Ignorance

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-          Allez, Denis, t'es où ?

Je marchais le long du corridor en attendant qu'il arrive au bureau. Je savais que Denis était connu pour toujours arriver en retard, donc il y avait une partie de moi qui était calme. Par contre, en regardant ma montre et ses aiguilles en forme de serpent, j'ai vu qu'environ quinze minutes s'étaient écoulées. D'habitude, il arrivait après cinq minutes, donc c'était un peu étrange, mais je me suis dit que c'était possible qu'il soit pris dans le trafic.

Après presque une heure de retard, j'ai entendu le «ding» de l'ascenseur.  Je suis parti en pleine vitesse pour aller le rejoindre, quand j'ai remarqué que j'avais oublié le dossier. Le dossier qu'il devait remplir avant que le patron m'arrache la tête. C'était quand même à moi de s'assurer que tout était fait et dans le bon ordre.

La porte de l'ascenseur s'ouvrit tranquillement, mais l'homme à l'affreuse cravate rouge resta à l'intérieur, les mains enfoncées dans ses poches de pantalons. Il avait l'air de fixer quelque chose qui était à l'autre bout du bureau, mais il ne fit aucun mouvement. Il n'allait pas bien, ce n'était pas le moment d'en discuter, il fallait qu'il remplisse le dossier.

Voyant qu'il n'avait aucune intention de sortir de l'ascenseur, j'ai décidé que c'était à moi d'aller le chercher.  En entrant à l'intérieur, je lui tendis le document important.

–          Tiens, Denis. Tout ce que tu dois remplir est là-dedans, lui ai-je dit.

Denis resta immobile, sans dire un mot. Il commençait vraiment à m'énerver, et j'étais sur le point de perdre patience.

–          Denis ! Allo, je te parle. Tiens, il faut que tu remplisses ça et vite, répétai-je en envoyant mes bras dans les airs pour ensuite lui passer mes mains au visage.

Finalement, Denis tourna sa tête dans ma direction et me jeta un regard mortel. Je l'ai fixé sans rien dire, attendant qu'il me dise quelque chose, mais rien ne sortit d'entre ses lèvres gercées. Ensuite, il détourna son attention vers autre chose que moi et quitta enfin l'ascenseur.

–          Attends ! cris-je, mais il continua son chemin, comme si je n'existais pas.

Étonné de ce qui venait de se produire sous mes yeux, je l'ai poursuivi. Je ne comprenais pas pourquoi il avait agi de cette façon, mais je n'allais surtout pas l'accepter. Après m'avoir humilié devant tout le bureau la semaine dernière, je devais me défendre.  Renverser la grosse cruche d'eau sur moi, échapper son spaghetti sur ma chemise blanche, et me collant du papier de toilette dans le dos, il était temps que je fasse quelque chose. J'ai donc choisi de finalement prendre ma place. J'étais assez tanné de me faire marcher dessus par les autres, et surtout par Denis.

Je me suis donc planté devant lui, les bras croisés, le dossier de feuilles encore dans mes mains. Je ai regardé droit dans ses yeux vitreux et je me suis préparé pour recevoir une claque. De toute façon, ça ne serait pas la première fois. J'ai pris une grande inspiration et j'ai dit:

-          Ok, maintenant, ça suffit. Soit tu m'écoutes et tu prends le document, soit tu m'expliques ce qui se passe dans ta vie, parce que je ne comprends pas.

Encore une fois, il ne dit rien. Il resta là, sans bouger. Il avait l'air de vouloir me faire la peau, mais il ne fit aucun mouvement.

Notre conversation, qui était en fait un monologue, avait commencé à attirer l'attention du bureau. Tranquillement, les têtes se retournaient, curieuses de la situation de pourquoi je me démenais ainsi. Par contre, les deux, nous sommes restés statiques et silencieux, attendant que quelqu'un prenne la parole. Cependant, ni l'un ni l'autre ne plaça un mot.

Après un certain temps, il détourna son regard du mien et le dirigea vers un autre qui marchait dans le couloir. Il se mit à le suivre.

-          Reviens crisse!

-          Ben voyons, dit le témoin.

-          Non, pas toi! Denis Robert.

-          Denis Robert? Y'est pas rentré depuis deux semaines.

J'ai promené mes yeux de gauche à droite, de Denis Robert à mon autre collègue, confus de cette remarque. En prenant quelques secondes pour y penser, je me suis dit qu'il riait de moi. Il me semble que je l'avais vu il y a pas longtemps. En roulant mes yeux, j'ai tourné sur mes talons pour me remettre à la poursuite de mon collègue, Denis Robert.

J'ai donc continué à lui courir après, en criant son nom, mais mes efforts se sont avérés inutiles. Je n'en pouvais plus, c'était la goutte qui faisait tout déborder.

-          Tabarnak Denis ! Prends tes osties de papiers !!

Avant de continuer, j'ai vu qu'il pointait son doigt vers le plancher. J'ai donc baissé la tête, pour voir que mon soulier était détaché. Je me suis penché pour l'attacher et lorsque je me suis relevé, Denis avait disparu.

-          T'es parti où crisse? 


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OuroborosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant