Je crie. Je suis née. Dans la maternité, je vois mes parents pour la première fois. Ma mère si douce, mon père si gentil. Je goutte au lait. Que c'est bon! Et les années passent.
J'ai deux ans et j'ai un petit frère. J'aime le regarder dormir mais il hurle souvent la nuit. Et les années passent.
Je suis toute exitée: demain, je rentre à l'école. Âgée de trois ans, je sais parler. Je joue maintenant souvent avec mon frère. Et les années passent.
J'entre à l'école primaire puis au collège. Je fais un stage pour être veto. Je vais au lycée. Et les années passent.
Je suis veto. Je travaille au cabinet de la ville. Et les années passent.
Je me marié. Quelle joie de me retrouver dans les bras de mon époux! J'ai des jumelles. Je les surveille pendant qu'elles jouent dans le jardin. Mon mari fais un petit bonhomme de neige sous les cris ravis de mes filles. Je tiens mon petit dernier, encore trop jeune pour comprendre la joie de ses sœurs. Et les années passent.
Ma mère meurt. Je suis triste. Non, je suis effondrée. Mes filles, âgées de maintenant une vingtaine d'années, me consolent comme elles peuvent. Mais c'est un chagrin que l'on garde toute sa vie. Et les années passent.
Mon père meurt. Puis mon frère. Ma famille se décompose avec les décès. Mais je reste en vie. Et les années passent.
J'ai 96 ans. Je vis toujours. Mon mari aussi. Une de mes filles est morte à l'âge de 79 ans. J'ai encore une fille et un fils. J'ai encore 12 petit-enfants. J'ai encore 29 arrière-petit-enfants. Et j'ai encore mon mari. Je vis encore dans ma maison. Je vis encore avec le chagrin, ce chagrin que cause la perte de nos proches. Et un matin, je ne peux plus bouger. Mon époux est inquiet. Il appelle l'hôpital. J'ai fais un AVC. Pendant 5 mois, je suis dans un lit. Je suis toujours aussi immobile. Un soir, je m'endors. Pour ne jamais me réveiller. Du ciel, je regarde mon enterrement. Ma fille pleure. Mon fils pleure. Mon mari semble absent par le douleur. Aux témoignages, mes petit-enfants pleurent aussi. Et quelques arrière-petit-enfants. Je les vois faire la fête à midi. Ils se retrouvent, rassemblés par le même chagrin, le chagrin de m'avoir perdue. L'après-midi, ils vont tous au cimetière. Je les vois jeter des fleurs sur mon cercueil. Les fleurs sont posés sur ma tombe. Dans mes dernières volontés, j'ai demandé à être enterrée près de mon père et de la grand-mère. J'ai été exaucée. Pendant que les autres vont chercher d'autres proches décédé, mon mari reste la, à regarder ma tombe avec des yeux tristes. Ma famille le soutient gentiment. Je vois que deux de les arrières petites filles sont aussi à ses côtés. Elles parlent de moi. De ce qu'elles pensaient de moi. Et j'écoute. Elles ne disent que du bien. Et les plus jeunes de mes arrières petits enfants arrivent à leur tour. Les moyens, âgés de 8 à 11 ans, jouent ensemble entre les tombes. Les deux plus jeunes qui ont 4 ans, sont troublés par la solennité de la cérémonie. Mon arrière petite-fille leur parle. Leur parle de la vie et de la mort. Doucement, calmement, sans brusqueries, elle leur explique que plus jamais ils ne pourront me voir. Enfin, pas jusqu'à leur mort. La fillette et le petit garçon hoche la tête avec gravité. Ils déposent des roses. Puis reculent en regardant leur cousine. Cette dernière leur sourit. Après un long moment, ils partent tous, les uns après les autres. Et seul reste mon mari, mon fils et ma fille. Ils regardent mon cercueil où réside à présent ma dépouille. Doucement, ma fille emmène mon mari. Et les années passent.
Mon mari meurt à son tour. Il me rejoins. Maintenant, et ce, pour l'éternité, je reste avec lui. Peu à peu, ma famille se meurt. Mais j'ai toujours des descendants, ceux qui ont une petite partie de leur sang qui vient de moi. Et je suis fière. J'ai une nombreuse descendance. Certains seront peut être célèbres, qui sait? Et moi, je suis heureuse. Je ne souffre plus comme je souffrais de mes AVCs avant ma mort. Je suis heureuse, j'ai mes proches à mes côtés. Je les ai tous vu grandir, fonder une famille, puis mourir. Mais tous ont eu des vies pleines et heureuses et j'en suis ravi.
Maintenant, la morale. Lorsqu'on pert une personne que l'on aime, il ne faut pas laisser la douleur nous envahir. Nous finirons par le rejoindre.
Nous sommes comme les fleurs. Nous naissons, nous sommes au début bourgeons rêvant de s'épanouir. À la fin de notre vie, nous nous fanons en laissant des graines derrière nous, des souvenirs.
La vie est faite pour être vécue. Il faut en profiter car on en a qu'une. Alors autant faire les bons choix dès le début, vous ne croyez pas?
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Vie et Mort
SpiritualLa vie est précieuse. La mort aussi. Car sans la mort, une vie n'est plus une vie... J'ai écrit cette histoire alors que je venais de perdre un proche. Mon arrière grand mère. Je l'aimais énormément. Ce fut un choc pour moi d'apprendre son décès. J...