Chapitre 25

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[Je préviens les plus sensibles que ce chapitre contient une scène pouvant heurter votre sensibilité. Ce n'est pas excessif, largement pas, mais je préfère prévenir.]


— Sire, le convoi est prêt.

Lyssandre défroissa l'étoffe de sa toilette du jour, caractérisée par des couleurs sobres, un peu tristes, mais au goût du jour. Il l'avait enfilée comme un comédien enfilerait son costume, comme si la barrière du tissu faisait de lui un autre homme.

Un de ces personnages qu'il se serait bien garder d'incarner.

— Bien.

— Il partira sur les coups de dix heures, Majesté.

Lyssandre consulta l'horloge. Il lui restait un quart d'heure à tuer et cette expression lui parut de fort mauvaise inspiration. La nuit n'avait pas été porteuse de bon conseil et il n'avait pas fermé l'œil. Chaque fois qu'il se sentait sombrer, les bras agrippés par les mains solides de Morphée, une pensée s'imposait à lui. Avec elle, toute l'urgence qu'elle proposait, et sa figure impérieuse ne le quittait plus. Amaury, les criminels, la Cour et ses murmures, le conseil et sa pourriture, et enfin, la guerre.

Dans de pareilles conditions, comment trouver le sommeil ?

Lyssandre avait gardé le silence. Ainsi, il avait pris un parti risqué, mais personne ne saurait. Pas même sa tante, qui ne pensait pas qu'il puisse lui rester encore un frère. Pas même Priam, qui ne pensait pas posséder en ce monde la moindre famille. Pas même Loajess qui haïrait son roi si elle découvrait la duperie.

Lyssandre avait quitté ses appartements et arpentait les couloirs. Il observait, guettait, cherchait à soutirer des informations à ces murs. Ces murs qui avaient renfermé plus d'un secret et dont la discrétion, aux antipodes de celle des courtisans, ne connaissait aucune faille. Que lui cachait-on ? En croisant quelques-uns de ses invités, ces nobles qui se pensaient chez eux et légitimes à défendre leur place, Lyssandre chercha à deviner leurs pensées. Que trahissait leurs sourires crispés ? Ceux-ci, parfois dégoulinants d'une fausse humilité lorsqu'il s'agissait de jeunes filles dont les géniteurs exposaient les vertus, n'avaient rien de plaisant.

— Majesté !

Lyssandre se figea. Il ne lui semblait pas avoir manqué l'heure. L'irruption d'Alzar ne laissait rien suggérer de bon et avant même qu'il ne se retourne, il en fut convaincu.

— Qu'y-t-il, monsieur ? Allons-nous être retardés ?

— C'est à vous de décider si vous souhaitez voir retardé notre départ, Sire.

— Pourquoi voudrais-je...

Lyssandre referma la bouche et ravala tout rond ses paroles. Il y avait, dans la posture du ministre de la guerre, peut-être aussi dans sa nervosité suggérée, quelque chose de surprenant. Nonobstant une farouche envie de fausser compagnie à la responsabilité qui se dévoilait, il dit :

— Je vous écoute.

— Il vaut peut-être mieux que vous me suiviez dans un endroit un peu plus... privé, Sire.

Lyssandre obtempéra et, sur le chemin qui les menait aux quartiers officiels du palais, ceux qui accueillaient toutes les fonctions de commandement, ils croisèrent la route du chevalier.

— Sire, déclara-t-il, le départ...

— Nous verrons dans un court instant, si vous le voulez bien.

Longue vie au roi [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant