Chapitre 5 - Lui

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Assis à une table dans la salle de restauration, j'écoute d'une oreille distraite mes coéquipiers me raconter les missions qu'ils ont effectué pendant mon congé maladie. J'ai repris le travail depuis presque une semaine et ils étaient tous ravis de me voir revenir sur le terrain. Je sais que ce n'est pas simple quand il manque l'un d'entre nous. Depuis mon retour, je culpabilise de les avoir abandonnés. Je n'aurai pas dû, je m'en rends compte. Dans une caserne, on a besoin de tous les hommes. Mais à ce moment-là, je n'avais pas d'autre option. Je ne voyais pas d'autre issu. Mon comportement était désastreux. J'étais ingérable. J'aurai probablement fait plus de mal que de bien. Pourtant, ça n'empêche pas le remord de me ronger.

Alors, au cours de ces cinq jours, j'ai tout fait pour être serviable. J'essaie au maximum de compenser mon absence, de me rendre utile. En tout cas, plus que d'habitude. Ils l'ont tous remarqué car ils me houspillent dès que j'en fait trop. Je pose mon regard sur Thomas, qui explique, probablement pour la centième fois, comment il a descendu une personne âgée qui était coincée dans un arbre. Eh oui, il n'y a pas que les chats qui restent bloqués là-haut ! Ce qui le rend particulièrement fier, c'est l'accueil que lui a réservé la fille de la victime. Il n'a pas arrêté de nous narrer, et ce, dans les moindres détails, comment la jeune femme a tenu à le remercier. Je souris malgré moi quand je le vois gonfler les pecs pour raconter un moment particulièrement chaud. Des rires ponctuent sont récit et je me joins à eux.

Aujourd'hui, je vais bien.

Enfin, c'est ce que je me force à faire croire. Je me dis que si je le répète assez souvent, cela finira peut-être par arriver. Dans les faits, il est vrai que je me sens un peu mieux. Mais, seulement quand je suis entouré. J'arrive à sourire, à rire. La douleur dans mon torse devient secondaire. Je ne me perds plus dans mes pensées noires. Je n'ai plus frappé personne. Il faut dire aussi que je ne sors plus. J'ai complétement supprimé l'alcool et je vais de plus en plus souvent à la salle de sport pour compenser mes écarts de ces derniers temps.

La découverte des photos dans le magazine, a vraiment été un électrochoc pour moi. Athénaïs a refait sa vie aux côtés de Gabriel, je dois en faire de même. Pour autant, je ne compte pas me mettre avec quelqu'un. Je ne songe même pas à draguer des femmes. La rousse m'a bien trop marqué. Elle est encore présente dans mon esprit. Peu importe ce que je dis, ce que je fais, elle est toujours là. J'entends sa voix me murmurer des paroles, je sens son parfum, je me remémore son regard. Quand je suis avec du monde, ces souvenirs sont atténués. Ils sont comme flous, lointains. Mais dès que je suis seul, tout me revient. Je ne peux plus faire semblant, ou chasser la souffrance. Elle reprend possession de mon corps. Elle brise mon âme, déchire mon cœur. Isolé dans mon lit, je reste des heures, les yeux grands ouverts à fixer le plafond. Ma respiration est souvent laborieuse. Mes poumons se retrouvent compressés. Puis, quand je parviens enfin à trouver le sommeil, elle s'invite dans mes rêves, dans mon inconscient. Sa chevelure de feu, son sourire, ses yeux si clairs. Je la vois onduler au rythme de la musique. Je sens ses lèvres sur les miennes. Ses doigts sur ma peau me font frissonner. Je perçois ses gémissements au creux de mon oreille. C'était pour moi, la plus belle mélodie du monde.

Comment puis-je l'oublier si elle est là en permanence ?

Je secoue la tête et sors de mes pensées en soupirant. Il faut que j'arrête de partit si loin. Je me reconcentre sur les paroles de mon ami, souriant devant sa mine enjouée. Je me redresse sur mon siège avant de picorer quelques chips qui trainent dans mon assiette. Les pompiers qui ont été de garde dans la journée se lèvent. Ils rangent rapidement avant de quitter la caserne. D'ici quelques minutes, il ne restera plus que nous, qui sommes de permanence cette nuit.

Depuis ma reprise, nous n'avons pas fait de grosses interventions et j'en suis soulagé. Après deux semaines d'arrêt, cela n'a pas été facile pour moi de me remettre dans le bain. Heureusement, après cette nuit, j'ai deux jours de repos consécutifs. Je pense que je vais passer ce temps à dormir. Je sens que j'en ai besoin. Thomas me tend sa main dans laquelle je tape rapidement. Il fait de même avec Bastien avant de tourner les talons pour sortir. En me levant pour débarrasser mon assiette, je croise le regard de Luc. Ce dernier m'observe intensément, me fixant sans sourciller.

Embrase-moi Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant