Chapitre 39

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Je regarde Vidserck partir par le chemin que j'avais emprunté pour venir. Il jeta un dernier coup d'œil puis en une fraction de seconde il disparut. Il ne restait que moi, face à Milow, au bord du précipice. Je ne savais pas vraiment quoi faire, est-ce qu'il fallait que je lui parle? Que je le conseille? Que je le rassure? Qu'est-ce que je devais faire? Je ne savais pas du tout comment me comporter avec lui surtout depuis ce qu'il s'était passé sous l'arbre. Il ne m'adressait plus la parole et m'ignorait complètement. Et maintenant c'est limite s'il ne venait de rembarrer son pote pour qu'on soit qu'à deux. Pour le coup je ne sais pas trop quoi penser.
Je décide de m'avancer vers lui alors qu'il se trouvait toujours dos à moi, et délicatement je pose ma main sur son dos. Ses muscles se tendirent et je pouvais deviner qu'il était crispé.

-Regarde moi Milow...

Au bout de quelques secondes il se retourna. Ses yeux étaient injectés de sang et les veines noires remontaient jusqu'au dessous de ses yeux. Mon cœur se serra alors que je pouvais lire sur son visage la douleur que ça lui provoquait. Des larmes montaient et commencèrent à embuer mes yeux. Avec beaucoup de mal je les retiens et dépose délicatement mes mains autour de son visage crispé. Il ferma les yeux et sa respiration s'accéléra tandis que les veines s'accentuaient.

-Respire Milow. Concentre toi sur ma voix, murmurais-je.

Il agrippa mes avant-bras et grimaça.

-Tout va bien, je suis là. Il n'y a que nous deux, je suis avec toi. Maintenant tu vas prendre une profonde inspiration et te calmer tranquillement d'accord?

Je mime de grandes respirations qu'il tente de reproduire. Je colle mon front au sien tout en glissant mes doigts dans ses cheveux pour maintenir sa tête près de moi. Le regard plongé dans le sien devenu noir, je continue à lui parler calmement. A cet instant je peux deviner qu'il n'est plus lui, que la force qu'il tentait de dominer jusqu'à présent est là, mais elle m'écoute.

-Il faut te ressaisir, il y a des élèves là-bas qui ont besoin de toi et sans qui il serait compliqué de réussir à s'en sortir. Tu as des amis qui comptent sur toi, on compte tous sur toi Milow. On a besoin de toi. J'AI besoin de toi Milow. Mais pour ça il va falloir que tu reviennes...

Toujours avec tendresse je fais des petits mouvements circulaires sur l'arrière de son crâne, comme un massage pour tenter de le détendre. Et visiblement ça a l'effet escompté. Progressivement je retrouve dans son regard cette dureté mais aussi cette animosité qui le caractérise. Sa poigne se relâche autour de mes bras et son souffle est plus régulier.

-C'est ça, respire encore avec moi....

Nous fermons les yeux quelques instants et lorsque je les ouvre à nouveau les traits de son visage se détendent et les veines noires ont pratiquement disparues.
Lorsqu'il eut complètement repris ses esprits et qu'il retrouva sa tranquillité d'origine, je l'invite à s'asseoir sur un tronc d'arbre couché.
J'attrape la gourde a sa ceinture et lui propose de boire quelques gorgées.
Il n'avait pas prononcé un mot depuis tout à l'heure. Visiblement encore chamboulé par ce qu'il venait de se passer. Après un moment de silence il dit:

-Comment tu as fait?

-Comment ça?

-Comment tu as réussi à me calmer? Ça fait des années avec le directeur qu'on essaye de canaliser cette force en moi et toi en quelques secondes tu y arrives. Qu'est-ce que tu as fait?

-Absolument rien Milow. Je t'ai juste rassuré.

-Qu'est-ce que tu m'as dit?

-Tu ne t'en souviens pas?

Il hocha la tête.

-Lorsque je suis... comme ça... ce n'est plus mon « moi » qui agit. C'est ma nature profonde, mon subconscient qui prends le relais et je n'ai aucune emprise sur lui.

Je le regarde avec attention.

-Tu dois me prendre pour un fou, déclara t-il en prenant une gorgée d'eau.

-Non pas du tout. La personne à qui j'ai parlé tout à l'heure m'a écouté. Elle m'a écouté et a fait ce que j'ai dit.

-C'est impossible...

-Je sais ce que j'ai vu Milow.

Il rigola sadiquement.

-Mais qu'est-ce que tu m'as fait

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-Mais qu'est-ce que tu m'as fait... marmonna t-il en se levant.

-Comment ça?

-Écoute Eve, il faut qu'on arrête de traîner ensemble. Depuis que t'es arrivé ici tu as...

-J'ai quoi? Dis moi Milow? Qu'est-ce que j'ai fait? Je provoque en toi ce qu'il y a de pire? Je suis néfaste pour toi? Oh oui j'ai très bien entendu la discussion avec Vidserck, je ne suis pas bête. Je te signale que c'est toi qui t'es occupé de moi quand ça n'allait pas, c'est toi qui m'a invité chez toi quand j'étais mal. C'est à toi que je me suis confiée un tant soit peu et ça a été réciproque.

-C'est n'est pas ce que je voulais, poursuit-il la mâchoire crispée. On m'a confié la mission de te protéger et de veiller sur toi à l'école. Je n'ai pas eu le choix. Tu as raison, tu es néfaste pour moi, tu es un réel poison. Tu t'immiscies dans ma vie tel un serpent et tu empoisonnes chaque partie de mon âme.

-Alors explique moi ce qu'il vient de se passer. A l'instant mais aussi sous l'arbre des âmes.

J'étais sur le point de craquer. Je serre les dents de toutes mes forces pour ne pas m'écrouler devant lui mais il faut dire que c'est plus dur qu'il n'y parait.

-Tout ça ce n'était que de la comédie Eve...

-De la comédie? Non mais j'hallucine, tu te fous de moi là?

Il ne répondit pas.

-Écoute, je ne sais pas ce qu'on t'a dit sur moi, mais je ne veux pas que tu essayes de me repousser avec toute sorte d'argument. Je suis peut être un peu naïve parfois mais je sais ce que j'ai vu. Je te demande de ne pas me repousser Milow s'il te plaît. Je peux accepter le fait qu'on ne restera que de simples amis ou si tu préfères qu'on ait cette relation élève et référent, je peux oublier tout le reste de ce qui a pu se passer mais je te le demande. Ne m'abandonne pas comme ça, ne me repousse pas. Si pour toi il est plus facile d'oublier ce qu'il y a eu avant, je peux l'accepter.

Il ne répondit rien une fois de plus et passa à côté de moi, reprenant le chemin pour le camp.

Je ne veux pas oublier, moi.

J'aurais juré l'entendre dire quelque chose, mais ce ne fut pas suffisamment fort pour que je puisse comprendre. Il me laissa en plan, sans réponse comme la plupart du temps. J'étais désemparée, mon cerveau et mon cœur me dictaient des choses contradictoires et me voila complètement perdue et ne sachant quoi faire avec l'homme, l'homme que j'aimais...

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