Chapitre 26

1K 131 99
                                    

[Je vous présente enfin le dessin achevé de Nausicaa. Elle ressemble trait pour trait à ce que j'imaginais, c'est pourquoi je suis contente du résultat. J'espère de tout coeur que son minois vous plaît aussi]

La vision nocturne qu'offrait Halev n'avait rien de comparable avec son visage diurne.

Lyssandre l'avait compris dès lors que le crépuscule avait décliné à son tour, suivant la course inaliénable du soleil, pour abandonner derrière lui une nuit d'encre.

La face ronde de la lune paraissait s'amuser de la cohorte d'ombres projetées sur la capitale. Le jour, Halev était fière, intouchable, mais la nuit révélait ses secrets, sa grandeur exposée dans une toute autre dimension.

Lyssandre aurait volontiers quitté la ville dès la fin de la lugubre cérémonie, mais il n'en avait pas eu la possibilité. Un programme concocté sans sa contribution et sans son accord l'avait mené successivement auprès des membres de l'assemblée d'Halev, puis dans de multiples alvéoles de l'Episkapal. Une visite harassante qui avait néanmoins permis au roi de se familiariser de manière plus concrète avec l'économie de Loajess, la gestion de ses finances et l'état de celles-ci. Les priorités ayant été autres ces dernières semaines, il n'en avait pas eu le loisir et ce parcours imposé lui permit au moins de prendre part à ces affaires. Il lui avait semblé que les dignes représentants du Royaume, quelques diplomates, quelques émissaires des lointaines contrées, avaient été surpris de le voir ainsi investi dans les préoccupations d'Halev et des territoires environnants.

Lyssandre espérait seulement que leur surprise ne déboucherait pas sur une franche hostilité. Il espérait, quelque part, se délester de l'image qui lui collait déjà la peau et s'en construire une autre, plus flatteuse, plus personnelle.

La journée lui avait également permis de se défaire des tracas trop pressants de son quotidien. Il avait songé à la guerre, à Amaury et aux criminels, bien entendu, mais ses occupations du jour l'avaient contraint à ne pas s'y attarder. Cela le songeait, d'une certaine manière.

— Encore un verre, Majesté ? C'est un excellent vin qui provient d'une de mes meilleures cuvées. Vous ai-je déjà proposé de visiter mes caves ? Je suis certain que vous y trouverez votre bonheur ! Oh, bien sûr je sais qu'Halev préfère le thé, mais rien ne vaut un de ces exquis verres de vin, n'êtes-vous pas de mon avis ?

Plutôt que de se tasser sur sa chaise comme il l'aurait fait s'il se trouvait dans l'enceinte palatiale, Lyssandre inclina la tête. La tablée qui s'ouvrait devant lui était composée d'une trentaine de convives bruyants et enjoués. L'extrême majorité appartenait à une noblesse très jeune, voire ne devait leur influence et leur richesse qu'au succès de leurs affaires. Les autres, bien plus rares, s'inscrivaient parmi les quelques exceptions capables de tolérer ceux que les vieilles familles considéraient comme des rivaux naturels. Des riches mal éduqués, des rustres à la fortune salie par des transactions douteuses et une compagnie peu recommandable. Lyssandre voyait son avis à leur sujet se départir des préjugés inséminés par l'entourage de la Cour.

— Je dois vous avouer que d'ordinaire, je préfère le thé au vin, monsieur, mais le vôtre est sans conteste un des meilleurs auquel j'ai pu goûter. Quant à la visite de vos caves...

— J'imagine que je devrai prendre rendez-vous ! rit l'homme au teint rougeaud, mais à la mise enthousiaste des bons vivants. J'irai voir votre intendant, à l'occasion.

La conversation s'effila et Lyssandre découvrit qu'il pouvait discuter sans effort. Que la discussion ne passait pas forcément par un contrôle absolu de chaque syllabe et de chaque inflexion, qu'elle pouvait être spontanée. Rares étaient ceux qui lui avaient donné une telle impression.

Longue vie au roi [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant