Mon calendrier de l'Avent

J-20

"- Oh mon Dieu Abby ! Tu as dormi combien de temps cette nuit ?
- Suffisamment pour survivre t'inquiète pas Max.
- Non mais Abby faut que tu dormes.
- Oui je sais Emy, j'ai fait une insomnie  cette nuit. Je dormirai mieux la nuit prochaine tout simplement."

Toute la journée, j'ai eu le droit à la même chanson. Je n'ai pas dormi de la nuit.

Peut-être que les gens vont penser que j'en fais trop, mais je devais absolument savoir qui était cet homme C'est mon instinct qui me pousse à trouver la réponse. Il me donne l'impression que ces recherches passent avant tout le reste, que c'est capital pour mon existence. Résultat, j'aurais mieux fait de dormir. Je n'ai rien, absolument rien trouvé. J'ai retourné tous les albums photo du buffet pourtant. Je les ai feuilletés un à un. Aucun résultat. Juste moi, Mari et ma mère sur la plupart des photos et des fois des amis. C'est tout.

Et cet après-midi, en cours, j'ai pensé à un autre endroit où ma mère stockait les photos un peu plus personnelles, confidentielles en quelque sorte.

C'est le genre d'endroit qui, en étant petite, m'a toujours fascinée. Les lieux que les adultes interdisent sont en général l'objet de tous les fantasmes des enfants.

Avec Mari on s'amusait beaucoup à aller en douce dans le bureau de ma mère pour regarder ses photos d'enfance à elle. On riait de ses lunettes rondes, de son appareil dentaire, de sa robe trop longue. Mon Dieu ce que ma mère a évolué depuis.

Je me souviens aussi qu'elle cachait des espèces de mini trésors dans sa pièce secrète. Nous pensions que ces trésors ne nous étaient pas destinés alors on allait les piquer discrètement aussi. Ma mère le savait très bien. Ça l'amusait presque.

Tout ça pour dire que j'ai repensé aux albums photo de maman dans son bureau dont je n'ai pas tourné les pages depuis de nombreuses années. Peut-être que ma mère connaissait quelqu'un aux yeux bleus perçants et que c'est comme ça que j'ai l'impression d'avoir déjà croisé cette personne.

Peu importe la personne qui sera avec moi ce soir, elle cherchera avec moi l'individu X.

En attendant nous sommes jeudi et comme tous les jeudis nous nous retrouvons avec Emy et Zack dans le parc à côté de Zack, je m'y rends. Je sais qu'Emy a un truc hyper important à faire et donc elle ne sera pas là.

Je parle à Zack de ce qui s'est passé hier soir pendant qu'il me paye un chocolat chaud dans un stand de bouffe de Noël du marché de Noël. Il m'a vu congelée à un point que des stalactites tombaient de mon nez.

"- Tu veux que je t'aide dans tes recherches ?
- Tu ferais ça ?
- Oui je peux chercher dans mes albums chez moi. Vu qu'on se connait depuis tout petits, tu as peut-être croisé cette personne en même temps que moi non ?
- Oui c'est possible...
- Tu veux qu'on bouge Abby ? L'ambiance de Noël et toi ça fait dix milles alors...
- Toi tu aimes bien Noël alors on reste ici Zack. Pas question que je fasse ma meuf chiante à base de "j'aime pas Noël alors personne de mon entourage ne doit m'en parler.". Je ne suis pas ma mère quand même."

Je dois avouer que je n'ai jamais compris Zack. Pourquoi aimer une fête comme Noël alors qu'il doit être avec sa famille ? Tous les ans il s'oblige à assister à des tas de dîners de famille et tous les ans il revient après les fêtes dans un état psychologique lamentable, limite proche de la dépression.

Moi je n'ai pas ce problème, je n'ai jamais souhaité Noël à personne.

Ce type de fête me sert juste de prétexte pour faire la fête.

Le pire moment de cet événement est sûrement l'engouement qu'il prend au lycée. Pour Noël on tire au sort une personne qu'on doit protéger jusqu'aux vacances, en gros on est son ange gardien. Et puis on tire aussi au sort une personne à qui on doit faire un cadeau. Ridicule. Offrir un cadeau à  quelqu'un à qui tu ne parles jamais, et puis quoi encore. Je vais tout de même pas offrir un  cadeau à Gaston, mon voisin de trois maisons sur la droite.

Je rentre chez moi après ce marché de Noël très revigorant. Il faut que je puisse accueillir la surprise de ce soir.

Une heure plus tard, j'ouvre la porte à Isis.

Isis est une fille que j'ai connu à l'école primaire, tout comme Zack, Lysandre et Antoine. Elle a fait pas mal d'années de danse moderne avec moi, mais elle était beaucoup plus douée que moi. Sinon on traînait ensemble en classe. Comme la plupart des autres élèves de ma classe d'ailleurs.

Je me rappelle qu'en CM1, tous les gens de ma classe jouaient ensemble, moi aussi. On jouait à trappe-trappe, on jouait à la balle au prisonnier (oui à 24 pour une balle au prisonnier, ça faisait de longues parties), on jouait au foot, même les filles. Bref on était une classe hyper soudée. Et quand je suis partie à la fin du CM1, ils ont tous pleurés.

J'ai déjà été plusieurs fois chez Isis, pour son anniversaire par exemple. Ma mère est déjà venue manger chez elle aussi.

Pendant un repas, je me souviens qu'on avait joué à " Qui je suis". J'ai toujours profondément haï ce jeu. Notamment parce qu'à chaque fois on me fait deviner " Moi".

Isis et moi sommes dans le bureau de ma mère. Isis les jambes croisées, posée sur le clic-clac, moi sur le bureau. Ça fait plus d'une heure que nous cherchons sans aucun résultat.

"- Abby, je ne veux pas te vexer, mais je pense que les réponses que tu cherches ne sont pas chez toi. Nous avons remué ciel et terre dans cette maison, retourné tous les placards, fouillé chaque étagère, rien. On a absolument rien trouvé.
- Je m'en veux Isis de t'utiliser comme ça.
- Ça ne me dérange pas plus que ça. En fait ça me fait plaisir de t'aider.
- J'ai l'impression que la réponse que j'attends est primordiale à ma vie, que je ne peux pas respirer tant que je n'ai pas résolu ce mystère.
- Je comprends. Je pense pourtant que tu dois faire une petite pause. Arrêtons là pour ce soir et attendons ce que Zack va nous dire. Il va peut-être trouvé quelque chose. Après  tout vous faites tous ensemble depuis vos trois ans.