Chapitre 1

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La grossesse, on me l'avait vendue comme un moment de plénitude : "tu verras, tu seras épanouie comme jamais!" C'est sans doute vrai pour certaines femmes, mais nous sommes toutes différentes et loin d'être égales sur ce plan.

La mienne a duré plus de neuf mois... Non, je ne suis pas une éléphante ! J'ai rencontré le papa de mes enfants tardivement et l'envie de devenir mère est arrivée au bout de quelques mois.

Tout a commencé par une visite de contrôle chez ma gynécologue. Moi qui ne suis pourtant pas fan des médecins, je l'aime bien. Elle est à l'écoute et ses conseils sont souvent pertinents. Nous papotions donc comme toujours et je lui ai soudain fait part de mon désir d'être mère.

Sa réponse m'a un peu heurtée, mais force est de reconnaître qu'elle avait raison : "A votre âge, espérer tomber enceinte spontanément, c'est un peu comme jouer au loto pour devenir riche... dans l'absolu c'est possible, mais le résultat est plus qu'incertain."

Elle m'a prescrit tout un tas d'examens pour contrôler ma fertilité et celle du futur papa. Puis elle m'a demandé de revenir avec mon conjoint pour vérifier qu'il était bien partant pour la paternité si jamais il nous fallait l'aide de la médecine pour devenir parents.

... et le verdict est tombé : seuls, nos chances de procréer étaient réduites. Après s'être assurée de notre consentement mutuel, elle a donc adressé un courrier au centre de procréation médicalement assistée de Tours ou "PMA" pour les initiés.

Les mois ont passés. Je commençais à me demander si la lettre avait trouvé son destinataire lorsque j'ai reçu une convocation pour janvier 2016. Nous avons été reçus par une gynécologue plutôt revêche qui nous a clairement dit qu'elle n'était pas favorable à notre dossier (mon travail m'obligeant à ne rejoindre mon conjoint que les week-end). Je suis sortie de cet entretien complètement effondrée, persuadée que nos chances venaient de s'envoler.

Néanmoins, nous avons enchaîné sur un entretien avec la psychologue du centre PMA qui nous a fait l'effet d'un rayon de soleil après sa collègue hargneuse. Elle nous a dit que notre dossier allait passer en commission et qu'il fallait attendre l a décision d'ici à quelques mois.

Ce n'est qu'en mai qu'une nouvelle convocation est arrivée, toujours avec la gynécologue revêche. Sans doute se réservait-elle le plaisir de nous annoncer le refus de notre dossier.

A notre grande surprise, elle nous accueillit avec ce qui ressemblait à un sourire. Notre dossier était accepté. On avait juste omis de nous en aviser. De nouveaux examens nous furent prescrits, enfin, surtout à moi. Certains étaient intrusifs et parfois douloureux. Le parcours de FIV (fécondation in vitro) était lancé.

Je l'ai vécu comme une épreuve, mêle si j'ai accumulé toutes les chances : une place s'est libérée qui m'a permis de commencer ma FIV plus tôt que prévu et de bénéficier d'une stimulation courte, plutôt que d'une longue et après maintes péripéties (injections, prises de sang et échographies pelviennes quotidiennes) le moment de déclencher l'ovulation est arrivée.

Quand je dis que j'ai accumulé toutes les chances, ce n'est pas un vain mot. La première FIV a été la bonne, ce qui est loin d'être le cas pour toutes les femmes de mon âge (j'avais 41 ans). La stimulation ovarienne a très bien fonctionné, la fécondation en elle-même a donné quatre blastocystes viables et on m'en a implanté deux comme on le fait pour toute femme de plus de 38 ans (les chances d'implantation étant plus minces).

Il y eut ensuite ces moments terribles où j'allais faire des prises de sang pour connaître le taux de bêta- HCG afin de savoir si j'étais enceinte ou non. J'appelais le service de la PMA tous les débuts d'après-midi, tremblant à l'idée de devoir tout recommencer. Quand la dernière prise de sang s'est révélée positive, on m'a invitée à tempérer mon enthousiasme : je ne serais vraiment sûre de rien avant l'échographie de datation, celle qui dirait si un embryon s'était accroché au bon endroit et formé correctement.

C'est la nature même de la FIV, ces attentes interminables mêlées d'espoir et de peur. A chaque fois qu'on remporte une victoire, une nouvelle épreuve se présente.

Le médecin a l'échographie m'a donné des sueurs froides. Je l'ai vu se décomposer soudain et je me suis dit "c'est mort"... Très ennuyé, il m'a annoncé qu'il y avait deux embryons et là, j'ai dû me retenir pour ne pas sauter comme un cabri dans tous les coins du cabinet.

J'avoue que ce sentiment d'euphorie a mis plusieurs jours avant de redescendre. Euphorie pas du tout partagée par mon compagnon que la perspective d'avoir des jumeaux a quelque peu assommé. Notre entourage a été secoué lui aussi. Ma mère était aux anges, ma belle-mère elle, est tombée des nues : elle ignorait tout de notre démarche pour devenir parents.

La grossesse à proprement parler avait enfin commencé. Je ferai l'impasse sur les trois premiers mois qui se sont bien passés, malgré les nausées et les vomissements incessants (dus à des taux d'hormones très élevés).Le meilleur moment a été l'annonce du sexe de nos enfants : un garçon et une fille.

Le quatrième mois a été catastrophique. Mon col de l'utérus était ouvert, nécessitant une hospitalisation et la pause d'un pessaire pour éviter la fausse couche. D'octobre à décembre, j'ai subi des examens quotidiens, la nourriture immonde de l'hôpital (pour couronner le tout, on m'a diagnostiqué un diabète gestationnel qui m'interdisait toute douceur) et la solitude (mes proches ne pouvant me rendre visite tous les jours).

Après un cours séjour chez mes parents où je demeurai alitée (et au régime), on m'hospitalisa une deuxième fois, car l'un de mes bébés, mon garçon, ne se développait plus normalement. Sous haute surveillance, j'ai attendu qu'on puisse déclencher l'accouchement un 17 février 2017...

Encore une fois, ce fut un moment étrange entre bonheur et terreur. Il y avait un monde fou dans le bloc opératoire pour deux raisons : les équipes sont doublées pour la venue de jumeaux et j'accouchais dans un CHU : chaque praticien était flanqué d'un étudiant. J'ai pleuré de bonheur quand j'ai entendu les premiers pleurs de ma fille et mon cœur s'est serré en attendant ceux de mon fils.

Césarienne oblige, je n'ai eu que quelques secondes de contact avec mes bébés avant qu'on ne les emmène. J'ai passé les heures suivantes seule, le temps que l'anesthésie locale ne se dissipe.

Ce parcours (et la suite : trois semaines de couveuse pour mon fils et autant de temps à voyager entre deux services pour essayer d'être présente pour mes deux petits qui avaient besoin de moi),a été l'expérience la plus intense et la plus difficile de toute mon existence, mais je referais tout les yeux fermés si c'était à refaire car c'est ainsi que j'ai obtenu ce qui est le plus précieux dans ma vie : mes enfants.

Ma grossesse, ce parcours du combattantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant