6 Janvier 1942 - C'est dans la province italienne de Calabre que fut sectionné le cordon ombilical de mon grand-père. Et c'est ici que mon histoire commence.
Je garde à l'esprit des souvenirs aux tons sépia qui ne sont pas les miens. Maintes fois mon père me racontait l'histoire de cet homme que la France a recueilli en 1954. Ses mots ne sont jamais les mêmes, mais l'idée est là. Je ne garantie pas l'exactitude historique, et il serait déloyal de prétendre donner des détails aussi réels que ceux qu'il aurait pu vous donner. D'autant plus que je ne me suis construit ces souvenirs qu'à partir des bribes d'histoires que l'on m'a racontées, et qui -malheureusement- m'intéressaient moins que celles que l'on me lisait le soir.
Me revient l'image d'un village d'Italie du Sud, les cris d'enfants excités par l'air parfumé qui glisse au travers des feuilles d'oliviers. Puis un train -j'imagine une locomotive saillante et cracheuse de fumée- qui transporte le petit Giovanni jusqu'au pays qui est aujourd'hui le mien. Un petit vélo, une âme candide confrontée au labeur, et une paye transférée tous les mois vers le pays en forme de botte qui représente ses racines.
Le temps passe et ses pas se déchaînent à la manière de ceux d'un Travolta franco-italien dans le bal de la ville où il habite depuis une dizaine d'années. Un visage dans la foule et une rencontre en silence.12 Octobre 1965 – Quelques mois se sont écoulés et le petit corps frêle de mon géniteur est brusquement jeté à la vie. Sa peau a la couleur de la mer tyrrhénienne : le sinueux cordon maternel s'est glissé autour de son cou.
Mes lignes en témoignent, il n'a pas succombé à cet affront de la vie. Fut-ce le premier d'une myriade de malheurs, ils me permettent d'affirmer que mon père est le héros de ma propre biographie.
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Plus haut que la Montagne
Non-FictionMoments gravés au creux de mon passé. Et si la pierre retient un jour mon corps prisonnier alors les mots seront quant à eux l'épitaphe des souvenirs qui m'ont forgé.