr remplit les barquettes de frites et poussa d'un coup de hanches la porte de la cuisine.
Un air familier : toutes les chansons pop du moment se ressemblaient.
Avec un soupçon de hip-hop pour faire mauvais garçon, s'il-vous-plaît.
Sol-Bi traversa la pièce.
« Even though I'm taken aback, not gonna break, get down with the ache, find my way and slay this track. » débita le rappeur de la bande sur un beat lascif.
Elle s'arrêta à mi-chemin, au grand dame des deux clients affamés, et leva les yeux sur l'écran.
Gros plan sur Rager, le regard félin, le visage triomphant. Cris endiablés lorsque la caméra suivit sa main qui glissa lascivement sur son t-shirt pour dévoiler un ventre aux muscles noués.
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Only love can pay
RomanceSol-Bi et Dae-Ho se sont rencontrés au détour d'une rue de Séoul, tous deux fraîchement arrivés dans la capitale pour accomplir leur rêve : percer dans la scène underground. Les deux rappeurs tombent vite à amoureux mais alors que Dae-Ho, jeune homm...