Chapitre 1 : Wings.
Jin
Mes mains sont moites, je les frotte discrètement sur mon jean. Je me suis assis à mi-hauteur dans les gradins, un peu par hasard. J'attends mon tour en regardant les premiers participants. Certains dansent, d'autres chantent. D'autres, encore, récitent des poèmes ou rappent. C'est la première fois que je viens dans cet auditorium. Les lieux sont impressionnants, ce qui ajoute à mon stress. Sous mes yeux, la scène est large et assez peu profonde. Comment occuper tout cet espace ? On y accède par les deux côtés derrière des rideaux. Les spectateurs sont nombreux, les quelques cinq cent places sont quasiment toutes occupées. Par d'autres participants, des parents, des enseignants, des curieux sans doute. L'ambiance est bon enfant.
C'est ma première scène ouverte à Séoul, où je prends des cours de théâtre depuis un an. L'un de mes professeurs m'a proposé de me lancer ce défi pour renforcer ma confiance en moi. Quelle confiance ? Je n'en ai pas un gramme...Après le lycée, je n'avais aucune idée de poursuite d'études mais j'avais une obsession : rendre mes parents, et en particulier, ma mère, fière de moi. Pour qu'elle ait quelque chose de positif à dire sur moi quand elle discute avec ses copines. Celles-ci parlent fièrement de leurs fils mais ma mère reste silencieuse. L'aurais-je déçue ?
Comme j'aime faire le clown, je me suis inscrit à l'école d'Art dramatique et j'ai découvert un monde dans lequel je me sens à ma place, et pas seulement pour des rôles comiques. Ici, nul besoin de porter de masque, je peux exprimer ma personnalité profonde, ma sensibilité n'est plus un handicap. Mes professeurs croient en moi mais c'est toujours difficile pour moi de m'affirmer. D'où l'idée de cette scène ouverte. Vais-je trouver le courage d'y monter ? J'ai, maintenant, mal au ventre. Est-ce qu'on peut appeler cela une vocation ? Je n'ai pas la réponse. Je ne sais pas, ne vois pas ce que je pourrais faire d'autres. Jouer des rôles, chanter, être quelqu'un d'autre pendant quelques minutes, me sentir enfin bien dans ma peau.
Je suis venu seul. Je n'ai prévenu personne de ma famille que j'allais me produire ici cet après-midi. Mes parents ne sont pas réellement intéressés par ce qu'ils pensent être une lubie. Cependant, ils paient mes cours sans rechigner, espérant sans doute secrètement que ça ma passera. Notre famille vit confortablement à Séoul même. Mon père est un homme d'affaires, nous voyageons. J'ai même été étudier six mois en Australie.
Les participants enchaînent leurs prestations, je les regarde d'un œil distrait, rongé par l'angoisse de mon prochain passage. Certains ont l'air si sûrs d'eux. Comment font-ils ? Tout à coup je sors de ma rêverie. Que se passe-t-il ? L'audience est particulièrement attentive.
Je me concentre sur le jeune homme sur la scène. Sa présence est magnétique. Il est grand, il semble avoir à peu près mon âge. Il est là, il ne dit rien et pourtant chacun dans la salle retient son souffle. Puis, il commence à parler. Il dit un poème et le temps s'arrête. Je suis hypnotisé par sa diction claire, son timbre grave, son attitude concentrée mais naturelle. Ses mots me retournent les tripes et enserrent mon cœur. Il parle d'amour, de l'amour de soi qui doit être le premier. Il ne fait aucun doute qu'il dit ses propres mots et qu'il les a écrits avec son âme. Il continue avec un deuxième texte tout aussi poignant. Quand il a fini, il baisse la tête. Aucune réaction dans l'auditorium pendant plusieurs secondes. Je me lève d'un bond et commence à applaudir, bientôt rejoint par l'ensemble de l'assistance. Le jeune homme sur la scène, qui a relevé la tête dès les premiers applaudissements, me fixe et me sourit. Ce sourire laisse apparaître de belles fossettes. Je lui fais un petit signe de la main, encore ému. Il sort sous les vivats et, après trois autres participants, c'est mon tour.
J'ai du mal à respirer alors que je me rends dans les coulisses derrière le rideau. Je me demande ce qui me pousse à venir me faire mal ici. Je ne regarde personne mais je sens un regard fixé sur moi. Je lève la tête et rencontre ses yeux, son sourire d'encouragement. J'y vais.
J'avance sur la scène et je suis chez moi, je regarde le public et respire calmement. Je joue une scène que j'ai écrite et que j'ai beaucoup répétée suivant les conseils de mon professeur. Je me déplace tranquillement, ma voix est ferme. La magie de la scène opère, je me sens à l'aise et je vois que le public me suit, rit, retient son souffle.
C'est fini, le public se lève pour applaudir, il a l'air enthousiaste. Je suis heureux. C'est donc là ma place. Je me suis senti si bien sur cette scène. Il n'y a que là que j'ai l'impression d'être vivant. Je sors du plateau le sourire aux lèvres et le jeune homme aux si beaux poèmes vient vers moi.
-Salut je m'appelle Nam Joon ! Tu as été incroyable ! Bravo ! Son visage est si amical.
-Salut je suis Seokjin, tu m'as bluffé aussi ! J'ai adoré tes textes, c'est bien toi qui les a écrits ?
-Oui, merci. Je suis content qu'ils t'aient plu. Tu vas être un grand acteur il semble ! Je suis sûr que tu as écrit cette scène, non ?
-Oh, oui, non, je ne sais pas... c'est gentil en tout cas. Et toi, tu fais quoi avec ses beaux textes ?
Mes joues sont en feu, je le sais.
-Je suis rappeur, plutôt sur la scène underground mais je me suis laissé tenter par la scène ouverte pour tester mes paroles.
-C'était magnifique...
-Merci.
-Tu pourrais me donner ton numéro... On pourrait échanger si tu veux ?
-Mais oui, bonne idée ! Répond-il souriant.
Voilà comment nous nous sommes rencontrés. Nous étions alors loin de savoir que la vie allait nous réserver de grandes aventures.
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Our love is bulletproof
FanfictionL'histoire d'amour entre Nam Joon et Jin des débuts des BTS à aujourd'hui.