Le renouveau

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Aujourd'hui, Athénais s'extirpe en pleine de forme des bras de Morphée. Elle a décidé de prendre sa vie en main qu'elles qu'en soient les conséquences.

Dotée de longs cheveux souples noir de jais, elle est parée d'un nez aquilin et de fines lèvres ourlées, dévoilant une dentition impeccable. Avec son long menton gracile, et ses petites oreilles délicates, chacune ornée d'une petite perle nacrée aux pâles reflets incertains, elle pourrait passer pour la fille d'Aphrodite, tant sa beauté est remarquable et surprenante. Mais, malgré son teint clair sublimant son visage noble, et ses joues lisses et pleines, Athénais était toujours enveloppé dans ce qui s'apparentait, pour elle à un doux nuage de coton protecteur, et pour les autres, à un grand imperméable la tenant à distance du monde qui l'entourait, paraissant ainsi timide, rêveuse et terne.

Après avoir passé tant d'années dans l'ombre à se morfondre et à s'isoler des autres, se repliant ainsi sur elle-même doucement mais sûrement, coupant toutes interactions avec le monde extérieur, Athénais a décidé de sortir de cette apathie sordide afin de se tourner vers ce qu'on appelle le Soleil, cet astre qui d'après les livres illumine le monde de sa lumière si douce et pure.

En effet, bien que cette jeune et belle fille aille sur ses 15 ans, elle n'a encore jamais vu la lumière du jour.
La cause ? Une maladie héréditaire de la pupille, la privant de ce sens qui ne revêt toute son importance que lorsqu'il n'est plus: la vue.

Ainsi, depuis sa naissance, Athénais n'a pu imprimer sur sa rétine, ni le charme des petits vallons sur lesquels le chalet qui la voit grandir et s'étoffer de jour en jour est perchée, ni l'éclat du petit ruisseau, illuminé par les rayons dorés de cet astre indispensable à la vie, qui coule à quelques pas de son habitation, ni la magnificence de la forêt se dressant devant elle en un enchevêtrement inextricable de branchages, ni même la délicatesse de ce vert tapis d'herbe, étendu à perte de vue, parsemé d'une myriade de fleurs colorées que les papillons bariolés viennent butiner.

Mais malgré ce lourd handicap qu'est la cécité, cette adolescente connaît depuis bien longtemps chaque parcelle de la vallée qui l'entoure. En effet, afin de combler la perte de la vue, ses autres sens se sont peu à peu aiguisés à mesure qu'elle grandissait. A défaut de voir, elle entendait, touchait, humait, écoutait, goûtait, palpait, jusqu'à n'en plus finir, afin de voir avec ses oreilles, ses mains, son nez et sa bouche ce qu'elle ne pouvait distinguer avec ses yeux.

Ainsi, au printemps, assise sur une chaise-longue, et un livre à la main, elle sentait l'herbe tendre, encore humide du fait de la rosée matinale, lui chatouiller doucement la plante des pieds; elle pouvait entendre chanter ce mince filet aqueux, qui, comme animé par des muses enchanteresses, délivrait sa douce litanie, la berçant mollement à travers son doux clapotis. Tendant l'oreille, elle pouvait, grâce à son ouïe exceptionnelle, écouter le bruissement des feuilles, appréhender les battements d'ailes des insectes et réussissait même à distinguer les différents chants des oiseaux, à la mélodie si particulière et douce, à la fois harmonieuse et cadencée, dynamique et apaisante. Humant l'air, il lui était facile de repérer la futaie, bien reconnaissable à son odeur caractéristique, à la fois subtile et puissante. L'humidité des feuilles, l'odeur puissante des résineux et la fraîcheur de l'air pur s'y mêlaient pour créer ce parfum unique qu'Athénais appréciait tant.
Elle aimait aussi se prêter au jeu du toucher, palpant chaque rocher, chaque arbre, chaque objet, chaque personne, afin de s'imaginer tant bien que mal le monde qui l'entourait et dont elle est partie intégrante.

Mais, Athénais grandissant, elle ne pouvait s'épanouir pleinement, pareille à une fleur fragile et délicate qu'on aurait privée de lumière durant sa croissance, devenant bien sûr une jeune femme mûre, et dotée d'une intelligence très fine, mais renfermée, tel un bouton qui n'a pas encore éclôt, et dont la beauté profonde se trouve cachée derrière une multitude de pétales, maigres protections face à l'adversité de ce monde.
En effet Athénais souffrait de ce grave handicap qui la marginalisait, telle une améthyste au milieu de pierres précieuses, elle se sentait comme un élément hétéroclite au milieu de ses camarades.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 11, 2019 ⏰

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