Chapitre 74

54 12 6
                                    


Mercredi 24 Octobre 23h 07
MATT - chanteur de SKIN

               Antoinette me guide jusqu'au parking privé de l'hôtel où est garée la moto de sa petie-amie. Je retiens une exclamation. La Honda rouge est racée, je n'identifie pas le modèle, mais elle est taillée pour pouvoir rouler sur de longues distances, partir en road-trip.

— Elle est belle.

— Elle peut, oui, me répond Antoinette. Carole a claqué tous ses premiers salaires pour s'offrir cet engin.

Je ris. Moi qui suis impressionné par l'engin, je semble être le seul.

— D'accord, donc c'est une passion que vous ne partagez pas.

— Je n'y connais rien. Pour moi, une moto, ça doit juste rouler.

J'ajuste la jugulaire du casque que Carole m'a prêtée pendant qu'elle poursuit :

— Tous les ans, elle me traîne aux 24h du Mans et s'extasie sur devant tout ce qui a des roues.

— Ok, je compatis, pouffé-je en la laissant monter.

— Et encore, je ne t'ai pas mentionné les dragueurs du dimanche.

— Il y en a beaucoup ?

— Plus que dans le métro, c'est dire.

— Merde, pas cool.

— N'est-ce pas ? Mais c'était juste pour expliquer que je n'aime pas trop le Mans, ça n'a pas d'importance. Démarre plutôt, motorboy !

— Bien M'dame !

Je tourne la clef de Carole et le moteur se met à ronronner. Le grondement sourd qu'il dégage me fait penser à une panthère qui s'étire. À côté, ma bécane aurait des airs de chaton maladroit. Le trajet promet d'être agréable.

On se met en route. Antoinette me guide hors des ruelles étroites de Paris pour rejoindre les artères fréquentées. Je visite la ville sous un autre angle. La moto avale l'asphalte d'une manière inimitable. Tout nous semble plus proche. On perçoit infiniment plus de détails que bloqué dans l'habitacle d'une voiture. L'obscurité nocturne repoussée faiblement par les lumières artificielles, l'air sur la peau, tout est décuplé. Même avec blouson et gants, le froid ambiant est perceptible mais pas dérangeant. Je me sens tellement bien.

Après une quinzaine de minutes de trajet, bien trop peu à mon goût, je ralentis dans un quartier résidentiel et le bras d'Antoinette m'indique un des immeubles.

Je lève les yeux pendant qu'elle descend. À l'arrêt, les lumières des lampadaires et des balcons autour de nous, sont plus vives. Je pense à Skinny qui adore les étoiles. Elle n'aimerait pas vivre ici. Mais je n'ai pas l'impression qu'elle apprécie beaucoup Paris de manière générale. Trop de monde. De nous huit, le premier à s'être acclimaté, c'est Lukas. L'idée de devoir se démarquer parmi des millions le stimule. C'est un défi à sa hauteur.

— Alors, elle te plait ? me demande Antoinette.

Je regarde la moto entre mes cuisses.

— Tu plaisantes ? Elle est géniale !

— On croirait entendre Carole, soupire-t-elle. Elle fait la même tête d'ahuri que toi quand elle rentre. Je ne comprendrai jamais votre passion.

— Pourtant tu ne m'as pas dit être en psycho ? ris-je. Comprendre les émotions doit être important, non ?

Elle croise les bras, flattée que je me souvienne de sa filière.

Skin vs Sweet Poison - let's rock !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant