De la terre que laboure le vent se dresse une ombre, mouvante et noueuse
Qui vit à nouveau, sa respiration se répand dans la brume, lente et vaporeuse
De son Crâne squelettique elle scrute le cimetière, hébétée et douteuse
Ses mâchoires cliquettent avant qu'elle n'adresse aux nues la question scabreuse :
« Le monde que j'épie n'est plus le même ; or pourquoi, si tout subit et se modifie
Pour quoi, si tout change et se dérange, de la Vérité rechercher le défi ?
Le Vivant que j'ai délaissé est bien fat, lorsque désormais à la Mort je me confie
Elle m'enseigne qu'en lui rien ne tient, il nous trompe tous et tout seul se falsifie. »
Des nues qui surplombent les champs descend une Colombe, blanche et gracieuse
Qui vole sans répit, ses ailes se déplient devant la lune, larges et lumineuses
De ses serres délicates elle se perche sur le Crâne, assurée et silencieuse
Son âme songe avant qu'elle ne déclame soudain la réponse vaniteuse :
« Le tableau des jours, certes, demeure inconstant, mais c'est cette danse
– Le cours lacéré du fleuve temporel – qui fait toute sa magnificence
Les contrastes de l'aube et du crépuscule alternent en excellence
Et la rose point ne fane – qui vit encore a bien de la chance. »
« Certes, réfléchit le Crâne, mais puisque la Vie se finit de manière importune
Toute la beauté du tableau tourne, cède fatalement à la malheureuse fortune
Et la Vérité sombre avec dans le gouffre, tombant pour le vivant en ruine
Que la Mort conserve et observe avec ses sombres prunelles de fouine. »
« L'Essence, proteste la Colombe, résiste au Temps et à la Mort
Et qui en la déniant et la reniant la retire du tableau a bien tort
Car sans elle, la peinture du Vivant perdrait toutes ses couleurs
Et son sens premier, réfléchir pour s'élever au-dessus des heures. »
« Le Vivant, rétorque le Crâne, pour la dénicher n'est pas assez vaste
L'Esprit est enfermé dans le corps, tout lui est trop grand et trop faste
Ce n'est que lorsqu'après la destruction corporelle, tissus rompus, il s'élève
Libre et illimité, que la Vérité il peut rechercher, et du divin devenir l'élève.»
« Ce n'est pas ainsi, promet la Colombe, que la Quête se dérouler pourrait
Sans la volonté et la soif que le Vivant procure, nulle Réflexion ne se jouerait
La Fin est le bonheur en la Vie, il faut avant de mourir atteindre la sagesse qui offre la patience
De prendre son temps, avant de mourir, pour souligner le tableau à l'encre de la conscience. »
Le Crâne et la Colombe s'en vont côte à côte, serpentant vers la sortie du cimetière
Au bout du labyrinthe inaccessible duquel émane une authentique sorte de Lumière
Et Nous, entre les tombes, sommes tant embrouillés par les images et les parfums
Que nous tournons la tête pour suivre leur chemin, mais sans jamais en voir la Fin.
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Cher Temps
PoetryTic, tac. Tic, tac... Nous connaissons tous ce son entêtant, entraînant, agaçant, angoissant. Cette durée limitée, ce rythme effréné, ce sablier retourné. Mais savons-nous seulement d'où il vient ? Poètes, philosophes et autres physiciens s'acharnen...