Prologue

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STACIE

Avril, lundi.

Mon frère est décédé depuis maintenant deux mois et quatre jours exactement, mais mes géniteurs n'ont trouvé le courage d'organiser son enterrement qu'aujourd'hui. Ils avaient été silencieux tout le long du trajet en voiture et ça avait amplifié mon agonie. Ce silence était preuve de leur incapacité à me crier dessus, à me mépriser avec leurs répliques cinglantes, preuve qu'ils n'avaient plus la force et étaient beaucoup trop anéantis pour faire ce qu'ils font de mieux.

Ça n'a jamais été la grande entente tous les trois, mais Julian nous unifiait par sa simple présence, faisait de nous une vraie famille. Son départ nous a marqué d'une trace indélébile ainsi que ma vie, qui a pris une différente tournure, une violente tournure. J'étais avec lui lorsqu'il s'est fait tué et la réalité est que mes géniteurs auraient préféré que ce soit moi qui meurt ce jour-là. Ils me l'ont dit dès l'instant où Julian a succombé à ses blessures et depuis j'entends ce blâme chaque jour de mon existence, lorsqu'ils s'acharnent contre moi ou le pleurent. Mais ça ne me touche plus, je me blâme assez moi-même, et oui, j'aurai aussi préféré mourir à sa place.

Nous descendons de la voiture puis nous nous dirigeons vers le cercueil de mon frère qui est à la vue de tous, prêt à être descendu sous terre. La place où je mérite d'être. Plusieurs personnes que je connais à travers Julian semblent s'adresser à moi, mais je n'entends pas le son qui sort de leur bouche, je parviens simplement à lire sur leurs lèvres "Toutes mes condoléances". Je reçois un coup de coude de Samantha, ma génitrice, à un endroit où j'ai déjà un bleu, me faisant mal et donc prendre petit à petit conscience de l'environnement qui m'entoure.

Je peux littéralement sentir la mort autour de nous, dans les chuchotements et regards lourds de sens que s'échangent les gens entre eux, le bruissement des feuilles avec le vent léger du printemps, la marche lente et silencieuse du groupe entre les pierres tombales pour aller enterrer un jeune homme de 20 ans.

Je suis encerclée, voire même compressée entre ces personnes qui me scrutent et m'espionnent, prétendant partager ma peine. [Comme s'ils pouvaient imaginer ce qui se passe dans ma tête, dans ma vie, mon quotidien depuis qu'il est parti.] Quand je sens mon souffle se couper complétement, je me fraie un passage avec peine, la tête baissée pour ne croiser le regard emplit de pitié de personne. C'est finalement quand je ne peux plus retenir mes larmes que je trouve un abri loin de la cérémonie, et je peux enfin laisser libre cours à mes émotions.

Les pleurs se font si forts que mes jambes n'arrivent plus à me faire tenir et je tombe à genoux entre les hautes herbes qui me dissimulent. Mon corps est secoué de sanglots et alors que je pensais que ça me ferait du bien, je sens mon cœur se serrer d'avantage, comme s'il allait exploser dans ma poitrine à tout moment, et secrètement, c'est ce que j'aurai aimé. 

[Le deuil de Julian est trop dur, je ne peux pas vivre sans lui et sa joie débordante, j'ai eu beau m'en plaindre la plupart de temps, je donnerai tout pour l'entendre de nouveau rire. Il aimait dire qu'il était comme un phare dans la nuit, en tant que grand poète qu'il est, et il avait raison, il était mon phare.] 

Sans savoir comment, me dire ça m'arrache un petit sourire et je m'allonge finalement dans l'herbe, j'ai trop mal aux genoux maintenant. Les larmes continuent leur descente de part et d'autre de mon visage alors que j'ai la tête tournée vers le soleil qui m'éblouit.

[Connaissant Julian, il aurait préférait qu'il pleuve et que les invites dansent et rient sous la pluie plutôt que de le pleurer et déprimer alors qu'il fait un temps magnifique, je veux que ça soit le cas, que ça se passe comme il aurait voulu, c'est une journée à propos de lui aujourd'hui.]

The other meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant