J'adore le printemps. Les arbres bourgeonnent, les oiseaux chantent et l'amour fait sa loi. Les journées s'allongent et les premiers rayons de soleil apparaissent. Ces derniers temps, mon amie, Jeanne, m'avait rejoint dans le grand manoir familial. Je l'adorait, elle m'aidait quand je n'allais pas bien, quand j'avais besoin de compagnie. Le plus surprenant était qu'elle venait sans que je l'appelle. Elle tombait toujours au bon moment. Je savais qu'elle voulait uniquement mon bien. Elle se devait de me protéger. Pourtant, cette fois-ci elle n'avait pas réussi.
Un matin de mai, elle m'a réveillée et m'a emmenée dans le jardin qui entoure la propriété familiale. La légère brise matinale effleurait mon visage et faisait flotter mes cheveux. Ma tasse de café réchauffait la paume de ma main droite. Malgré l'ambiance agréable de cette matinée, quelque chose n'était pas habituel. Nous n'allions pas tarder à le découvrir. En face de nous se dressait un majestueux chêne presque aussi vieux que la bâtisse qui était dans la famille depuis des générations. Au pied de l'arbre, on pouvait distinguer un corps à la forme humaine. Ma curiosité fut piquée au vif. Je m'avançait petit à petit vers l'inconnu. Sur mon chemin, je me retournais quelques fois en lançant des regards furtifs et inquiets à mon amie. Une fois arrivée au pied du chêne, je me suis penchée au-dessus du corps inerte. J'étais sans voix, une vision d'horreur s'offrait à moi. Une main cachait ma bouche grande ouverte. Le sol se dérobait sous mes pieds. Ma jumelle, Phoebée, était là, allongée sur l'herbe fraîchement coupée. Elle était morte. Je le savais. Dans mon esprit se mêlait colère, incompréhension et tristesse. Aucune larme coulait le long de mes joues tellement le choc était puissant. Cette jeune femme était mon exemple, mon soleil. Elle faisait la fierté de papa, maman. Bien-sûr qu'elle me faisait de l'ombre, tout le monde ne parlait que d'elle sans se soucier de moi. Je me sentais écrasée par son imposante réussite, son charisme, sa prestance et son esprit. Mais je l'aimait, plus que tout. C'était la seule personne pour laquelle j'aurais donné ma vie. Après avoir repris mes esprits, je me suis retournée et Jeanne était maintenant plus proche de moi. Elle me conseilla de rejoindre la défunte. Je me sentais terriblement coupable et elle appuyait sur la corde sensible. J'ai failli l'écouter et céder à sa proposition. Je ne savais que faire de la nouvelle. Je suis pourtant allée chercher un téléphone et je l'ai transmise à mes parents. Ils ont fait au plus vite pour rentrer à la maison. À ce moment précis, tout ce que je voulais c'était que justice soit faite. Il fallait que je trouve l'assassin de la personne à qui je devais ma vie.
J'étais dans le flou. Je n'avais aucune piste, aucun indice et encore moins de preuves. Qui a bien pu commettre ce geste irréparable ? Tout le monde adorait Phoebée, je ne connais personne qui aurait pu lui faire du mal. Une enquête pour meurtre fut ouverte. Les policiers ne savaient pas par où commencer. Je savais très bien qu'ils ne pourraient pas m'aider à trouver l'assassin de ma sœur. Tous ces hommes en bleu sont terriblement incompétents, pensais-je. Quelques jours après le décès, j'avais eu accès au rapport d'autopsie. Le médecin légiste était si facile à manipuler et à corrompre. J'avais peur d'ouvrir ce dossier, peur de savoir avec quelle haine mon âme sœur avait été assassinée. Les premières pages étaient pleines de banalités inintéressantes. La pauvre avait reçu un coup violent sur la tête. Une pierre, qui était absente de la scène de crime. À ce moment là, la personne qui souhaitait lui ôter la vie savait qu'elle était déjà morte ou en train d'agoniser. Malgré cela, elle lui a transpercé le corps d'une multitude de coup de couteau. Un couteau de cuisine qui, lui aussi, était absent de la scène de crime. Le tueur s'est acharné avec une telle hargne que ma sœur n'aurait pas pu se défendre. D'autant plus qu'il n'y avait aucune traces de lutte sur son corps. La victime avait confiance en son agresseur. Quelqu'un avait abusé de sa confiance. Les conditions de sa mort m'ont mises hors de moi. J'en voulais terriblement à la personne qui avait volé sa vie. D'un autre côté, je m'en voulais terriblement car je n'avais pas été là pour la protéger. J'aurais dû partir à sa place.