Assise sur le sol, le visage détruit par ses poings, encore une fois cette semaine, je pleurais. Mon mari, le père de nos quatre enfants, lorsque la colère l'envahit, me frappa. Devant le regard effrayé de notre dernière, notre petite fille, les phalanges sévères de ses poings ont machinalement joué avec mes joues. J'étais il y a peu une belle femme coquette. Désormais, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Mon calvaire persistait malgré les années et ne s'épuisait pas, tandis que moi, plus faible que ce calvaire, je m'épuisais.
Ma fille pleura en me voyant et me demanda avec insistance, à de multiples reprises, pourquoi son père me frappait. Que pouvais-je lui répondre ? Je ne savais pas. J'étais bien incapable de lui fournir les raisons que pouvait avoir son cher père, mon bon mari, pour me faire autant de mal sachant que je n'en savais pas davantage qu'elle. Je ne lui causais jamais de tort. De peur de recevoir toujours plus de coups, j'évitais de lui causer le moindre souci, mais cela n'arrangeait pas ma situation.
Le sang et les larmes se mélangeaient le long de mes joues. Ma fille tenta de les essuyer avec les manches de sa veste en coton, sa préférée, je n'avais alors pas la force de la repousser pour le faire moi-même. Mes bras me faisaient atrocement mal. Hier, ils étaient les cibles de ses larges pieds ravageurs. Pendant un long moment, j'avais cru mourir. Ses pieds écrasèrent mes pauvres et maigres bras, puis vint le tour de mon ventre et de mes jambes. Il semblait presque prendre du plaisir à me détruire autant physiquement que mentalement, car oui, il s'en prenait également à ma personne de cette manière, il ne laissait rien lui échapper pour me briser.
Mon mari, parti prendre une douche pour se nettoyer de mon sang et pour désinfecter ses phalanges blessées par mes joues, m'avait laissé seule avec les enfants. Ma petite fille m'accompagnait dans mon supplice, comme une vaillante combattante, pour ne pas laisser sa mère seule dans un combat perdu d'avance, en plein terrain contrôlé par l'ennemi, celui que j'aimais et haïssais en même temps.
Le parquet sur lequel je me trouvais était maculé de sang. Le sang que j'avais jusqu'à aujourd'hui perdu et dont je n'avais pas eu le courage de nettoyer. Mon corps n'avait pas eu la force, mon esprit n'avait pas eu la motivation. J'étais faible face à ce mari que je craignais, mais je ne pouvais pas le quitter pour le bien de nos enfants. Il ne les avait pourtant pas frappé depuis leur venue au monde. Nos enfants ne l'intéressaient pas. Sa violence ne souhaitait pas les atteindre physiquement, mais sans le vouloir, il les atteignait mentalement et leur causait bien des problèmes à créer des liens sociaux ou à avoir confiance en l'être humain.
Mon seul fils, accompagné de ses deux grandes sœurs, intervint alors brusquement en entrant dans la pièce. Ses deux sœurs le suivaient à la trace, les yeux baissés sur le sol, sans un regard sur moi ou sur leur autre sœur qui pleurait devant elles. Mes deux plus grandes filles étaient concentrées sur le sang frais rougeoyant qui tapissait en partie le parquet. Traumatisés par la tyrannie de leur père, les trois n'en pouvaient plus. Je le savais, cependant je voulais tout supporter comme une bonne mère pour les protéger au mieux. J'avais ainsi oublié qu'eux également pouvait craquer même sans recevoir le moindre coup de sa part.
Mes trois enfants étaient chaudement vêtus. Ils me donnaient l'impression de s'être préparés à fuir, à abandonner notre famille, à nous laisser leur petite sœur et moi sous le joug de cet homme violent. Je les voyais tels des traîtres, mais je ne pouvais leur en vouloir. Me mettant l'espace de quelques secondes à leur place, par empathie, je n'aurais pas hésité à fuir ce père indigne pour trouver un endroit où vivre enfin en paix loin de toute cette violence.
Mon fils s'approcha de nous en silence, le regard braqué sur moi. Il avait les yeux plongés dans les miens et cela m'effraya alors subitement. Je sentais le regard de son père dans le sien. Il me dérangeait de le fixer. Je me protégeais alors comme je le pouvais face à lui. Mes yeux se baissèrent d'instinct sous le coup de la pression qu'exerçait cet horrible regard.
« N'aie pas peur maman, je ne suis pas papa, je suis ton fils. Tu me reconnais ? Nous devons nous en aller. Habille Josie, va t'habiller ensuite, nous avons déjà préparé nos affaires et les vôtres. Il est temps de partir. Avec Thara et Misan nous avons contacté le monsieur que Cosimo nous avait présenté, Mezhian Kossux. Il est en chemin. »
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Phase finale
General FictionCourte histoire traitant d'une famille dont la mère subit des violences de la part de son mari.