Terre mutilée

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Bonjour, je suis heureuse de vous retrouver pour ce troisième chapitre qui portera sur le thème Terrain vague ! Mais gare à vous, ce chapitre traite explicitement du viol et du suicide. Ce sont deux sujets très sensibles donc si jamais ce sont des sujets qui vous choquent, rendez-vous demain pour le chapitre suivant !  Ce chapitre a été réécrit. 

TW : Ce chapitre traite explicitement du viol et du suicide. Ce sont deux sujets très sensibles donc si jamais ce sont des sujets qui vous choquent, rendez-vous directement au chapitre suivant !  

Le lendemain, il commença à préparer ses valises car il appréciait avoir de l'avance. Il ne voudrait pas devoir faire ses bagages la veille de son départ. Il était évidemment parti travailler, mais son supérieur lui avait ordonné de s'en aller plus tôt. Cela pourrait paraître étrange, mais le jeune bourreau de travail avait déjà comblé tous les jours d'absence qu'il avait prévus pour décembre. Son éclipse ne lui poserait aucun problème au niveau professionnel, mais il aimait se mettre à l'ouvrage et cela lui permettait de s'occuper l'esprit et de ne pas penser à ses troubles nocturnes. Mais le Destin en avait décidé autrement. Il se retrouva donc seul à deux heures de l'après-midi, à choisir les tenues qu'il emporterait pour rejoindre sa terre natale. Au lieu de l'apaiser, cela agita une tornade de tourments car il devrait affronter sa famille et il serait contraint de survivre à un nouveau repas de famille solennel et morne. Il se demandait même pourquoi il s'ennuyait à s'y rendre. Après tout s'il avait déménagé à Paris, c'était pour leur échapper. À la réflexion, il pensa qu'il aurait dû s'installer de l'autre côté du Pacifique. Mais cela n'aurait sûrement pas arrêté ses parents. Ils l'avaient recherché comme s'ils étaient Interpol et qu'il avait commis un crime passible de peine de mort. Il leur avait pourtant spécifié ne plus jamais vouloir les revoir. Il avait fait en sorte de devenir financièrement autonome et de rompre tout contact avec eux. Mais ça n'avait pas été suffisant.

Il ne pouvait pas leur échapper. Malgré le fait qu'il fût à l'autre bout du continent, il demeurait soumis aux exigences patriarcales. Sa famille semblait avoir du mal à accepter la solitude qu'il avait gagnée. Pourtant, elle lui était si salvatrice. Ils devraient se réjouir que leur fils aîné eût réussi sa vie professionnelle, mais ce n'était pas le cas. Ses géniteurs ne faisaient que ronchonner sur ses airs acariâtres et son manque de compagne. Des sempiternels sujets qui le mettaient de mauvais poil. Dimitri voulait tant esquiver cette énième réunion familiale. Hélas, il devait rejoindre sa terre natale sous peine qu'on ne vînt le chercher jusqu'à cette capitale. Connaissant ceux qui l'avaient engendré, ils seraient prêts à débarquer sans prévenir pour l'accabler de tous les maux du monde. Il perdrait son unique refuge. Il l'ignorait, mais c'était la seule contrepartie de son exil : revenir une fois par an. Ce jeune russe possédait donc onze mois de répit pour un mois de calvaire. Une trentaine de jours dont il se passerait bien.

En manque de sommeil réparateur, il les maudit de s'acharner à faire partie de sa vie, il leur en voulut également pour cette volonté de fer de le revoir chaque année à la même époque. Pourtant, il leur avait clairement dit qu'il ne désirait plus les voir et qu'il ne souhaitait plus jamais revenir en Russie. Ce même jour, il sut qu'on ne pouvait pas se débarrasser de sa famille qui le contaminait telle une gangrène. Pour eux, c'était un instant de joie, mais pour lui, ce n'était qu'un moment de pure souffrance. Il endurait chaque hiver le même manège. Il adressait mille politesses à des êtres qu'il exécrait, à quelques exceptions près. Ces réunions qu'étaient Noël et le Nouvel An n'étaient pour lui que des moments de douleur. Un cauchemar vivant bien pire que ceux qu'il supportait ces derniers temps. C'était une affreuse spirale mentale à laquelle il n'entrevoyait aucune échappatoire. Il était coincé et il ne pourrait jamais sans défaire. Son existence demeurerait pour toujours liée à la leur qu'il le requit ou non. Et cette évidence l'anéantissait. Il secoua la tête, il ne voulait pas perdre sa journée à maugréer sur le passé et sur ce lien qui l'empêchait de les larguer comme de la morue. Il ne possédait ni le temps ni l'énergie pour s'appesantir sur cela. Dimitri sortit donc de chez lui, il alla déambuler dans les rues pour prendre l'air et penser à autre chose. Durant sa promenade, il prit garde à ne pas croiser trop d'humains. Ce fut périlleux, mais ce n'était pas une tâche impossible. Au bout d'un moment de marche, il se retrouva devant la cathédrale Notre-Dame. Il hésita à y entrer pour y prier, mais il se dit que des superstitions ne l'aideraient guère à se purifier de ces chimères nocturnes maléfiques.

Hiver de débaucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant