Histoire d'un jour.

History I

          "Tu me manques bordel ..."

        L'air était glacial, fouettant son visage violemment et faisant virevolter ses cheveux couleurs ébène. L'ambiance que dégageait le couloir sombre mal isolé dans lequel il ne cessait d'avancer était effrayant, presque glauque. Ivo ne savait plus trop ce qu'il était venu faire ni même comment il était arrivé devant cette maison de bois insalubre. Il avait la sensation que quelque chose de mauvais c'était passé dans cet endroit, qu'il était comme attirer par une force maléfique imaginaire. Au fond de lui, il voulait rebrousser chemin, retourner dans sa chambre et retrouver le confort et la chaleur de son lit mais il ne pouvait guère le fait. Ses pas continuaient d'avancer, guider par une odeur métallique qui lui chatouillait les narines. Un léger vent vint caresser la peau nu de ses bras tatoué tandis qu'un léger hoquet de surprise franchit le barrage de ses lèvres en voyant la porte en bois vermoulu s'ouvrir subitement, laissant un long grincement aiguë perturber le silence qui s'était installé depuis plusieurs minutes déjà. Son rythme cardiaque s'était aussitôt accéléré et le sang qui pulsait dans ses temps lui causait une migraine désagréable. Le jeune homme avait peur. Il n'avait aucune idée de ce qu'il allait découvrir derrière cette porte et la simple idée qu'il ne soit pas seul ici le rendait fou. Lentement et de façon incertaine, il pénétra dans la pièce et grâce au seul et faible faisceau de lumière qui éclairait l'endroit, il put découvrir le cadavre devant lui, celui de son cousin. 

        Il se réveilla en sursaut après avoir poussé un faible cri, le corps et le visage en sueur. Encore un cauchemar mais cette fois, il découvrait enfin l'identité du cadavre. Il n'avait aucune idée du pourquoi il rêvait de la mort de son cousin depuis plusieurs jours déjà puisqu'il était bel et bien vivant et qu'il lui avait parlé le matin même. Ivo passa une main rapide sur son visage en soupirant et décida de quitter la chaleur de son lit pour la fraîcheur de la nuit. Il troqua son short de pyjama pour un bas de jogging de couleur sombre ainsi qu'un sweat-shirt assortit puis quitta sa chambre après avoir regardé l'heure qu'affichait son réveil. Malgré l'heure tardive, plusieurs personnes étaient encore éveillées, discutant autour d'un verre dans le hall du bâtiment. Il quitta cette maison dirigé par un homme de puissance pourtant inconnu de tout le monde et décida de se rendre auprès de son géniteur. 

        Ivo était un homme dont la réputation avait été naissante au décès de son père, Giorgio Malone. Toute son éducation avait basé sur un seul et même principe, la vengeance. Son père, sa mère ainsi que toutes les personnes qui l'entouraient lui rappelait chaque jour que pour être un homme respecté, il fallait s'imposer et aujourd'hui, c'était ce qu'il faisait. Il s'imposait dans un monde connu pour ses innombrables meurtres sanglants, pour ses braquages à main armée ou encore pour ses deals de drogue. Le jeune Malone âgé d'à peine dix-neuf ans était aujourd'hui le chef du gang le plus respecté du pays, le Blood Gang. 

        Allongé sur l'herbe fraîche et humide près d'une pierre tombale, le regard perdu dans l'immensité du ciel étoilé, le jeune homme s'était vaguement renfermé dans son propre monde. Il s'était déchargé de toute émotion pour se concentrer seulement  le hululement des chouettes, le chant des criquets ou plus généralement, le bruit des animaux de la nuit. Quand il n'arrivait pas à dormir, c'était ici qu'il se rendait, au cimetière afin de tenir compagnie à son père.

        Au fond, Ivo avait la vague impression que ses cauchemars reflétait sa peur de perdre la seule personne qui avait son entière confiance, Chace. Il le considérait comme son propre frère bien qu'au fond, ils ne soient que de simple cousin. Quand son géniteur l'avait recueilli, il n'avait eu aucun mal à l'accepter et l'avait aussitôt adopté, créant ainsi entre eux deux unes certaines complicité unique. Et depuis qu'Ivo avait repris les reines du gang, Chace était là pour l'épauler, le soutenir, le conseiller et le guider dans toutes les décisions auxquelles il devait faire face. C'était bien plus qu'un frère qu'il avait trouvé en lui, c'était quelque chose que lui-même n'arrivait pas à expliquer. Ils prenaient soin l'un de l'autre et se protégeaient mutuellement et ça, Ivo n'était en aucun cas prêt à se séparer de cette relation qu'il considérait comme exceptionnelle. 

        Il se redressa, s'assit en tailleur devant la pierre et laissa son regard divagué sur les lettres inscrites sur le marbre. Il regrettait tellement l'absence de son géniteur, celui qu'il considérait comme son modèle. Ivo se souvenait du jour où on lui avait annoncé la mort de son père. Intérieurement, il avait crié, hurlé alors que tout ce qu'il laissait paraître, c'était un visage marquant l'impassibilité. Ses lèvres rosées s'entrouvrirent sous la vague de souvenirs qui se déferlait en lui tandis qu'une larme déferla sur sa joue gauche.

- Papa ... Tu me manques bordel. C'est dingue, ça pue la merde, l'insécurité, le manque maladif, la maladie, ouais, ça pue le tabac, la drogue, toutes ces conneries qui me détruisent mais qui ne me détruiront jamais autant que ton absence le fait. J'ai beau avoir l'air d'être un parfait idiot en m'adressant à une pierre, je sais, j'ai la certitude que tu m'écoutes, que chaque jour qui passe, tu es près de moi et que tu me guides intérieurement dans tout ce que j'entreprends. 

        Ivo baissa le regard, venant essuyer rapidement les quelques larmes qui s'était échappé de ses orbes noisette. Il avait conscience qu'en cet instant, il était faible. Il pleurait un être cher et cela le rendait vulnérable mais il n'en avait que faire. Il avait beau se confier à un tas de cailloux, il savait pertinemment que son père l'écoutait. 

- Tout est pareil depuis que tu es parti. Maman est toujours renfermé dans son monde, je ne sais plus quoi faire pour l'aider. Elle refuse mon aide et ... et ça m'attriste. Heureusement que Chace est là pour m'aider à surmonter toutes les épreuves de la vie. Ce n'est pas facile de tourner la page, ce n'est pas facile d'oublier que plus jamais j'entendrais tes sermons sur mon comportement d'enfant ou encore toutes les fois où tu me disais que tu étais fier de moi. J'espère qu'encore aujourd'hui, tu l'es. J'essaie de tourner la page mais c'est difficile, c'est une épreuve qui m'est presque insurmontable et j'ai mal. J'avais pourtant lu dans un de tes bouquins que la douleur n'était qu'éphémère, que le temps réussirait à apaiser mes maux et que ton absence ne serait plus qu'un vague souvenir mais c'est faux. C'est faux parce que j'ai beau vivre un moment heureux, le bonheur ressentit n'est que passager. Je souffre toujours autant et petit à petit, la douleur me consume de l'intérieur, me tuant à petit feu. Je t'en supplie, pardonne-moi. Pardonne-moi parce que mon comportement n'est pas exemplaire, pardonne-moi parce que pour compenser ta perte, je me réfugie dans la drogue et l'alcool, pardonne-moi parce que je ne sais pas prendre soin de maman. Pardonne-moi papa parce qu'à présent, je laisse la vie me porter sans me soucier de quoi demain sera fait, je ne vis plus que pour ton souvenir ... 

        Ce soir-là, Ivo avait trouvé en la nuit une amie. Une amie qui ne le jugeait guère sur ses choix, une amie qui l'écoutait sans jamais broncher, une amie qui n'en était pas réellement une. Ce soir-là, Ivo s'était endormi auprès de son père, un simple sourire trônant sur ses lèvres charnues et rosées. La vie n'était à présent pour lui plus qu'une partie de jeu, perdante ou gagnante et seul le temps réussirait à l'anéantir à jamais.

☼ Bonjour où bonsoir à tous ceux qui auront pris le temps de lire ma petite histoire. J'aimerais savoir si elle vous a plu et surtout, si vous voulez que j'en écrive d'autres dans le même genre, plus longue ou plus courte et sur un sujet que vous désirez. 

Merci d'avance, je vous fais de bisous! 
Emily.