Assise seule sur ce banc, un crayon à la main, la page blanche d'un cahier captait les rayons du soleil, il brillait comme une porte entrouverte vers un monde radieux. Un seul regard sur cette surface de pureté aurait donné envie d'y plonger et de couvrir d'imagination cette perfection. Ludivine était seule, même ses pensées avaient refusé de l'accompagner et son corps entier se retrouvait enveloppé dans les ténèbres d'un brouillard blanc, bloquant à sa vue les mouvements extérieurs. Stylo à la main, prête à transformer ce brouillard en mots qu'elle pourrait organiser à sa guise, auquel elle pourrait donner un sens, une vérité, un quelconque intérêt qui pourrait le dissiper et qui lui permettrait d'enfin distinguer les mains tendues autour d'elle, elle pourrait alors en saisir une qui l'emmènerait loin d'ici, lui ferait oublier les épines qui parasitent son esprit et disparaître ce hérisson niché au creux de son estomac depuis trop longtemps. Mais rien n'y fait. Ludivine est seule et la plume refuse de se poser sur la page immaculée, si elle la forçait (elle avait déjà essayé), la plume refuserait d'avancer, elle s'accrocherait aux petites irrégularités du papier si parfait, comme pour lui signifier qu'elle savait qu'elle n'était pas sincère.
Ténèbres artificielles mais si réelles. Si l'écriture est la clef de tous les problèmes, elle n'en est pas moins difficile à forger, tout était si simple par le passé qu'elle n'aurait jamais imaginé que sa pratique rassurante deviendrait un jour une épreuve contre elle-même. Un nuage l'entourait en permanence, Ludivine, dans le flou, refusait de le laisser partir pour ne pas apercevoir les cruautés du monde. Où qu'elle aille elle s'enveloppait dedans, comme un cocon bienveillant qui la maintiendrait en sécurité, mais les ombres ne sont visibles qu'en pleine lumière, ainsi que ses propres ténèbres et, le soir venu, elles se mêlent à la nuit, le cocon éclate et met à jour sa vulnérabilité. Son esprit s'éveille et les pensées resurgissent, les spectres la suivent, ils errent dans les rues, sentent les faiblesses et nous pressent d'angoisses, ils font craquer les branches dans notre dos, nous observent depuis les porches des maisons, claquent une porte ou font rouler bruyamment un objet, riant des sursauts de notre cœur, se jouant de nos peurs, se gaussant de notre stupidité. Elle-même ne se pensait pas si stupide, elle avait toujours pensé avoir un regard, certes parfois naïf, mais toujours ouvert sur ce monde, souriante et déterminée, il aura suffi d'une ombre pour la faire redevenir petite fille.
Elles s'était créé cet univers si doux, si tendre, les problèmes du passé étaient résolus, elle n'avait plus qu'à aller de l'avant mais son château s'est écroulé, les fondations ont été touchées. Peut-être y avait-il un souci dans la conception qui permettait de détruire l'édifice d'une simple pression du doigt ? Il lui faudra couper les mains de tous ces passants, après tout, on n'est jamais trop prudent.
09/04/2019 (Réalisme magique L3)
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Histoires et petites pensées.
RandomNous pouvions voir avant des auteurs s'amuser A écrire des choses juste pour nous montrer Qu'ils étaient bien capable d'apprivoiser les mots Au-delà du jugement rendu par les badauds. Si aujourd'hui j'écris et publie mes pensées, En les introduisan...