Jour 10

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Sanj fit une grasse matinée, et elle aurait probablement dormi jusqu'au soir si Siegfried n'était pas venu frapper à sa porte, puis entrer sans son autorisation quand elle ne répondait pas.

D'abord il tira les rideaux. Une lumière chaude entra dans la pièce, un soleil qu'il n'y avait pas aux Blanches-Landes quelle que soit l'heure de la journée. Mais Sanj n'était pas d'humeur à l'apprécier. La nuit avait été trop courte.

-Qu'est-ce que tu fais ? marmonna-t-elle dans son oreiller.

-Je viens te réveiller, de un. De deux, j'ai reçu du courrier.

Il s'assit sur le lit, à côté d'elle, et lui tendit une enveloppe brune.

-Tu sais lire, Sieg.

-J'avais oublié.

Sanj retourna l'enveloppe et reconnut vaguement le sceau royal. En temps normal elle aurait essayé de forcer Siegfried à l'ouvrir et la lire lui-même, mais il était trop tôt pour ces chamailleries. Elle rompit le papier et déplia la lettre.

-A Monsieur -oh, attention, tu es un monsieur, maintenant.

-Je l'ai toujours été. C'est juste que personne ne m'appelle comme ça.

-Mmmmh. "A Monsieur Siegfried Burgrave, si vous lisez ces mots, je présume que vous avez terminé la première partie de votre voyage entier.". Elle a confiance en nous.

-Elle a raison de s'inquiéter. C'était proche, hier.

Le coeur de Sanj piqua une seconde, les égratignures qu'elle s'était fait contre les ronces et les arbres aussi. Puis elle reprit :

-"Je vous souhaite autant de chance pour la suite de votre voyage. Moi-même j'envisage un bref aller-retour à Dor avant votre arrivée, afin d'aller saluer des amies.". Oui, bien sûr, rien de tel que de faire trois jours de bateau pour dire salut à tes potes et repartir dans l'autre sens.

-Il lui faut bien quelque chose à faire, commenta Siegfried avec un sourire.

-"Par ailleurs, le prince mon frère est également hors de la Grande Cité, dans une de ses propriétés, au Génevrier. Si vous le pouvez, passez le récupérer afin de vous rendre au Zénith tous ensemble". Puisse la lumière de Lej éclairer votre chemin, tatata, son Altesse Briceida Lux du Zénith, tout ça. Elle est très bavarde.

-Je vois ça. Faut que je dise à Kaspar qu'on doit faire un détour dans les Costes.

Siegfried rejeta la tête en arrière pour soupirer.

Après un déjeuner plus copieux que tous leurs repas de la semaine dernière réunis, le temps vint rapidement de quitter le Brise-Glace pour reprendre la route.‌ Ordinairement, le Brise-Glace marquait une étape de trois jours, mais Kaspar devait détester le repos ou le calme. Si il organisait tous les voyages des Quatre Royaumes, les routes seraient moins souvent bouchées pour des bêtises.‌ Ceci dit, Sanj n'aimait pas particulièrement le paysage qui suivait le Brise-Glace, celui des Gorges. Le plus vite il les auraient passées, le plus tranquille ils seraient. Tant pis si elles marquaient un point de non-retour.‌ Elle voulait juste que ce voyage se finisse, pouvoir se poser quelque part durablement.‌

L'ambiance sur les routes de Vespérales était déjà différente‌.

Avec la nouvelle de la présence de Trousse-Gorges dans les environs, beaucoup de pèlerins qui faisaient étape au château avait décidé de partir le matin même, en un grand groupe, pour réduire leurs chances de se faire attaquer.‌ Le carrosse avançait au pas, mais on voyait constamment des passants.‌ Sanj pouvait écouter leurs conversations et se demander d'où ils venaient, ce qu'ils allaient demander à Nam et Kal. Tous venaient des Blanches-Landes, parlaient avec leur accent, de leurs soucis -les jours de glace, les terres et le filage.‌ Elle avait envie de les suivre, jusqu'au temple et plus loin encore, sur leur chemin de retour, vivre leurs vies avec eux, remettre les mains dans la terre et oublier le séminaire. Changer de peau et vieillir et mourir là où elle avait grandi. Mais tous ses désirs n'étaient pas compatibles, forcément.‌

Depuis le Perce-NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant