Chapitre 32. Un espoir vain ?

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Chapitre 32. 

Un espoir vain ?

Lorsqu'il pénétra dans la salle autrefois consacrée aux bals, à présent reconvertie en « salle d'attente », car c'était là où ses prisonniers attendaient avant qu'il décide de leur sort, il fut frappé par l'étrangeté des lieux.

Un miroir avait été disposé dans un coin, si bien que, quelque soit la place où on se trouvait dans la pièce, on ne pouvait lui échapper. Il reflétait souvent l'image du condamné, qui s'apprêtait à se rendre dans le tunnel de la Mort.

Deux grandes tapisseries représentant un héros inconnu juché sur son destrier et qui combattait les forces du Mal s'étendaient sur les murs.

Il paraissait en fâcheuse posture...Ce détail le fit sourire.

La lumière tamisée rendait l'atmosphère lourde, presque terrifiante. Une armoire imposante avalait le mur du fond, comme un monstre sur le point de tout engloutir sur son passage.

Quant au plafond, il paraissait se refermer sur la pièce, oppressant ceux qui se trouvaient là.

Le Maître ne jugea pas utile de refermer derrière lui, il laissa donc la porte ouverte à tous les regards. De toute manière, personne ne se risquerait à les déranger. Il était également conscient que sa garde rapprochée se trouvait déjà au dehors. Silencieuse, elle se fondait dans les ombres. Plus vive que l'éclair, elle interviendrait au moindre danger.

Il se dirigea sans se presser vers la femme qui pleurait. Assise sur un rocking-chair, elle se balançait doucement.

Ce balancement avait quelque chose de réconfortant, d'apaisant...Le Maître cligna des paupières.

Qu'elle étrange pièce ! songea-t-il encore, il faudrait peut être que je fasse refaire la déco !

Marguerite leva un visage souillé par les larmes sur lui.

- Covey où est mon Covey ! sanglota-t-elle.

Le Maître, l'espace d'une seconde, crut avoir une enfant devant lui, une enfant si triste et si fragile...Il secoua la tête pour s'éclaircir les idées.

- Je ne vous veux aucun mal ma chère, le Seigneur Covey est allé mener à bien notre marché, une fois que j'aurai celle que je cherche, je vous laisserai partir, vous et lui ! promit-il en lui souriant comme s'ils étaient de vieux amis.

Marguerite fut tentée de le croire mais elle savait qu'il pouvait duper n'importe qui avec son visage d'ange. Elle n'avait jamais pu contempler le visage cet homme, maintenant qu'elle le pouvait, cela lui faisait froid dans le dos.

Voilà donc pourquoi Darkshadow est devenue un monstre ! se dit-elle, son contact devait pervertir tous ceux qu'il croisait !

- C'est Sa Majesté que vous cherchez ? questionna-t-elle, sans attendre de réponse.

Le Maître confirma néanmoins.

- Ne vous forcez pas à des politesses inutiles, je sais bien ce que votre mari et vous aviez l'intention de faire avant de vous enfuir comme des lâches ! Vous savez que je déteste les voleurs...

- C'est Covey, il...il disait qu'on serait heureux, que nous ne serions plus vos esclaves ! se justifia Marguerite d'une toute petite voix.

Le Maître s'esclaffa.

- Je le regretterai peut être mais je respecterai notre marché, si votre mari me livre Darkshadow, il y gagnera votre liberté en échange, ainsi que la vie sauve ! dit-il d'une voix dépourvue d'émotion.

- C'est...c'est vrai ? balbutia la femme en reprenant des couleurs.

Il ne répondit pas, s'apprêtant à quitter la pièce.

Une main sur son bras le retint.

- Merci ! murmura Marguerite, les yeux plein de larmes et de gratitude je...je croyais que vous nous tueriez ! Vous n'êtes pas le tyran assoiffé de sang dont tout le monde parle...

Le Maître lui fit un clin d'oeil, refermant la porte derrière lui, esquissant un sourire.

Ces yeux...ce regard plein de douceur et de bonté l'avait ébranlé. Il ferma les paupières un moment, décidément, cette pièce produisait sur lui un effet étrange, il l'a ferait rasée à son retour ! Perturbé, il s'apprêta à regagner la cour où son dragon l'attendait.

Après son départ, Marguerite qui jusque là avait refusé de s'alimenter, craignant que le Maître ne veuille l'empoisonner, prit délicatement le breuvage laissé à son effet sur une petite table en bois ciré.

Elle huma l'odeur musquée qui s'en échappait et trempa ses lèvres dedans, dubitative.

Pourquoi Covey craignait-il le Maître ? C'était un homme peut être terrifiant au premier abord mais qui semblait charmant une fois qu'on le connaissait mieux ! Et il était si jeune ! Comment pourrait-elle s'en défier après les paroles réconfortantes qu'il lui avait adressé ? Comparé à lui, Darkshadow semblait être une femme bien impitoyable !

Tandis qu'elle s'étonnait du goût particulier qu'avait le breuvage, ses mains se paralysèrent.

Elle échappa la tasse qui se brisa en mille morceaux sur le parquet.

- Non ! s'étrangla-t-elle en remarquant la légère fumée noire qui s'échappait du liquide, tombé à terre.

La bouche figée sur un cri, sa dernière pensée fut pour Covey, une dernière larme perla à ses yeux, roulant sur sa joue. Le miroir capta son éclat.

Une larme d'espoir, qui encourageait à poursuivre le combat.

Alors, Marguerite s'immobilisa sur son siège, les bras ballottant dans le vide, un fin sourire éclaira son visage l'espace d'un instant, se figeant sur ses lèvres.

Elle semblait enfin en paix, et la lumière qu'elle dégageait...jamais le Maître ne pourrait l'éteindre, quel que soit ses efforts...

Car c'est un fait, le Bien persiste même après la Mort.


La Princesse des Monts VertigineuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant